Panorama des Études germaniques en France - article ; n°2 ; vol.13, pg 214-230
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1958 - Volume 13 - Numéro 2 - Pages 214-230
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1958
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Robert Minder
Panorama des Études germaniques en France
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 13e année, N. 2, 1958. pp. 214-230.
Citer ce document / Cite this document :
Minder Robert. Panorama des Études germaniques en France. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 13e année, N.
2, 1958. pp. 214-230.
doi : 10.3406/ahess.1958.2729
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1958_num_13_2_2729ÉTUDES
Panorama des Etudes germaniques
en France*
Monsieur l'Administrateur, Mes chers Collègues, Vous avez rempli
mon cœur de joie et de gratitude, de crainte aussi, en me confiant une
chaire dont l'origine remonte au temps où avait levé la merveilleuse
moisson du romantisme, où Michelet, Quinet, Balzac, Delacroix prome
nèrent leur regard de feu sur le monde et en éclairèrent de vastes parties.
Philarète Chasles, leur ami, fut le premier à enseigner les littératures
germaniques au Collège de France, en 1841. Cinq autres maîtres lui ont
succédé depuis. Comparé à l'œuvre laissée par eux, mon apport est mince.
Vous avez été indulgents. Vous m'avez fait crédit de mes ébauches, de
mes rêves, de tous ces personnages qui se pressent dans la pénombre,
impatients de venir au jour. De nouvelles, d'admirables perspectives de
travail s'ouvrent auxquelles le professeur, dévoré de besognes, n'était
plus habitué.
Je suis ému de cette confiance. Je vous en remercie, mes chers Col
lègues. Et je remercie l'Académie des Sciences morales et politiques qui
a bien voulu appuyer votre choix, sanctionné en novembre par le gouver
nement de la République.
Mesdames, Messieurs, Le titre de ma chaire 1 demande à être éclairci,
commenté, justifié. Il embrasse beaucoup de choses; trop, peut-être.
« Langues et littératures d'origine germanique » : c'est une grande maison
où il y a beaucoup de demeures. Jamais toutes ne furent ouvertes en
même temps. Voici que se ferme, hélas, l'aile où — le premier et pour
trop peu de temps — s'était installé Fernand Mossé, mon devancier
immédiat. Dans le titre de la chaire, il mettait, lui, l'accent sur « langues »
et « origine ». Les vieilles langues germaniques, la philologie nordique, la
linguistique générale : voilà son domaine. Il y recevait en maître. Tel
* Les Annales présentent, sous ce titre de notre main, la leçon inaugurale pro
noncée au Collège de France par M. Robert Minder, le 24 janvier dernier : nos lecteurs
goûteront cette belle page d'histoire universitaire, et un programme de recherches
passionnantes [N. D. R. L.].
1. Chaire de Langues et Littératures d'origine germanique.
214 LES ÉTUDES GERMANIQUES
Champollion dont la statue se dresse dans la Cour d'honneur, il se penchait
sur des hiéroglyphes — les hiéroglyphes du Nord que sont les runes.
Agrégé d'anglais, parfait connaisseur de l'allemand et de beaucoup
d'autres langues et dialectes, il était armé pour attaquer sur un vaste
arc de cercle, traquer les mots, déloger de leur noyau originel les signi
fications supplétives et pénétrer, ces racines à la main, dans les galeries
souterraines où dorment, très au loin, dans un faible scintillement, les
eaux-mères du langage primitif.
Fernand Mossé était un esprit trop vif, une nature trop passionnée
sous une apparente réserve, pour ne pas désirer une audience plus vaste
que celle des initiés. Aussi le voyons-nous périodiquement revenir de
ces longues explorations et creusements solitaires pour communiquer
son savoir sous une forme plus accessible, rédiger des manuels, animer
des revues, mettre sur pied une équipe de jeunes germanistes chargée de
nous donner cette histoire de la littérature allemande, ce « Lanson »
qui nous manque depuis un demi-siècle. Il prenait enfin une part active
aux délibérations tant du Comité de la Recherche scientifique que du
Conseil de l'Education Nationale, y apportant le même scrupule, la même
exigence du travail précis et bien fait, la même ardeur à disposer ses
pièces sur l'échiquier en fonction des besoins de la science.
Le souci pédagogique, au sens le plus haut du terme, fut toujours
commun aux chefs de la germanistique française. Il en fut de même du
souci patriotique. Cette Norvège contemporaine dont la langue et les
mœurs lui ont fourni la matière de son dernier cours, en hiver 1955-1956,
Fernand Mossé l'avait connue dans des conditions dramatiques seize ans
plus tôt, lorsqu'il avait été chargé avec trois autres officiers français
d'assurer le transport dans les pays alliés d'un élément indispensable à
la conduite de la guerre moderne : l'eau lourde.
Son entrée au Collège de France lui a permis de pousser à fond la
quête philologique, sa préoccupation dominante. Voici que l'ombre s'épaiss
it de nouveau autour de problèmes qu'il était sur le point de résoudre
et que se rompt la chaîne de lumière, légère et sûre, qui allait, d'un point
à l'autre de l'horizon, relier ce qui était séparé.
Le philologue ne jouit pas du privilège dévolu de nos jours, par le
truchement de l'image, aux historiens de l'art et aux archéologues qui
entraînent à leur suite, dans des cavernes à peine découvertes, la foule
émerveillée. La science des mots est austère pour le profane comme celle
des nombres. Les joies qu'elle donne n'en sont pas moins sûres, ni ses
vérités moins probantes. L'exemple demeure d'une vie riche, illuminée
de ces certitudes qui comblent de bonheur le savant — car il sait alors
qu'il n'erre pas à l'abandon dans les circonvolutions de son cerveau,
mais que le cerveau de l'homme, dans ces moments privilégiés, s'élargit
aux dimensions du monde — un monde dont la réalité s'impose avec une
évidence totale et lui fait s'écrier : cela est.
215 ANNALES
Mesdames, Messieurs, je ne veux pas évoquer en détail l'œuvre de
mes prédécesseurs. Charles Andler le fit ici même, dans sa leçon inaugur
ale. Je me contenterai d'apporter quelques petites touches au magnif
ique tableau tracé il y a trente ans.
Quand Philarète Chasles, notre ancêtre dans cette chaire, s'y éta
blit pour un règne heureux de trente-deux ans, il s'était vu attribuer les
littératures du Nord. La même année, Quinet recevait en partage les du Midi. Ces pionniers gouvernaient d'immenses territoires
encore indivis, parcourus de fleuves indolents aux frontières flottantes
— une étendue de savanes pareilles à celles que Chateaubriand était allé
découvrir dans le Nouveau Monde.
Les randonnées littéraires de Philarète Chasles le menèrent au gré
de l'aventure en Grande-Bretagne, où il avait vécu en exil pendant
plusieurs années, après 1817, en Allemagne et dans les pays nordiques,
voire dans la lointaine Russie dont il nous a laissé des raccourcis saisis
sants et chez ces nations amies depuis toujours : la Pologne, la Rouman
ie. Le sens de la propriété littéraire n'était pas tout à fait le même
qu'aujourd'hui. On prêtait, on empruntait, généreusement. Encore fallait-
il savoir choisir : notre voyageur y excellait. Il a évoqué la figure de
Hoelderlin à une époque où nul n'y portait attention ; il a proclamé avant
d'autres le génie de Carlyle et, ce qui est plus méritoire encore, celui de
Melville. On connaîtra bien d'autres exemples de cette curiosité inlassable
et de cette promptitude du regard quand aura paru la thèse qu'un élève
de Marcel Bouteron et de Jean Pommier, Claude Pichois, consacre à
« Philarète Chasles, témoin de son temps ». Trouve-t-on beaucoup de
savants capables d'inspirer de tels travaux, un siècle après leur passage
sur terre ? La question situe à son vrai rang notre prédécesseur.
Guillaume Guizot, qui succède à Chasles en 1874, conserve le même
titre à la chaire, mais s'attache exclusivement à l'enseignement de la
littérature anglaise. Ce n'est pas mon domaine, hélas. D'autre part, aussi
substantiels qu'aient été ses cours (nous en avons des témoignages), cet
homme d'une rare distinction, fils d'un historien illustre et abondant,
et ancêt

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