Philippe Auguste. Un roi de la fin des temps ? - article ; n°5 ; vol.57, pg 1165-1190
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Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 2002 - Volume 57 - Numéro 5 - Pages 1165-1190
Philip Augustus. The eschatological king?
Philip Augustus' reign is undoubtedly one of the most important turning point for the Capetian monarchy. Well known are Philip' politic, military and administrative successes. But during his reign also the royal ideology of 13th and 14th century Capetian monarchy emerges, often called the royal religion . Since he was born, Philip was called Dieudonné (God's gift), and the analysis of the chronicles (Rigord of Saint-Denis) and texts issued from Philip Augustus' chancellery (Etienne de Gallardon) reveals the vision of royalty deeply influenced by the eschatological ideas. The king appreciated millenarist and messianic ideas of the royal power as a way of nascent Capetian monarchical propaganda, useful to dominate both home and foreign enemies and politic rivals (Plantagenêts, Holy Empire). Though the Rigord' s chronicle had not a great success, his works, showing Philip Augustus as the God's chosen, were, from the 13th century, one of the most important sources of knowledge about Philip's reign, as a source of Grandes chroniques de France (Primat).
Le règne de Philippe Auguste apparaît comme un tournant décisif de l'histoire de la France et de la royauté capétienne. Bien connus sont les succès politiques, administratifs et militaires de ce roi. Mais son règne est aussi la période de l'émergence de la « religion royale » en France. Depuis sa naissance, Philippe est appelé « Dieudonné », et une relecture des chroniques (Rigord) et des textes sortis de la chancellerie royale (Etienne de Gallardon) dévoile une vision de la royauté fort influencée par les aspects eschatologiques. Les idées millénaristes et messianiques furent appréciées par Philippe Auguste comme un des moyens de la propagande capétienne naissante, utiles tant à l'intérieur du royaume qu'à l'extérieur, dans la lutte idéologique contre les Plantagenêts rivaux ou contre l'Empire. Au cours du XIIIe siècle, en dépit de la faible diffusion de l'œuvre de Rigord, ses écrits, montrant Philippe Auguste comme l'élu de Dieu, jouèrent un rôle magistral dans la construction des Grandes chroniques de France de Primat. Les successeurs de Philippe Auguste, surtout Saint Louis et Philippe le Bel, surent reprendre, avec des modifications nécessaires, l'idée de la royauté eschatologique en France.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jerzy Pysiak
Philippe Auguste. Un roi de la fin des temps ?
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 57e année, N. 5, 2002. pp. 1165-1190.
Citer ce document / Cite this document :
Pysiak Jerzy. Philippe Auguste. Un roi de la fin des temps ?. In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 57e année, N. 5, 2002.
pp. 1165-1190.
doi : 10.3406/ahess.2002.280101
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2002_num_57_5_280101Abstract
Philip Augustus. The eschatological king?
Philip Augustus' reign is undoubtedly one of the most important turning point for the Capetian monarchy.
Well known are Philip' politic, military and administrative successes. But during his reign also the royal
ideology of 13th and 14th century Capetian monarchy emerges, often called the "royal religion ". Since
he was born, Philip was called "Dieudonné" (God's gift), and the analysis of the chronicles (Rigord of
Saint-Denis) and texts issued from Philip Augustus' chancellery (Etienne de Gallardon) reveals the
vision of royalty deeply influenced by the eschatological ideas. The king appreciated millenarist and
messianic ideas of the royal power as a way of nascent Capetian monarchical propaganda, useful to
dominate both home and foreign enemies and politic rivals (Plantagenêts, Holy Empire). Though the
Rigord' s chronicle had not a great success, his works, showing Philip Augustus as the God's chosen,
were, from the 13th century, one of the most important sources of knowledge about Philip's reign, as a
source of Grandes chroniques de France (Primat).
Résumé
Le règne de Philippe Auguste apparaît comme un tournant décisif de l'histoire de la France et de la
royauté capétienne. Bien connus sont les succès politiques, administratifs et militaires de ce roi. Mais
son règne est aussi la période de l'émergence de la « religion royale » en France. Depuis sa naissance,
Philippe est appelé « Dieudonné », et une relecture des chroniques (Rigord) et des textes sortis de la
chancellerie royale (Etienne de Gallardon) dévoile une vision de la royauté fort influencée par les
aspects eschatologiques. Les idées millénaristes et messianiques furent appréciées par Philippe
Auguste comme un des moyens de la propagande capétienne naissante, utiles tant à l'intérieur du
royaume qu'à l'extérieur, dans la lutte idéologique contre les Plantagenêts rivaux ou contre l'Empire. Au
cours du XIIIe siècle, en dépit de la faible diffusion de l'œuvre de Rigord, ses écrits, montrant Philippe
Auguste comme l'élu de Dieu, jouèrent un rôle magistral dans la construction des Grandes chroniques
de France de Primat. Les successeurs de Philippe Auguste, surtout Saint Louis et Philippe le Bel,
surent reprendre, avec des modifications nécessaires, l'idée de la royauté eschatologique en France.Philippe Auguste
Un roi de la fin des temps?
Jerzy Pysiak
L'image du roi Philippe Auguste (1180-1223) paraît bien établie dans l'histori
ographie1 : c'est un souverain habile, parfois cynique, qui avait le goût du pouvoir;
un roi-guerrier, conquérant, très expert dans l'art de l'intrigue, semant la discorde
parmi ses adversaires. Pour certains, seules ses capacités militaires lui ont permis de
soumettre les grands vassaux à l'autorité royale et de triompher des Plantagenêts2 ;
d'autres insistent sur la réforme de l'administration et de la fiscalité capétiennes
comme facteurs du succès de son règne3. En effet, c'est l'homme politique réaliste
qui l'emporte dans le portrait de Philippe Auguste, souvent jugé comme un roi
soucieux de la seule efficacité de son gouvernement, peu sensible aux défis idéo
logiques de son temps, non plus qu'à cet instrument de la propagande monarchique
1-Voir surtout Robert-Henri Bautier, «La personnalité de Philippe Auguste», in
Id. (dir.), La France de Philippe Auguste. Le temps des mutations (Actes du Colloque orga
nisé par le CNRS, Paris, 29 septembre-4 octobre 1980), Paris, Éditions du CNRS, 1982,
pp. 33-57 ; Raymonde Foreville, « L'image de Philippe Auguste dans les sources
contemporaines », in R.-H. Bautier (dir.), La France de Philippe Auguste..., op. cit.,
pp. 115-132.
2 - JlM Bradbury, Philip Augustus, King of France 1180-1223, Londres-New York, Longman,
1998.
3-John W. Baldwin, «La décennie décisive: les années 1190-1203 dans le règne de
Philippe Auguste», Revue historique, vol. 105, t. 266, n° 540, 1981, pp. 311-337; Id., Auguste et son gouvernement. Les fondations du pouvoir royal en France au Moyen Age,
Paris, Fayard, 1991.
Annales HSS, septembre-octobre 2002, n°5, pp. 1165-1190. JERZY PYSIAK
que devient alors l'historiographie4. D'autres approches, en dépit de leur intérêt,
ne parvinrent pas à modifier cette image5. Par rapport à son père, Louis VII, ou à
son petit-fils, Saint Louis, Philippe Auguste apparaît comme un roi très laïque,
dont la politique ne ressortirait que de prémisses rationalistes. Comparable à un
chef d'État contemporain, Philippe Auguste se serait contenté d'une domination
politique et militaire dans son royaume et en Occident, fondée sur une machine
gouvernementale efficace. Or, la royauté capétienne, ancrée dans le sacré, a initié
ce qu'on appelle « la religion royale ». Philippe Auguste aurait-il été insensible à
tout ce qu'offrait une royauté sacrée ?
Les visions prophétiques
Une relecture des sources permettrait de modifier l'image de ce souverain, dont
le règne paraît décisif non seulement pour le fonctionnement du gouvernement
capétien, mais aussi pour l'émergence de l'idéologie et de la propagande royales6.
Un nouveau regard sur Philippe nous amène à voir en lui l'un des initiateurs
de la « religion royale ». La première pièce du dossier est la stupéfiante vision
que Louis VII eut avant la naissance de son héritier. Cette vision, conservée
dans un seul des deux manuscrits existants des Gesta Philippi Augusti1 - celui de
Paris (P) -, aurait été, selon certains chercheurs, interpolée par le continuateur
anonyme de Rigord, qui s'appuya sur des textes de Guillaume le Breton8 et Giraud
de Barri. L'argument principal est l'absence de ce passage dans l'œuvre de
Guillaume, qui pourtant aimait habituellement « le merveilleux ». Une lecture plus
attentive des deux chroniques montre cependant que Guillaume omet également
quelques autres interprétations merveilleuses que Rigord insère dans les Gesta9.
4 - « Philip Augustus, whose monumental disinterest in historical and litterary patronage
is universally aknowledged » (Gabrielle M. Spiegel, Romancing the Past. The Rise
of Vernacular Prose Historiography in Thirteenth-Century France, Berkeley-Los Angeles-
Oxford, University of California Press, 1993, p. 287).
5 - Elizabeth A. R. Brown, « La notion de la légitimité et la prophétie à la cour de
Philippe Auguste », in R.-H. Bautier (dir.), La France de Philippe Auguste..., op. cit.,
pp. 77-1 10 ; Jacques Le Goff, « Le dossier de sainteté de Philippe Auguste », L'Histoire,
100, 1987, pp. 22-29.
6 - Le problème de l'émergence de l'idéologie royale sous Philippe Auguste est signalé,
mais loin d'être traité d'une manière exhaustive, par J. W. Baldwin, Philippe Auguste...,
op. cit., pp. 456-462.
7 - Rigord, Gesta Philippi Augusti. Rigordi liber, in Henri-François Delaborde (éd.),
Œuvres de Rigord et de Guillaume le Breton, historiens de Philippe Auguste, Paris, Société de
l'histoire de France [SHF], t. 210, 1882, pp. 1-167 [Rigord].
8 - Guillelmus Armoricus, Gesta Philippi, H.-F. Delaborde (éd.), Œuvres de Rigord...,
op. cit., pp. 168-332 [Armoricus] ; Rigord, Philippidos libri XII, 2, Paris, SHF, t. 224,
1885 [Philippis].
9-J. W. Baldwin, Philippe Auguste..., op. cit., pp. 482, 649, n. 123. L'auteur se prononce
néanmoins pour l'interpolation de ce fragment après 1220 ; Colette Beaune, Naissance
de la nation France, Paris, Gallimard, 1985, p. 222, est d'avis que la vision de Louis VII
' ' " " prend son origine dans l'œuvre de Rigord. PHILIPPE AUGUSTE
Aussi la description que donne Guillaume des miracles effectués par Philippe est-
elle beaucoup plus sèche et concise, dépourvue d'une exégèse biblique, contrair
ement à Rigord10. Dans la Philippide, Guillaume décrit un événement miraculeux
de la vie de Philippe introuvable chez Rigord : l'apparition du Christ, sous la forme
d'une hostie, en 118411. C'est seulement après la mort de Philippe Auguste que
se déroulent les

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