Peut-il y avoir une sociologie du roman ? - article ; n°3 ; vol.20, pg 490-502
14 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Peut-il y avoir une sociologie du roman ? - article ; n°3 ; vol.20, pg 490-502

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
14 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1965 - Volume 20 - Numéro 3 - Pages 490-502
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

François Chatelet
Peut-il y avoir une sociologie du roman ?
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 20e année, N. 3, 1965. pp. 490-502.
Citer ce document / Cite this document :
Chatelet François. Peut-il y avoir une sociologie du roman ?. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 20e année, N. 3,
1965. pp. 490-502.
doi : 10.3406/ahess.1965.421291
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1965_num_20_3_421291Y AVOIR PEUT-IL
UNE SOCIOLOGIE DU ROMAN ?
L'Institut Solvay a publié dans un récent numéro de sa revue * un
ensemble fort important d'articles consacré aux Problèmes d'une
sociologie du roman. Cette importance ne tient pas seulement à la diver
sité et au nombre des informations réunies, mais au projet lui-même : il
s'agit rien moins que de jeter les fondements méthodologiques d'une
analyse scientifique qui répondrait à la question : qu'est-ce qu'un roman ?
dans quelles conditions culturelles, idéologiques et, plus généralement,
sociales le genre romanesque est-il né, s'est-il développé et s'est-il divers
ifié ? Le but visé est donc de combler une lacune fort significative de la
sociologie de la connaissance qui, jusqu'ici, avait toujours préféré étudier
des genres plus typiques et mieux limités (au moins dans la forme litté
raire), et d'aborder de face et sans ruse une question difficile, la plus diffi
cile sans doute de la sociologie de la connaissance, puisqu'elle tente d'élu
cider la nature profonde d'une « forme littéraire » qui recouvre les conte
nus les plus divers, de Chrétien de Troyes à André Malraux, de Delly à
William Faulkner, de René Bazin à Henry Miller, en passant par Honoré
d'Urfé, Balzac et Joyce...
Le problème est envisagé sous différents aspects : le ton général de
la recherche est donné, cependant, par G. Lukàcs. Sous les titres « La
forme intérieure du roman », et « Conditionnement et significations his-
torico-philosophique du roman », est publiée la traduction des cha
pitres IV et V de l'ouvrage paru dans la collection « Médiations ».
Les textes de Luckàcs sont si riches (et ne prennent leur vraie signi
fication qu'accordés à l'ensemble organique dont ils font partie) qu'on
nous permettra de n'en point rendre compte ici. On nous autorisera
d'autant plus cette mise entre parenthèses que Lucien Goldmann, an
imateur évident du projet, se place lui-même clairement dans l'optique
lukàcsienne dont il résume à plusieurs reprises, les principaux éclairages.
Il y a donc trois interventions de L. Goldmann : une introduction, théo-
1. Revue de VInstitut de Sociologie, Université libre de Bruxelles, 1963, n° 2,
pp. 225-467; 250 FB.
490 SOCIOLOGIE DU ROMAN
rique et visant à l'extrême généralité, aux problèmes d'une sociologie du
roman, une autre introduction — qui est comme une illustration ou une
mise en pratique de la méthode proposée — à une Etude structurale des
romans de Malraux, et une conclusion à un débat auquel participèrent
Nathalie Sarraute et Alain Robbe-Grillet dont les brillantes analyses
sont aussi consignées, débat dont le thème était : « Nouveau roman et
réalité ». Afin de sacrifier aux exigences de la recherche dite empirique
est présentée également, sous la plume de M. Bernard, une étude consa
crée à L'œuvre romanesque de Malraux vue à travers la presse de Ventre
deux-guerres, un peu disparate, sans doute, et dont les principes classi-
ficatoires sont fort contestables, mais qui a le mérite de rappeler des
textes savoureux de Drieu la Rochelle et de François Mauriac, entre
autres. Deux études, d'apparence plus classiquement « littéraire »,
viennent apporter à cet ensemble la caution de l'information « histo
rienne » : une d'E. Kohler, professeur à Heidelberg, sur les romans de
Chrétien de Troyes — pénétrante, semble-t-il — , une de René Girard
— dont on n'a pas oublié le remarquable Mensonge romantique et Vérité
romanesque — qui tire, d'un commentaire d'un passage de la Divine
Comédie, des vues extrêmement profondes et contestantes sur la socio
logie du roman. Sur ce dernier texte nous reviendrons, car peut-être
constitue-t-il une mise en question radicale du mode d'approche proposé
par L. Goldmann.
Mais, au fait, quel est ce mode d'approche ? L. Goldmann — c'est
là sa manière et le Dieu caché nous y a habitués — n'aime pas à
être surpris (Cf. p. 233, in fine : « ... la création du roman en tant que
genre littéraire n'a rien de surprenant » (c'est nous qui soulignons). Son
induction — qui révèle souvent, dans sa complexité, la vie frémissante
des médiations — ne saurait se développer si elle n'est précédée d'une
déduction tranquillisante. Intelligibilité, selon lui, signifie normalité. Il
n'aime pas les nouveautés, les décisions inattendues, les vire-volte de la
culture, les miracles (au sens du « miracle grec ») : la causalité qu'il
invoque — dans la production des œuvres culturelles — , bien qu'elle se
réfère à la totalité socio-idéologique et aux contradictions qui déchirent
celle-ci, demeure identitaire. Il s'agit, pour lui, de normaliser, de montrer
« qu'il ne pourrait en être autrement » et qu'au fond le devenir de la
pensée (des productions culturelles) est soumis à la nécessité. Bref, il est
décidément sociologue.
Fidèle aux prescriptions qu'il définit dans les Recherches dialectiques, il
tente — dans le texte placé en tête de la revue — de 'déduire l'appari
tion du genre romanesque et son évolution en se référant aux principes
du « structuralisme génétique ». Mais — et c'est là la nouveauté — s'y
ajoute une idée, jusqu'alors seulement esquissée, celle de Vhomologie de
491 ANNALES
structure. Il importe, en effet, lorsqu'on tente de rendre compte de la
forme et du contenu d'une « production » quelconque — individuelle ou
non, elle est sociale — , non seulement de l'intégrer à la totalité struc
turée sociale dynamique au sein de laquelle elle est apparue, de la situer
par rapport aux antagonismes qui traversent cette totalité, de déterminer
les médiations nombreuses par lesquelles la couche fondamentale — celle
des rapports de production, selon le sens que Marx donne à ces termes —
influe, par le jeu d'une causalité différenciée, sur les individualités créa
trices, mais encore de mettre à jour les homologies structurelles existant
entre le type de relations des objets au monde, à autrui, à soi-même
qu'impose les rapports de production et la forme et le contenu des
œuvres réalisées par ces individualités.
Notons, dès maintenant, qu'en posant de semblables principes,
L. Goldmann — suivant en cela le Lukàcs des années 1920-1924 — prend
ses distances par rapport au marxisme « simplifié » que Г « orthodoxie »,
il y a peu de temps encore, présentait comme la Vérité de Marx. Il refuse
— en une série de formules particulièrement précises et bien venues
(pp. 234-235) et qui pourraient apporter à la pensée marxiste libérée la
thématique nécessaire (mais, à nos yeux, non encore suffisante) d'une
libération plus grande encore — les idées traditionnelles, celle selon
laquelle « l'œuvre... est... le simple reflet d'une conscience collective
réelle et donnée », et celle selon laquelle « la relation entre la pensée col
lective et les grandes créations littéraires, philosophiques, théolo
giques, etc.. réside en une identité de contenu ». En effet, si toute œuvre
possède un caractère social (car « l'individu ne saurait jamais établir lui-
même une structure mentale cohérente correspondant à ce qu'on appelle
une « vision du monde ». Une telle structure ne saurait être élaborée que
par un groupe... »), elle ne reflète pas pour autant la conscience collective :
sa fonction est de l'exprimer « dans une cohérence plus poussée et dans
une homologie de structures... par des contenus imaginaires extrême
ment différents du contenu réel de la conscience collective, ... (de) la
t

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents