« Parler famille » - article ; n°3 ; vol.10, pg 5-26
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Description

L'Homme - Année 1970 - Volume 10 - Numéro 3 - Pages 5-26
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Yvonne Verdier
Tina Jolas
Françoise Zonabend
« Parler famille »
In: L'Homme, 1970, tome 10 n°3. pp. 5-26.
Citer ce document / Cite this document :
Verdier Yvonne, Jolas Tina, Zonabend Françoise. « Parler famille ». In: L'Homme, 1970, tome 10 n°3. pp. 5-26.
doi : 10.3406/hom.1970.367135
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1970_num_10_3_367135« PARLER FAMILLE »
par
TINA JOLAS, YVONNE VERDIER,
FRANÇOISE ZONABEND
L'étude de la parenté dans un village français1 ressortit à l'enquête généa
logique et à l'analyse des sources écrites. Les informations ainsi obtenues ne
sont pas redondantes : elles s'éclairent et se qualifient mutuellement. Dans
le présent travail mené à Minot (Côte-d'Or) nous avons privilégié la première
démarche, car elle est un préalable essentiel à l'interprétation des données fournies
par la seconde.
« Avec le grand-père, on passait des soirées entières à parler famille » ; « nous,
on restait avec les grands-mères, alors on n'entendait parler que de la famille ».
En reconstituant les généalogies — en « parlant famille » — nous avons renoué
avec un modèle de comportement tombé en désuétude avec la disparition des
veillées, mais vivace néanmoins et manifestement satisfaisant pour nos interlo
cuteurs. Dans toute famille la mère ou la grand-mère se charge de garder à jour
la liste des parents à qui l'on « fait part », à qui l'on écrit le Jour de l'An, obligation
stricte car « si on n'écrivait pas le Jour de l'An, on ne retrouverait plus aucun
nom ». Chaque famille compte un « généalogiste », peut-être une vieille tante qui
en sait plus long que les autres et à laquelle on nous renvoie pour préciser un lien
perdu, retrouver un nom ; parfois quelqu'un de la famille s'est attaché à établir
la généalogie « à partir des pierres tombales du cimetière ». Ce souci de donner
forme écrite à la parenté, de conserver les « vieux papiers », baux et contrats
i. L'étude a été menée dans le cadre de la Recherche coopérative sur programme du
CNRS, conduite dans le Châtillonnais entre 1967 et 1969. Pour une présentation générale
du village, on se reportera à l'article de M.-Cl. Pingaud, « Paysage, population et histoire
foncière dans le Châtillonnais. L'exemple de Minot (Côte-d'Or) », Études rurales, oct.-déc. 1968,
32 : 43-71. Cet article est précédé d'un avant-propos récapitulant les grandes orientations
et étapes de cette recherche régionale. 6 TINA JOLAS, YVONNE VERDIER, FRANÇOISE ZONABEND
de vente ou de mariage, caractérise surtout les familles qui possèdent la terre,
à une étape de leur ascension sociale. On déplore l'indifférence des jeunes envers
les relations de parenté : « passé oncle et tante, ils sont perdus » et on cherche à
l'expliquer : « les enfants s'intéressent moins à la parenté à cause de la télévision.
Autrefois, on n'avait pas tout cela, on restait ensemble, on disait : ' comme voilà,
la grand-mère... ' » Parmi les jeunes, il s'en trouve parfois un dont on dit qu' « il
s'intéresse » et à qui sera transmis le savoir généalogique.
Nous nous sommes attachées à préciser les points suivants : inventaire de la
parenté consanguine et affine, soit les noms, prénoms, lieux de naissance et de
décès, résidence et profession de chacun des parents mentionnés ; histoire de vie
des proches parents ; désignation des parents privilégiés (parrain-marraine,
couple d'honneur) ; inventaire des termes d'appellation et d'adresse ; zones du
« tu » et du « vous », des embrassades et des poignées de main ; conventions de repas
et de visites ; participation aux événements familiaux ; obligations d'entraide.
Lors des premiers entretiens, nous cherchions à mettre en place la parenté ;
nous établissions ensuite un schéma généalogique et revenions, schéma en main,
pour compléter et préciser. Les informateurs se montraient généralement déçus
de ne pas voir apparaître le modèle noble de « l'arbre » selon lequel ils se repré
sentent leur généalogie, avec toute la terminologie afférente — branche, rameau,
souche — si évocatrice dans un pays de forêt.
Parce que nous parlions un langage familier, valorisé, le rapport ainsi noué
était d'emblée chaleureux et fécond et les entretiens ultérieurs prenaient la
forme de conversations à bâtons rompus auxquelles participaient de nombreux
interlocuteurs : parents qu'on allait chercher « parce qu'ils connaissaient mieux
la famille » ; voisins entrés en passant et qui se retrouvaient sur la généalogie ;
époux qui au lieu de repartir aux champs s'attardait et intervenait... Une famille
« bien constituée », selon l'expression du curé, c'est-à-dire comprenant les membres
requis pour remplir tous les rôles proposés par le système, est pour l'individu
sujet d'assurance et d'orgueil, alors qu'inversement, avoir une généalogie qui
tourne court parce que « la mère est de l'Assistance » ou, pis encore, « le père »,
est ressenti comme une véritable infirmité. A travers ces entretiens, nous déclen
chions un processus de remémoration qui se poursuivait en dehors de nous ; il
arrivait qu'on nous arrêtât dans la rue pour nous dire « tiens, vous savez, la mère
à ma mère c'était une Monnerat »x. Notons enfin que ce sont les femmes qui
furent nos interlocutrices privilégiées ; ce sont elles qui détiennent généralement
le savoir généalogique, qui énoncent les règles de conduite et formulent l'éthique
des relations de parenté.
Nous avions établi, dans une première étape, les généalogies d'un nombre
limité d'habitants choisis parce qu'ils appartenaient à d'anciennes familles du
i. Les patronymes cités sont fictifs. « PARLER FAMILLE » 7
village et paraissaient particulièrement représentatifs et bons informateurs.
A l'issue de cette première tentative de reconstitution généalogique, nous avions
cru pouvoir distinguer deux zones de parenté à l'intérieur du village : une zone
de parenté proche allant jusqu'aux petits-cousins inclusivement, à l'intérieur
de laquelle le mariage était réprouvé mais occasionnellement pratiqué, et une zone
de parenté diffuse, celle où l'on se disait « un peu parent », où le mariage était
au contraire valorisé ; et deux étapes de l'histoire matrimoniale de la communauté :
une première où l'on se mariait à l'intérieur du village dans la parenté diffuse et
exceptionnellement dans la parenté proche, et une seconde qui apparaissait
comme un temps de rupture où l'ensemble de la parenté diffuse était devenu un
lieu de mariage interdit, et donc le village lui-même le lieu de l'inceste. Nous nous
fondions sur des modèles exprimés par nos informateurs : refus véhéments des
jeunes d'envisager une union avec une fille du village, nostalgie des vieux d'un
temps où « l'on vivait en vase clos, on se connaissait, on était bien familier, on se
mariait entre cousins » ; et sur certains faits, telle la disparition des relations
institutionalisées de galanterie entre garçons et filles. Par la suite ce schéma
devait se révéler beaucoup trop grossier. Il est apparu que la parenté proche
recouvrait des zones nettement différenciées quant aux obligations et relations
réciproques et que la parenté diffuse englobait des individus fort différents selon
qu'il s'agissait de consanguins ou d'alliés ; cette parenté diffuse débordait, en
outre, largement le cadre de la communauté villageoise à l'intérieur duquel nous
avions cru pouvoir la localiser. Ce premier travail généalogique nous a néanmoins
permis d'une part d'inventorier les termes d'appellation et d'adresse, d'autre part
d'isoler et de caractériser deux types de mariage remarquables : les mariages
entre cousins de divers degrés — mariages dans la cons

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