Newton, Galilée et Platon - article ; n°6 ; vol.15, pg 1041-1059
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1960 - Volume 15 - Numéro 6 - Pages 1041-1059
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1960
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alexandre Koyré
Newton, Galilée et Platon
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 15e année, N. 6, 1960. pp. 1041-1059.
Citer ce document / Cite this document :
Koyré Alexandre. Newton, Galilée et Platon. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 15e année, N. 6, 1960. pp. 1041-
1059.
doi : 10.3406/ahess.1960.420681
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1960_num_15_6_420681ETUDES
Newton, Galilée et Platon
]'an de grâce 1692 marque une date importante dans l'histoire du
_j newtonianisme : cette année-là, le Révérend Richard Bentley ',
chapelain de l'évêque de Worcester, adressa à l'illustre auteur des Phi-
losophiae Naturalis Principia Mathematica une série de questions concer
nant les problèmes les plus profonds de la philosophie naturelle que celui-ci
avait négligé — ou évité — - de traiter dans son ouvrage. Les raisons qui
avaient motivé la démarche de Bentley étaient graves. De son point de
vue, elles étaient même très graves : il lui était, en effet, échu le redout
able honneur de devoir inaugurer les Boyle Lectures, instituées par une
disposition testamentaire du grand et pieux « philosophe chrétien »,
Robert Boyle 3. Ces lectures, séries de huit conférences (annuelles),
devaient, conformément au désir de leur fondateur, être consacrées à la
défense de la religion chrétienne et à la réfutation de l'athéisme, dont les
ravages, par suite surtout de l'influence néfaste de Thomas Hobbes,
mettaient la foi en danger. Elles devaient donc démontrer, entre autres
1. Cet article est le texte du rapport présenté au Congrès international d'Histoire
des Sciences à Barcelone-Madrid (1-7 sept. 1959).
2. Plus exactement, car il ne devint Doctor Divinitatis qu'en 1696, Mr Richard
Bentley, M. A. Un des plus grands philologues de l'époque, R. Bentley (1662-1742)
devint Master du Trinity College (celui de Newton) à Cambridge en 1700. C'est lui qui,
avec l'aide du successeur de Newton, Roger Cotes, entreprit la publication de la
deuxième édition des Principia.
3. Robert Boyle mourut le 30 décembre 1691 et laissa, par testament, une rente
de 150 £ par an destinée à rétribuer l'auteur des sermons-conférences sur les preuves
de la vérité de la religion chrétienne. Les lectures de R. Bentley ont eu une très grande
influence sur l'apologétique du xvme siècle. Elles portent le titre : Eight sermons
preach d ut the Honourable Robert Boyle lecture in the first year MDCXCII, par Richard
Bentley, Master of Arts, London, 1693. La première de ces lectures prouve « The folly
of atheism and... Deism even with respect to the present life », la deuxième démontre
que « matter and motion cannot think », les troisième, quatrième et cinquième pré
sentent « A confutation of atheism from the structure of the human body », les
sixième, septième et huitième présentent « A confutation of atheism from the origin
and frame of the world ». Les Sermons de Bentley ont eu 9 éditions anglaises, et une
latine (Berlin, 1696). Les sermons VII et VIII (prêches à Saint-Mary-le-Bow le 7
novembre et le 5 décembre 1692) qui traitent de la cosmologie, ont été reproduist
dans la belle édition des Isaac Newton's Papers and Letters on Natural Philosophy, par
M. I. B. Cohen-, Cambridge, Mass. 1958.
1041
Annales (16* année, novembre-décembre 1960, nr' 6) 1 ANNALES
choses, que la science nouvelle, c'est-à-dire, la « philosophie mécanique »
dont Boyle avait été un si ferme adepte, d'une part, et l'astronomie hélio-
cen trique à laquelle l'œuvre de Newton avait assuré la victoire définitive
sur les conceptions anciennes, d'autre part, ne conduisaient aucunement
au matérialisme, mais, au contraire, offraient une base solide pour son
rejet et sa réfutation.
Tâche glorieuse entre toutes ! Mais aussi, combien difficile ! D'au
tant plus que la formation de Bentley, bon théologien et philologue
admirable, ne l'avait pas préparé à s'occuper de questions scientifiques.
Aussi, après avoir essayé de se mettre au courant et de surmonter les
difficultés par ses propres moyens, se décida-t-il à en appeler au maître
lui-même, et à lui demander si, oui ou non, la philosophie mathématique
et, en particulier, la cosmologie newtonienne, pouvait se passer de l'inte
rvention d'un Dieu créateur ou, au contraire, l'impliquait.
Ce fut là une inspiration très heureuse, car Newton se prêta de bonne
grâce à la requête du jeune théologien. Aussi, les quatre lettres qu'il lui
adressa pour répondre à ses questions et lui expliquer comment il pou
vait — et aussi comment il ne devait pas — utiliser les données de la
science moderne comme fondements d'une théologie naturelle, consti
tuent-elles un des documents les plus précieux et les plus importants pour
l'étude et l'interprétation de la pensée newtonienne 1. Comme telles, elles
méritent et exigent un commentaire détaillé que, toutefois, je ne vais pas
entreprendre ici 2. Je me bornerai plutôt à étudier un moment très curieux
— s'il est en soi d'une importance minime — - de cette correspondance, à
savoir, la référence de Newton à une théorie cosmologique « platoni
cienne ».
Le problème qui, plus que tout autre, semble avoir préoccupé Bent
ley, était de savoir si, en supposant une distribution initiale uniforme
de la matière dans l'espace, le système du monde pouvait en résulter
en vertu de causes purement naturelles. A quoi Newton répond 8 :
1. Soigneusement conservées par Bentley, elles furent trouvées dans ses papiers
par son exécuteur testamentaire et publiées sous le titre : Four letters from Sir Isaák
Newton to the Reverend Dr. Bentley, London, 1756. Elles ont été réimprimées par
S. Horsley dans son édition des Opera Omnia de Newton (vol. IV, London, 1782) et
reproduites, accompagnées d'une excellente introduction de M. Perry Miller, dans le
recueil de M. Cohen, Papers and Letters... Cambridge, Mass., 1958.
2. Je l'ai fait, partiellement, dans mon From the closed world to the infinite uni
verse, Baltimore, 1957.
3. Cf. Horsley, p. 431 ; Cohen, p. 284. « To your second query, I answer, that the
motions, which the planets now have, could not spring from any natural cause alone,
but were impressed by an intelligent Agent. For since comets descend into the region
of our planets, and here move all manners of ways, going sometimes the same way
with the sometimes the contrary way, and sometimes in crossways, the plane
inclined to the plane of the ecliptic, and at all kinds of angles, it is plain that there is
1042 GALILÉE ET PLATON NEWTON,
« que les mouvements que les planètes ont maintenant ne pouvaient
pas provenir d'une cause naturelle seulement, mais [leur] ont été impri
més par un Agent intelligent. Car, puisque les comètes descendent jusque
dans la région de nos planètes et s'y meuvent de manières très diverses,
allant quelquefois dans le même sens que les planètes, quelquefois en
sens contraire, et quelquefois en travers, le plan [de leur mouvement]
étant incliné par rapport au plan de l'écliptique à des angles également
très divers, il est clair qu'il n'y a pas de cause naturelle qui eût pu dé
terminer toutes les planètes, aussi bien les primaires que les secondaires,
à se mouvoir dans le même sens, et dans le même plan, sans [présenter de]
déviation de quelque importance : ceci doit avoir été l'effet d'une
délibération. Il n'y a pas, non plus, de cause naturelle qui aurait pu
donner aux planètes les degrés de vitesse déterminés — précisément pro
portionnés à leur distance du Soleil et des autres corps centraux, dont il
était besoin pour les faire se mouvoir sur des orbes concentriques déter
minés autour de ces corps. »
II est assez curieux de constater — disons-le en passant — que la
cosmologie newtonienne qui, par rapport à celles qui la précèdent, repré
sente une simplification et une unification admirables des lois qui
régissent l'Univers, ne diminue pas, mais, au contraire, augmente le
caractère accidentel et irrationnel du système planétaire. En effet, pour
Kepler, par exemple, les dimensions et les distances des corps qui le
composent se t

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