"Notre tradition est contre Rome", Alfred Rosenberg et le second Emsav.
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! ! ! ! ! «Notre tradition est contre Rome» : Alfred Rosenberg et le second Emsav ! ! ! ! Le 12 janvier 1943, alors que l’Allemagne expérimente sur le front de l’est le goût de la défaite, le journal officiel du mouvement nationaliste breton L’Heure Bretonne publie un article qui doit retenir notre attention. Celui-ci célèbre le Reichsleiter Alfred Rosenberg à l’occasion de son cinquantième anniversaire. Nous reproduisons ici l’article in extenso : ! «Le 12 janvier, l’Allemagne a célébré le cinquantième anniversaire de M. Alfred Rosenberg, qui est l’une des personnalités les plus représentatives du national- socialisme. M. Alfred Rosenberg est né le 12 janvier 1893 dans la ville de Reval qui, en 1918, devait devenir, sous le nom de Talinn, la capitale de la nouvelle république  1d’Esthonie . M. Rosenberg appartient, en effet, à cette forte race des Allemands des pays baltes qui, sous les dominations successives des suédois et des russes, sont restés fidèles à leur esprit et à leurs traditions nationales. C’est au printemps 1919 que se place la première rencontre de M. Alfred Rosenberg avec le chef du jeune parti National-Socialiste. Il est donc pour le chancelier Hitler  2un compagnon de la première heure. En 1922, il devint avec Eckart le rédacteur en chef de l’organe officiel du Parti, le Völkische Beobachter (ce qui signifie à peu près «l’observateur national», le mot allemand «Völkisch» n’ayant pas d’équivalent en  3français) . En 1930, M.

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Publié le 02 décembre 2013
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Langue Français

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Notre tradition est contre Rome :
Alfred Rosenberg et le secondEmsav     Le 12 janvier 1943, alors que lAllemagne expérimente sur le front de lest le goût de
la défaite, le journal officiel du mouvement nationaliste bretonLHeure Bretonnepublie un
article qui doit retenir notre attention. Celui-ci célèbre lelehsicReeritAlfred Rosenberg à
loccasion de son cinquantième anniversaire. Nous reproduisons ici larticlein extenso:  Le 12 janvier, lAllemagne a célébré le cinquantième anniversaire de M. Alfred Rosenberg, qui est lune des personnalités les plus représentatives du national-socialisme. M. Alfred Rosenberg est né le 12 janvier 1893 dans la ville de Reval qui, en 1918, devait devenir, sous le nom de Talinn, la capitale de la nouvelle république 1 dEsthonie . M. Rosenberg appartient, en effet, à cette forte race des Allemands des pays baltes qui, sous les dominations successives des suédois et des russes, sont restés fidèles à leur esprit et à leurs traditions nationales. Cest au printemps 1919 que se place la première rencontre de M. Alfred Rosenberg avec le chef du jeune parti National-Socialiste. Il est donc pour le chancelier Hitler un compagnon de la première heure. En 1922, il devint avec Eckart 2le rédacteur en chef de lorgane officiel du Parti, leVölkische Beobachter(ce qui signifie à peu près lobservateur national, le mot allemand Völkisch nayant pas déquivalent en français) 3. En 1930, M. Alfred Rosenberg fut élu député au Reichstag, lors de cette fameuse élection qui attribua plus dune centaine de sièges au Parti National-Socialiste 4. Lorsque Adolf Hitler eut été appelé à la Chancellerie du Reich par le Maréchal-Président von Hindenburg, M. Rosenberg reçut, le 1ermars, limportante charge de
! 1Il sagit de lancienne orthographe. !2Il sagit de Dietrich Eckart (1868-1923). Le livre dHitler,Mein Kampf, lui est dédié. Voir Adolf Hitler,Mon Combat, Nouvelles Editions Latines, Paris, 1934, p 685. Il est aussi pour Rosenberg un mentor. Voir Alfred Rosenberg,Dietrich Eckart, ein Vermächtnis, München, 1928. !3Nous avons déjà traduit ce terme par National-populaire. Voir Gweltaz Caouissin,LasaeseGegrnjuive, Fondations Auschwitz de Bruxelles, 2011, p. 3.imag.be/witzuschwwa./:w/thptfpdn.siisuoac/stideni_/se !4107, en fait, soit 18,3% des voix. Les nationaux-socialistes obtinrent ce jour-là la plus forte progression avec 95 sièges de plus que lors de la précédente législature. !1
diriger la formation culturelle allemande, avec le titre dehcieRretiels 1. Cette fonction lui fut confirmée lannée suivante, au moins de janvier 1934, lorsque lui fut attribué le contrôle de lenseignement dans lEtat, et celui de la formation politique au sein du Parti National-Socialiste. M. Alfred Rosenberg avait toujours été connu pour ses campagnes contre le marxisme et le bolchevisme, quen sa qualité dAllemand des pays baltes, il avait connu de près 2Aussi sa nomination au poste de Ministre du Reich pour les. territoires occupés de lEst 3, le 17 novembre 1941, ne fut-elle une surprise pour personne. Ce jour-là, M. Rosenberg reçut la lourde mission de restaurer, dans les pays nouvellement conquis, les valeurs humaines tant sur le plan économique que le plan spirituel, après 24 ans de domination soviétique. Cest à cette tache que se consacre depuis quatorze mois lhistorien et le penseur dont les écrits ont exercé une si profonde influence en Allemagne depuis une vingtaine dannées. Un des ouvrages les plus connus de M. Alfred Rosenberg est le célèbre Mythe du XXesiècle, dont on a tant parlé à létranger, en le connaissant si peu. Ce travail, que les publicistes parisiens davant 1940, avaient transformé en épouvantail, est une analyse des principes sur lesquels doit être basée une société germanique et une étude particulièrement perspicace des erreurs commises par les Allemands au cours de leur histoire, lorsque ces principes leur ont fait défaut. On y trouve aussi dadmirables définitions de lart, de la pensée et de lâme médiévale et, ce qui laisserait pas que de surprendre bon nombre de catholiques, des jugements formellement favorables à linfluence du christianisme sur le monde nordique et occidental. M. Alfred Rosenberg nécrit-il pas, par exemple, ces lignes à propos de linfluence délétère exercée par les philosophes dAsie, orientale, sur les milieux intellectuels européens : On a parlé de style personnel et objectif. Aujourdhui, les mots de personnalité et dindividualité sont galvaudés. Rien de grand ne pourra pourtant se faire sil ny a point de fortes personnalités. Contre le monisme hindou qui tend à laisser se perdre le moi dans le Grand Tout, sélève lâme religieuse de lOccident qui affirme la personnalité éternelle en face de lUnivers entier. Dans cette mesure, lâme nordique occidentale saccorde, dailleurs, avec la doctrine de Jésus4 .  
!1Il sagit du grade le plus élevé dans la hiérarchie du parti nazi après celui deFührer. LesieRlshcetier, qui étaient au nombre de 18, navaient de comptes à rendre quauFührer. !2Au moment où il écrit son texte, le rédacteur de lHBne peut pas le savoir mais cest abusif, car Rosenberg démentira dans ses mémoires de captivité sêtre intéressé à la révolution bolchevique. Voir Serge Lang et Ernst von Schenk, Testament nazi. Mémoires dAlfred Rosenberg, Editions des Trois-Collines, Paris-Genève, 1948, p. 28, Moscou : lindifférent ; Gweltaz Caouissin, Par la poésie, par la pensée et puis finalement par laction. Alfred Rosenberg : le philosophe, lidéologue et le politique (1893-1946sous la direction de M. Fabrice), Mémoire de Maitrise réalisé Bouthillon, Université de Bretagne Occidentale, Brest, 2008, Lindifférent, pp. 23-32. !3En fait, Délégué du Führer pour les questions relatives à lespace est-européen. !4Alfred Rosenberg,Le Mythe du XXesiècle, Editions Déterna, Paris, 1999, p. 325 Voir la version originale allemande : Alfred Rosenberg,Der Mythus des 20. Jahrhunderts, Hoheneichen-Verlag, München, 1942, p. 390. !2
Aujourdhui, dans la grande lutte ouverte depuis bientôt quatre ans, le penseur, lhistorien et le philosophe est devenu homme daction dans les grandes steppes de la plaine russe 1.  Larticle peut étonner par sa seule existence, car hormis Hitler, à une reprise
seulement et dun point de vue très factuel 2, aucun autre dignitaire national-socialiste ne
reçut un tel hommage. Or, Alfred Rosenberg nest ni le plus influent des nationaux-
socialistes, ni le mieux placé pour servir les intérêts bretons. Né citoyen russe dans
lEstonie tsariste en 1893, il fut dès 1919 lun des premiers nationaux-socialistes, et était
considéré,surtoutparsesadversaires,commelechefdefiledelatendancenéo-païenne
du parti dAdolf Hitler. Il convient donc dexaminer de plus près ce lien entre Alfred Rosenberg et le mouvement breton.   Demandons-nous dabord ce que le mouvement breton est. Bien quOlier
Mordrel 3 ait développé une doctrine du nationalisme breton 4, celle-ci demeure sur
quelques points en contradiction avec lidéologie dautres figures du mouvement breton.
Entre 1919 et 1945 sest développée une mouvance nationaliste en Bretagne, alors qualifiée de secondEmsav 5, par réaction au premierEmsav qui débuta en 1918 avant
dêtre arrêtée par le déclenchement de Première Guerre mondiale. Après le conflit, le
nationalisme breton reprend certaines de ses idées davant 1914, en les radicalisant, suite
au traumatisme de 1914. La guerre avait fragilisé les Etats belligérants au dehors, avec le
déclin de leurs empires, mais aussi au-dedans. Cest de cette fragilité que tirèrent profit la
minorité bretonne en France, mais aussi irlandaise au Royaume-Uni ou flamande en
Belgique. Une nouvelle génération éclôt alors autour de lUnvaniez Yaouankiz Breizpuis
deBreiz Atao, en prônant alors un nationalisme intégral. Mettre toute personne favorable à lautonomie de la Bretagne sous la bannière du secondEmsav, comme le fait
!1Le Cinquantième anniversaire de M. Alfred Rosenberg,LHeure Bretonne, 22 janvier 1943. Les extraits des journauxLHeure Bretonne,deFeiz ha Breiz,deGwalarnetBreiz Ataoproviennent du fond archivistique du Centre de Recherche Bretonne et Celtique de Brest, rattaché à lUniversité de Bretagne Occidentale. !2Le cinquante-quatrième anniversaire du Führer,LHeure Bretonne, 2 mai 1943. !3Olivier Mordrelle, dit Olier Mordrel (1901-1985), était le fondateur du journalBreiz Atao, ainsi que du Parti National Breton, et partisan dune collaboration totale avec lAllemagne nationale-socialiste. !4La doctrine du nationalisme breton,Breiz Atao, 15 janvier 1928. !5En breton,Emsav: emzao) signifie se lever, se redresser.(prononciation !3
Alain Déniel 1, relève cependant de la gageure. Rien nest moins cohérent que le second
Emsav. Peut-être peut-on tout au moins, à linstar de Francis Le Squer, distinguer quatre
grandes familles au sein de ce mouvement 2, mais cela nest guère satisfaisant. La réalité,
cest une multitude de visions du monde, ou tout au plus de la Bretagne, qui sefforcent
de coexister afin de proposer un projet politique cohérent en dépit de contradictions plus
ou moins importantes.
 Cependant, ces visions du monde sefforcent de coexister dans la publication de deux journaux,Breiz Atao 3 1939 puis l jusquenHeure Bretonne 4 la défaite après française de 1940 pour former uncorpus homogène sur lequel nous nous relativement
appuierons. Cet article est ainsi pour nous loccasion démettre une hypothèse. Le
mouvement breton, que lon présente peut-être trop simplement comme simplement
breton, ne serait-il pas plutôt la déclinaison locale dun mouvement plus ample, européen et proche de la tendance du national-socialisme que défendit Alfred Rosenberg ?   Une internationale nordique ?   Le nationalisme breton et son pendant allemand se sont bâtis au cours du XIXesiècle
à partir dune réflexion menée sur leurs origines respectives 5. Leur point commun est de
refonder le mythe dun peuple particulier et radicalement différent de leur conquérants ou
adversaires. Le nationalisme allemand est né de sa rencontre avec les armées de Napoléon,
foncièrement latine et universaliste, contre lesquelles il fallut saffirmer localement en tant
que germain. Cest le message que délivrent Johann Gottlieb Fichte, Heinrich von Kleist et
!1Alain Déniel,Le mouvement breton, François Maspero / Textes à lappui, Paris, 1976, p. 9 !2Francis Le Squer,Les espoirs, les efforts et les épreuves du mouvement breton catholique de 1891 à 1945, Septentrion, Lille, 1997, pp. 480-494. Pour de plus amples analyses du nationalisme breton, voir Ronan Calvez,La radio en langue bretonne. Roparz Hemon et Pierre-Jakez Hélias : deux rêves de la Bretagne, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2000 ; Michel Nicolas,Histoire du Mouvement Breton, Syros, Paris, 1982 ; Bertrand Frélaut,Les nationalistes bretons de 1939 à 1945, Beltan, Brasparts, 1985. !3Journal paru de 1918 à 1939, avec des interruptions, notamment en 1930-1931. !4Il est édité par le Comité NationalJournal paru de 1940 à 1944, sous le contrôle le lAllemagne nationale-socialiste. Breton et se place dans la continuité directe du secondBreiz Atao. !5 L. Mosse, Georgeracines intellectuelles du IIIe Reich. La crise de lidéologie allemandeLes , Calmann-Lévy / Mémorial de la Shoah, Paris, 2006, pp. 91-111, Chapitre IV Redécouverte des anciens allemands. !4
lessentiel du romantisme allemand 1. Plus dun demi-siècle plus tard, ce nest pas autre
chose qui anime Otto von Bismarck lorsquil met en pratique sonKulturkampf. Dans le cas
de la Bretagne, ce particularisme est ressuscité par lédition duBarzaz Breiz(Bardit2de  
Bretagne) en 1839 par le vicomte Théodore Hersart de la Villemarqué. Ce recueil donnait à
la Bretagne son Homère, ses mythes et surtout, sa langue et sa tradition, bien que lessentiel
des poèmes présents soient issus dune réécriture plus tardive 3. Gobineau, dans son fameux Essai sur linégalité des races humaines 4, parlait ainsi, en se basant sur leBarzaz Breiz,
dune race anté-romaine et donc essentiellement non-française. Pour les tenants du
secondEmsav, Hersart de la Villemarqué était perçu comme le plus grand de [leurs]
réveilleurs 5spécificité commune à lAllemagne et à la Bretagne put sappliquer à. Cette
dautres peuples européens. Alsaciens, Flamands, Irlandais ou Scandinaves se trouvaient
une origine commune, et fondatrice dune identité absolument occidentale et nordique, et
foncièrement opposée au monde latin.
 Lambition dAlfred Rosenberg et de sonMythe du XXe siècle pas différente. nest
Elevé à la politique dans le Munich en proie aux révolutions soviétiques, Rosenberg ny voit
pas autre chose quune manifestation de lesprit anti-occidental, et pour tout dire, déjà, juif 6. Dans son livre, il reprit ces thèmes sous la forme dune histoire universelle mue par le
combat de valeurs opposées, thème lui-même emprunté à Houston S. Chamberlain 7. Cet
occidentalisme,Breiz Atao ses thuriféraires le revendiquent aussi. Nous sommes et
!1J.G. Fichte,Discours à la nation allemande, Aubier, Paris, 1981, quatrième discours : les principales différences qui séparent les allemands des autres peuples dorigine germanique, pp. 106-121 ; Anne-Marie Thiesse,La création des identités nationales. Europe XVIIIe-XIXesiècle, Editions du Seuil, Paris, 2001, pp. 34-43. !2Le mot Bardit a donné le mot Barde et fait immédiatement référence à une origine celtique. !3Voir Donatien Laurent,du Barzaz Breiz. La mémoire d'un peupleAux sources , Douarnenez, éditions Ar Men, 1989 ; Bernard Tanguy,Aux origines du nationalisme breton(2 tomes), 10/18, Paris, 1977 ; Anne-Marie Thiesse,op.cit., pp. 120-124. !4Arthur de Gobineau,Essai sur linégalité des races humaines, Tome troisième, Librairie de Firmin Didot Frères, Paris, 1855, p.139. Sur linfluence de la Bretagne sur Gobineau, voir Jean Gaulmier, Arthur de Gobineau et la Bretagne, in Annales de la Bretagne, Tome 78, numéro 3, 1971. pp. 537-548. !5Olier Mordrel,Breiz Atao. Histoire et actualité du nationalisme breton, Editions Alain Moreau, Paris, 1973, p. 22. !6Son premier article, paru dansDas Neue Deutschland, sintitulait Marxismus und Judentum. Voir Michael Kellogg, The Russian Roots of Nazism. White Emigrés and the making of National Socialism 1917-1945, Cambridge University Press, 2005, p. 82. !7Alfred Rosenberg,op. cit.des valeurs, chapitre 4 : Houston Chamberlain prophète. pp. 80-81 ;, Livre I : Le combat Alfred Rosenberg,Houston Chamberlain als verkünder und Begründer, München, 1927 ; Houston Stewart Chamberlain,Die Grundlagen des 19. Jahrhunderts, Verlagsanstalt Brückman, München, 1903, p. 533, Abschnitt III : Der Kampf. Sur les liens entre Rosenberg et Chamberlain, voir Gweltaz Caouissin,op. cit., pp. 96-101. !5
celtiques 1, voire même panceltiques 2, nordiques 3 ou issus de la Paneurope 4 et
opposés aux civilisations étrangères, quil nest pas difficile didentifier, lorsque
lexpression est signée Olier Mordrel. En appelantGwalarnlune de leurs publications,
supplément deBreiz Atao, du nom dun vent venant du Nord-Ouest, les nationalistes, et
Mordrel en tête, voulaient placer la Bretagne au sein de cette famille culturelle et pour eux,
raciale, en opposition au latinisme et à tout élément oriental 5. En mars 1933, peu de temps
après quAdolf Hitler fut appelé à la chancellerie, le lancement de la campagne SAGA par 6 ce même Mordrel, en faveur dun national-socialisme breton , ne disait pas autre chose.
SAGA, cest un acronyme 7, certes, mais un acronyme qui raccroche le mouvement breton à
une tradition nordique 8. Lutilisation de la swastika, ou de ce que les Bretons appelaient le
Hevoud 9eut choisi ce symbole pour son parti en 1920, place inévitablement, après quHitler
ceux qui lui emboitent le pas dans une tradition équivalente, cest-à-dire occidentaliste et
antisémite. Si, comme le dit Morvan Lebesque, en 1923 (...),Breiz Ataoavait choisi
lHevoud alors quen France, personne navait encore entendu parler dHitler celtique, 10,
ceci est moins vrai pour la période daprès 1933. Si le signe nest pas tout à fait le même, la parenté entre le mouvement breton et le mouvement hitlérien se manifeste par des articles
!1La question bretonne,Breiz Atao, avril 1923. !2Les avantages du panceltisme,Breiz Atao, janvier-fécrier 1924, Keltia,Breiz Atao, 6 juillet 1931. !3Nordiques,Breiz Atao, 18 avril 1937. !4,eopurnePaBreiz Atao, 20 novembre 1932 ; La paneurope et le fédéralisme européen,ibid. !5Gwalarn, numéro 1, 1925.Gwalarnpourrait se traduire par norois. !6Stur, numéro 1-2, juin 1942. Les extraits du journalSturproviennent du fonds archivistique du Ministère des Affaires Etrangères. !7Un acronyme qui veut dire :Strollad Ar Gelted Adsavet (Parti des Celtes Redressés). !8Le programme SAGA, in Alain Déniel,Le mouvement breton, François Maspero / Textes à lappui, Paris, 1976, pp. 380-384. Une source incertaine, qui semble être un rapport, et intitulé Les Bretons de M. Rosenberg, écrit par un certain Jean-Marie Kerguélen, déclare même ceci : le groupe dautonomistes bretons est bien plutôt une des agences à létranger de loffice de Politique Extérieure, de M. Rosenberg, et il est entièrement sous linfluence de lidéologie nationale-socialiste. Le Parti National Breton, avec son journal Breiz Atao nest pas de souche indigène. Il est né, plutôt, à Munich, sous les auspices de Rosenberg; là-bas, il sappelait et il sappelle Lassociation des Celtes qui séveillent. Voirfonds F/7/14685, Collusion avec Gestapo - Origine des fonds ?, Archives Nationales de France. !9Olier Mordrel,Breiz Atao. Histoire et actualité du nationalisme breton, Editions Alain Moreau, Paris, 1973. Mordrel se défend, et à raison, davoir utilisé le même signe que les nationaux-socialistes, car lHevoudest sinistrogyre, tandis que laHakenkreuzest dextrogyre. La croix gammée est sensée représenter le sens du soleil du levant au couchant. La retourner, cest affirmer son occidentalité, puisque occident se dit en allemand Abendland, littérallement le pays du soir. ! 10Morvan Lebesque,Comment peut-on être breton ? Essai sur la démocratie française, Editions du Seuil, Paris, 1970, p. 162. Morvan Lebesque (1911-1970), ancien rédacteur en chef de lHeure Bretonne, était aussi journaliste àJe Suis Partoutet aunéaîchCnEdrana. !6
des articles fondamentalement antisémites 1. Ainsi, lorsque paraissent en 1923 lesSketla
Segobrani, saga apocryphe sur lantiquité celtique, leurs éditeurs, dailleurs proches de
Gwalarn, nhésitent pas à affubler la couverture dune croix gammée, tout comme lUnion
pour la Jeunesse de Bretagne deux ans plus tard etBreiz Ataoen 1933, après que le signe y
eut été absent entre 1929 et 1933. A plusieurs reprises, les pages deBreiz Atao furent
remplies dodes à la race nordique doù provenaient aussi les Bretons. En nous disant
nordiques, nous nous rattachons à la plus vieille tradition, à la plus authentique essence de notre race 2, dit alors Jean La Bénelais 3dans un article daoût 1935 intitulé Nordiques, et
aux accents fortement antisémites.LHeure Bretonnepoursuivit cette idée de la Bretagne en
tant que région européenne et occidentale, celte et antifrançaise 4, en rappelant les liens qui
unissaient par exemple lAllemagne et à la Bretagne 5.
 Lidée de cette internationale nordique survit au déclenchement de la guerre, puisque
Rosenberg mit ses idées en application en menant en Europe des recherches archéologiques
par le biais de son Bureau des Affaires Etrangères, lAmt Rosenberg 6. Rosenberg dépêcha
même Werner Hülle, un historien allemand, pour effectuer des recherches sur le site
mégalithique de Carnac 7afin dexplorer les racines indo-germaniques de la Bretagne 8, et le lien entre les Celtes et les Indo-Germains 9. Bien que ces recherches aient dissimulé un intérêt stratégique et géopolitique important 10, il ne faut pas non plus occulter la sincérité
dune telle démarche, notamment chez Rosenberg. Son oeuvre littéraire est mue par cette
!1Le Juif et notre juif,Breiz Atao, juillet 1934. !2Breiz Atao, numéro, août 1935. !3Il sagit de lun des nombreux pseudonymes dOlier Mordrel. !4 La Bretagne, pointe de lEurope,LHeure Bretonne, 15 septembre 1940 ; La Bretagne, région européenne, LHeure Bretonne, 14 juin 1941 ; Que devient la Celtie dans lEurope nouvelle ?,LHeure Bretonne, 20 décembre 1941 ; La France nest pas celte,LHeure Bretonne1942 ; Nann, aotrou Maurras !, mai , 23LHeure Bretonne, 13 juin 1942. !5En alemaneg hag er brehoneg,LHeure Bretonne, 14 décembre 1940. !6Laurent Olivier,Nos ancêtres les germains. Les archéologues au service du nazisme, Tallandier, Paris, 2012, p. 79. !7 Hülle, WernerDie Steine von Carnac, JA Barth Verlag, Leipzig, 1942 ; Lionel Boisson, LAllemagne et le nationalisme reton (1939-1945) in Christian Bougeard (dir.),Bretagne et Identités Régionales pendant la Seconde guerre mondiale, Actes du Colloque International (15-17 novembre 2001), Centre de Recherche Bretonne et Celtique / Université de Bretagne Occidentale, Brest, 2002, p.331. !8Ibid., p. 337. !9Laurent Ollivier,op. citLes celtes sont à lorigine des Indo-Germains, pp. 153-156.., !10Ibid.éblouis par le nazisme, pp. 163-180, Des indépendantistes  . !7
constante quête originelle, et il ny a rien détonnant dans le fait que son action politique
suive les mêmes principes 1.
 Ce lien se concrétisa par la création en octobre 1941 de lInstitut Celtique de
Bretagne, sous légide de lAllemagne, et plus particulièrement sous celles de Leo
Weisgerber et de Werner Best. Weisgerber était un celtologue de renom, fondateur avec
Tevenar, de la Société Allemande dEtudes Celtiques (Deutsche Gesellschaft fur Keltische Studienla défense de la bretonnitude, cest-à-dire dun), qui luttait pour Volkbreton 2, face aux assauts français. Vu comme une simple couverture pour permetttre laction de lAbwehr
et dustidhrieciehSent, le DGKS 3, par son existence, nous permet de constater pourtant la
réalité dun lien britto-germanique. Dans la même optique, lICB alimentait les théories
dunVolkbreton, cest-à-dire dun peuple racialement authentique et profondément attaché
à son sol 4qui manifest(e) (sa) volonté dunion et daction, et dun peuple  5. Ce ne fut donc
pas un hasard si Tevenar et Rosenberg faisait partie des gens qui, selon le service de sûreté
de la ville de Rennes, recevaient chaque numéro deBreiz Atao 6.
 Ainsi, la chose est claire. Pour les nationalistes, les Bretons ont des liens évidents avec les Allemands, les Celtes avec le reste de lEurope nordique. Par conséquent, si le peuple breton se fond dans la nation française, il commet un grave impair. Le français est latin, et peut-être mêmeplusque ça.   Notre tradition est contre Rome   Cet occidentalisme,Breiz Ataoloppose à lantimodèle latin contre lequel luttent les
nationalistes. Ainsi, peut-on lire les méfaits de la colonisation latine pour les Gaulois
!1Alfred Rosenberg, op. cit., livre I : le combat des valeurs ; ! 2Nelly Blanchard,Un agent du Reich à la rencontre des militants bretons : Leo Weisgerber, Brud Nevez, Brest, 2003, p. 35. Le 2 juillet 1942, LHeure Bretonne  parlede la Bretagne comme dune communauté populaire, ce qui est la traduction française dun terme national-socialiste bien connu : laVolksgemeinschaft. Sur la notion de Volkgemeinschaft, voir Pierre Ayçoberry,La société allemande sous le IIIeReichdu Seuil, Paris, 1998, p. 77,, Editions Le mythe de la communauté populaire. !3Lionel Boissou,op. cit., p. 324. !4Gweltaz Caouissin,op. cit., p. 79, Quest ce que leVolk? ; George L. Mosse,op. cit., p. 21, pp. 31-49. !5LInstitut Celtique est fondé,LHeure Bretonne, 24 janvier 1942. !6Service de sûreté de la ville de Rennes, 12 juin 1938. Archives municipales de la ville de Rennes, fonds i81. Sur les liens de Rosenberg et deBreiz Atao, voir aussi la note 32. !8
dorigine celtes de jadis 1, ou encore, apprend-on lopposition totale entre les langues
bretonne et latine 2. Pire : Le Breton, comme le français, est une langue primitive (...) qui
résonne sans cassure depuis les temps préhistoriques de lunité linguistique indo-irano-
européenne, pour ne pas saventurer jusquaux temps les plus lointains que lon entrevoit
des rapports ariano-sémitiques 3. Le rattachement des nationalistes bretons à une longue
tradition occidentaliste ne doit pas surprendre. Les Bretons sont des Celtes, et la relation aux
autres peuples dit nordiques nest pas problématique. Elle le devient lorsque les nationalistes bretons doivent penser lune des autres composantes majeures de leur identité,
à savoir le catholicisme, intrinsèquement latin. Cest pourquoi la référence au christianisme
de Rosenberg peut surprendre 4. Deux livres de Rosenberg,le Mythe du XXe siècleetAux
obscurantistes de notre temps 5, avaient été mis à lIndex Librorum Prohibitorum le par
Vatican en 1934 et même à lintérieur du parti national-socialiste, Rosenberg passait pour un
anti-chrétien absolu 6, à son grand désespoir 7. Quelle mouche pique donc les auteurs de
lHeure Bretonne lorsquils déclarent que lon trouve chez Rosenberg des jugements
formellement favorables à linfluence du christianisme sur le monde nordique et
occidental 8?   Notre tradition est contre Rome, dit Maurice Marchal dansBreiz Atao 9. Nous
navons pas le choix, ajoute-t-il. Notre passé intellectuel est au Nord. Toute loeuvre de nos
ancêtres, doù découle toute la culture barbare passée et présente, est au moins a-latine,
quand elle nest pas antilatine. Le mouvement breton est traversé par ce sentiment
!1Rome et la gaule,Breiz Atao, 29 décembre 1929. !2Le Breton et le Latin,Breiz Atao, janvier 1934. !3Ibid . !4Le Cinquantième anniversaire de M. Alfred Rosenberg,LHeure Bretonne, 22 janvier 1943. Cf.supra. 5 ! Rosenberg, AlfredAn die Dunkelmänner unserer Zeit. Eine Antwort auf die Angriffe gegen den Mythus des 20. Jahrhunderts, Hoheneichen Verlag, München, 1934. !6 Les nationaux-socialistes, et Hitler le premier, laissait volontiers se propager la thèse des deux nazismes, lun antichrétienetnéo-païen;lautrebienplusfréquentable.LamiseàlIndexdeRosenberg,etnondHitler,étayecetteidée. Voir Hubert Wolf,Le pape et le diable, CNRS Editions, Paris, 2009, p. 257 ; Philippe Chenaux,Pie XII, diplomate et pasteur, Editions du Cerf, Paris, 2003, p. 213. Franz von Papen va même jusquà différencier les éléments extrémistes du parti, comme Rosenberg et Goebbels, et les autres.Voir Franz von Papen,Mémoires, Flammarion, Paris, 1953, p. 192. !7Alfred Rosenberg,Mémoires,op. cit., p. 125. !8Le cinquantième anniversaire de M. Alfred Rosenberg,LHeure Bretonne, 22 janvier 1943. !9Quand Rome passa,Breiz Atao, janvier-février 1924. !9
antiromain, sans pourtant que la religion catholique ne soit remise en cause dans son
dogme 1. Le rapport est manifestement problématique et interroge à plusieurs reprises les
militants bretons. Marchal évoque encore les vagues latines qui ont conquis et soumis la
France, et donc les peuples celtes qui lhabitaient 2. La question demeure si épineuse quau
sein même deBreiz Atao, des voix sélèvent pour dénoncer lidée du catholicisme comme
intimement lié à la nationalité bretonne. On peut être nationaliste breton en étant neutre
vis-à-vis du catholicisme romain, écrit ainsi ce même Marchal dans un papier quil signe la même année avec Olier Mordrel 3en réponse auBleun Bruget àFeiz ha Breiz 4. La flagrante
contradiction exige un éclaircissement, et montre au moins quatre choses. La première, cest
lapparent désordre idéologique qui règne au sein du secondEmsav, où chaque vision de la
Bretagne sexprime au risque de fournir au peuple breton une image floue de ce quest en
réalité la nation bretonne. La seconde, cest lanticatholicisme qui pointe derrière cette
apparente neutralité. La Bretagne demeure ainsi catholiquede facto, mais aussi et toujours
nordique. Le catholicisme ne doit pas être un frein à lidéologie deBreiz Atao, parfois
qualifiéedenéo-païenne 5. Il ne doit pas non plus être occulté, car cela, personne en
Bretagne ne le comprendrait. Doù cet appel à la neutralité en matière religieuse. La
troisième, cest lexistence dune réflexion autour de la question religieuse dans le
nationalisme breton. Enfin, larticle est pour les rédacteurs deBreiz Atao de loccasion
réaffirmer à lEglise lun de ses devoirs, en loccurrence celui de ne pas se préoccuper des
affaires temporelles 6Plus quune neutralité vis-à-vis de Rome, il faudrait peut-être plutôt y.
voir une certaine prise de distance.
 La Bretagne est une terre de tradition catholique, et la dénonciation du Saint-Siège ne
peut pas aller au-delà de cette légère frilosité. La Bretagne a la particularité dêtre
religieusement associée à lEtat auquel elle appartient. De ce point de vue, linstitution
!1Le nationalisme breton et laction catholiques,Breiz Atao, avril 1924. !2Quand Rome passa,op. cit.. !3Le nationalisme breton et laction catholique,Breiz Atao, Avril 1924. !4 LeBleun Brugune association catholique fondée par lAbbé Perrot en 1905. (Fleur de bruyère) est Feiz ha Breiz(Foi et Bretagne) est le journal de cette organisation. !5Cité dans Yvon Tranvouez, Les catholiques et la question bretonne, p. 287 in ChristianLettre du 29 octobre 1943. Bougeard (dir.),Bretagne et identités régionales pendant la Seconde Guerre mondiale, Actes du Colloque International (Novembre 2001), CRBC-UBO, Brest, 2002. !6Cette position est réaffirmée pendant la guerre. Voir Le catholicisme dans lEurope nouvelle,LHeure Bretonne, 18 août 1940. !10
ecclésiale na pas toujours vu dun bon oeil laction des militants bretons, à commencer par
la voix de son représentant en Finistère, Mgr Duparc, évêque de Quimper et du Léon, qui
rappelait dès 1932 dans un discours prononcé à Sainte-Anne-dAuray lunion cordiale et
complète de la Bretagne et de la France 1sans changer de ligne politique une fois la,
Seconde Guerre mondiale déclenchée 2. Inutile donc de préciser quentre lEglise et le
mouvement breton, les relations sont glaciales. Il nest certes pas question du schisme avec Rome (Los von Rom) dont parle Hitler dansMein Kampf, et qui fut imaginé par Georg von Schönerer en Autriche à la fin du XIXesiècle, lun des mentors du futurFührerdu peuple
allemand 3. LeLos von Romnétait que la manifestation dune religion nationale au sein du
monde catholique 4Là où la Réforme avait permis à certaines religions dacquérir un.
caractère national, comme en Angleterre par exemple où le rôle de chef dEtat se confond
avec celui du chef de lEglise, le monde catholique était resté fondamentalement universel,
du moins en principe. Ainsi, en Autriche, mais aussi en Belgique et en Bretagne naquirent
des mouvements nationalistes, luttant contre leur opposant universel, et qui par voie de
conséquence, durent adapter leur confession à cette réalité politique particulière. Les Irlandais purent rester catholiques, et saffirmer en tant quIrlandais car catholiques, face au protestantisme, mais les Bretons neurent pas ce plaisir. Du point de vue des nationalistes, la
Bretagne peut donc apparaitre comme tiraillée entre deux réalités contradictoires. La
Bretagne et les Bretons sont catholiques et attachés à cette confession, bien que cette
religion soit aussi celle de la France, et par-là, le vecteur de valeurs latines et universelles. A
vrai dire, la forme que prend lélément latin nest plus tant lEglise quune autre force
universelle qui menacerait la nation bretonne, à savoir le Juif. Sous-entendu ou peu présent
dansBreiz Atao 5, le discours antisémite a droit de cité dans lHeure Bretonne pendant la
guerre, et pour cause. Lantisémitisme de lHeure Bretonne prend la forme dun sentiment antifrançais et anti-universaliste fort. Dans le numéro daoût 1942,LHeure Bretonne
demande ainsi sans ambages et dans un vocabulaire drumontien : Les Français sont-ils des
!1Yvon Tranvouez,op. cit., p. 291. !2Ibid., p. 290. !3Adolf Hitler,Mon Combat,op. cit., pp.113-122. 4 ! Steigmann-Gall, RichardThe Holy Reich. Nazi conceptions of Christianity 1919-1945, Cambridge University Press, 2003, pp. 62-63. !5A noter quand même larticle Le Juif et notre juif publié en juillet 1934 dansBreiz Atao. Voir aussi Laffaire Stavisky, mars 1935. !11
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