Philosophe ou écrivain ? Problèmes de délimitation entre histoire littéraire et histoire de la philosophie en France, 1650-1850 - article ; n°2 ; vol.55, pg 355-388
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Philosophe ou écrivain ? Problèmes de délimitation entre histoire littéraire et histoire de la philosophie en France, 1650-1850 - article ; n°2 ; vol.55, pg 355-388

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Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 2000 - Volume 55 - Numéro 2 - Pages 355-388
Philosopher or writer? History of philosophy, history of literature and borderline cases, 1650-1850. (D. Ribard). This article is concerned with the concept of French Philosophers of the 18th century and shows how it was elaborated by academics, especially historians of philosophy and historians of literature, in order to exclude non-academic practices of philosophy from the real history of philosophy. People who considered themselves as philosophers have been characterized as writers and are now studied by specialists of literature, from a stylistic and rhetorical point of view. This article tries to show the complexity of non-academic philosophical practice from the Age of Descartes to the French Revolution. It analyzes how various historical models were successively produced to understand that practice, first by independent writers who tended to classify the philosophers of their time, then (after the Revolution and the reorganisation of academic life) by professors of philosophy and literature.
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Dinah Ribard
Philosophe ou écrivain ? Problèmes de délimitation entre
histoire littéraire et histoire de la philosophie en France, 1650-
1850
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 55e année, N. 2, 2000. pp. 355-388.
Abstract
Philosopher or writer? History of philosophy, history of literature and borderline cases, 1650-1850. (D. Ribard).
This article is concerned with the concept of "French Philosophers of the 18th century" and shows how it was elaborated by
academics, especially historians of philosophy and historians of literature, in order to exclude non-academic practices of
philosophy from the "real" history of philosophy. People who considered themselves as philosophers have been characterized as
"writers" and are now studied by specialists of literature, from a stylistic and rhetorical point of view. This article tries to show the
complexity of non-academic philosophical practice from the Age of Descartes to the French Revolution. It analyzes how various
historical models were successively produced to understand that practice, first by independent writers who tended to classify the
philosophers of their time, then (after the Revolution and the reorganisation of academic life) by professors of philosophy and
literature.
Citer ce document / Cite this document :
Ribard Dinah. Philosophe ou écrivain ? Problèmes de délimitation entre histoire littéraire et histoire de la philosophie en France,
1650-1850. In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 55e année, N. 2, 2000. pp. 355-388.
doi : 10.3406/ahess.2000.279852
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2000_num_55_2_279852FIGURES D'AUTEURS
MUSIQUE ET LITTÉRATURE/
FRANCE, 17e-20e SIÈCLES
PHILOSOPHE OU ECRIVAIN ?
Problèmes de délimitation entre histoire littéraire
et histoire de la philosophie en France, 1650-1850
Dinah Ribard
L'histoire de la philosophie et l'histoire littéraire, aujourd'hui, ne se
croisent vraiment que sur un seul objet, qui se trouve être aussi une catégorie
particulièrement prégnante de l'histoire culturelle, les « Philosophes des
Lumières », les « Philosophes français du 18e siècle ». Mais ce croisement
est en réalité un partage : ce que par habitude scolaire on appelle « les
Philosophes du 18e siècle» est le produit d'un phénomène tout à fait
particulier de répartition des compétences disciplinaires. Ce mode de dési
gnation où le P majuscule et les guillemets assurent une fonction correctrice
renvoie à un usage qui concède, voire réserve l'étude des « Philosophes
des Lumières » aux professeurs de français et l'Université aux « littéraires ».
Du côté de l'histoire de la philosophie, en revanche, le 18e siècle français
est depuis 1850 un fantôme dans un récit aux vastes perspectives, qui saute
d'un bond de Malebranche, Locke et Leibniz à Hume et Kant1. Certes,
l'entreprise de publication, depuis 1984, du « Corpus des œuvres de philoso
phie en langue française »2, qui inclut beaucoup de textes du 18e siècle, et
1. Un exemple frappant de ce caractère fantomatique se donne à voir dans M. Guéroult,
Dianoématique, dont les trois premiers volumes, consacrés pourtant à Y Histoire de l'histoire
de la philosophie, Paris, Aubier, 1984-1988, s'organisent comme suit : de de
la philosophie en Occident, des origines à Condillac ; en Allemagne, de Leibniz à nos jours ;
en France, de Condorcet à nos jours. Outre le bizarre décrochage chronologique qui fait
revenir à Leibniz à partir de Condillac, cette organisation réserve en réalité une place minimale
au 18° siècle français, l'idée étant bien que les choses sérieuses se passent ailleurs. Si les
méthodes « structurales » de M. Guéroult sont aujourd'hui rejetées par la majorité des historiens
de la philosophie, le jugement porté sur les « Philosophes du 18e siècle » n'en est pas
sensiblement modifié.
2. Il est significatif, du reste, qu'une entreprise qui redonne dans la bibliothèque des œuvres
philosophiques une place à celles qui ont été écrites au 18e siècle soit aussi une collection
qui met l'accent sur la langue, comme si la disparition d'une spécificité (celle du
355
Annales HSS, mars-avril 2000, n° 2, pp. 355-388. FIGURES D'AUTEURS. MUSIQUE ET LITTERATURE, FRANCE, 17e-20e S.
l'évolution récente de la recherche en philosophie montrent qu'il y a du
changement de ce côté-là, mais le fait scolaire reste massif et les habitudes
intellectuelles quasi intactes ; du reste, les « littéraires », souvent tran
sformés pour l'occasion en historiens des idées, ne semblent pas prêts à
abandonner le terrain.
Pour comprendre comment s'est fait le partage de deux histoires qui
semblent aujourd'hui n'avoir pas grand-chose à se dire, il peut être utile
de retracer la genèse d'un tel transfert, c'est-à-dire d'aller voir à quel prix
et avec quelles difficultés la frontière a été tracée entre leurs deux territoires.
Aussi bien s'intéresser à l'élaboration de la catégorie « Philosophe des
Lumières » signifie-t-il se donner les moyens de sortir de la question
stylistique ou rhétorique des rapports entre écriture littéraire et écriture
philosophique, pour s'interroger sur les cadres dans lesquels ces rapports,
et les termes mêmes de ces rapports, sont pensés. Car s'il n'est pas
exceptionnel aujourd'hui que les spécialistes de « littérature » parlent de
«philosophie», ou que les spécialistes de «philosophie» s'occupent de
« littérature »3, c'est dans la mesure même où leurs terrains et leurs compét
ences réciproques sont clairement délimités. Dans ce contexte, les « Philo
sophes des Lumières » constituent précisément le seul cas où la critique
ne s'emploie ni à découvrir chez tel ou tel écrivain une compétence
philosophique, ni à explorer les manières dont la « philosophie » croise
la question de l'écriture, mais à prouver inlassablement la validité de la
distinction entre littérature et philosophie par l'insistance même qu'elle
met à montrer comment ces auteurs-là l'ont transgressée ou détournée.
Cette obstination territoriale, c'est-à-dire le fait institutionnel de la
substitution d'une discipline à une autre, du « français » à la philosophie,
ne devient pourtant visible que si on accepte de prendre au sérieux le nom
de philosophes que se donnaient les auteurs de l'époque, et que leurs
ennemis leur donnaient aussi. C'est en effet précisément cette question du
nom ou du titre de philosophe qui constitue le cœur du problème. Les
philosophes du 18e siècle ne paraissent pas tout à fait compatibles avec ce
que le mot philosophe désigne normalement ; il leur faut une définition
spéciale, une catégorie à part, comme pour éviter une possible amphibologie.
Et il semble même qu'il soit indispensable de les traiter ainsi pour rendre
compte de la spécificité de leur activité propre et de la spécificité de leur
siècle — tant l'attention à la «philosophie des Lumières» en tant que
telle a à voir avec la construction du 18e siècle comme fondamentalement
différent des autres, du 17e siècle en particulier.
« siècle », qui n'est plus mis à part) impliquait de redonner vie à une autre (celle de la
langue française).
3. Cf., du côté des philosophes, le livre de P. Macherey, A quoi pense la littérature ?
Exercices de philosophie littéraire, Paris, PUF, 1990, qui fait de cette délimitation son point
de départ critique. Voir aussi J.-F. Marquet, Miroirs de l'identité: la littérature hantée par
la philosophie, Paris, Hermann, 1996, et J. Rancière, La parole muette, Paris, Hachette, 1998.
Du côté des littéraires, et pour s'en tenir à l'époque moderne, on peut citer P.-A. Cahné,
Un autre Descartes. Le philosophe et son langage, Paris, Vrin, 1980, et J.-C. Darmon,
Philosophie épicurienne et littérature en France au XVIIe siècle, Paris, PUF, 1998.
356 D. RIBARD PHILOSOPHE OU ECRIVAIN ?
Ces phénomènes institutionnels et intellectuels suggèrent toute une série
de questions. Comment Malebranche, par exemple, considéré pendant une
centaine d'années comme bien trop imaginatif

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