Pompe en noir et blanc  - article ; n°1 ; vol.110, pg 65-76
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Description

Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1995 - Volume 110 - Numéro 1 - Pages 65-76
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Angela Rundquist
Pompe en noir et blanc
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 110, décembre 1995. pp. 65-76.
Citer ce document / Cite this document :
Rundquist Angela. Pompe en noir et blanc . In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 110, décembre 1995. pp. 65-
76.
doi : 10.3406/arss.1995.3163
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1995_num_110_1_3163:
.
:
Angela Rundquist
POMPE EN NOIR ET BLANC
Présentation officielle des dames à la cour de Suède
es rituels de pouvoir ont des caractéristiques qui presse, elle-même instrument créateur de «public», a
déroutent, un sujet que l'historien David Cannadine joué un rôle important pour donner de la visibilité à la
et l'anthropologue Maurice Bloch ont traité dans le présentation à la cour en tant que rituel, en rendant
livre Rituals of Royalty. «Pour quelle raison exactement compte de cet événement apparemment fermé et en
les cérémonies impressionnent-elles ? Et quelles sont les démontrant ses différentes connections avec le public et
pierres qui en forment réellement le soubassement ? 1 » le privé.
J'aborderai ici ce type de questions en décrivant com La dissolution de l'ancien régime en 1865 et les chan
ment les femmes et la classe sociale ont marqué un rituel gements sociaux et économiques firent que l'accès à la
accompli chaque saison, à Stockholm, jusqu'en 1962. cour s'élargit. L'ascendance ne constituait plus le seul
Des femmes, jeunes et plus âgées, membres de l'est ticket d'entrée dans la bonne société. Les puissants de
ablishment politique et social, étaient introduites à la cour cette nouvelle ère, maintenant d'origine roturière, les
en faisant une profonde révérence aux dames de la ministres des cabinets, les entrepreneurs, les capitalistes
famille royale. Mon propos est de suivre l'évolution de la de l'industrie et les financiers recevaient des invitations
présentation à la cour et son arrêt définitif et d'en esquis pour les différentes manifestations de la cour et ils
ser la structure formelle 2 Je commencerai par une di ouvraient en même temps les portes à leurs épouses 3.
scussion générale, suivie d'un bref exposé historique, La présentation donnait aux dames le droit de porter
le symbole-statut de distinction - la robe noire de cour et avant de décrire les différents éléments de la présentat
sa réplique en blanc pour les galas - lorsque cette tenue ion à la cour et sa décomposition progressive.
L'histoire de la présentation a des composants contra était de rigueur. Les dames présentées sortaient leur robe
dictoires et inhabituels qui soulèvent la curiosité, outre le de cour de leur placard en certaines occasions, notam-
fait que les femmes en sont les acteurs principaux. Au
lieu de limites tranchées de la dichotomie public-privé, 1 — D. Cannadine, Introduction, in D. Cannadine et S. Price (eds.),
apparaît une ligne floue, comme en témoignent en parti Rituals of Royalty, Cambridge, Cambridge University Press (1987),
1992, p. 15. M. Bloch pose la question «Tout d'abord pourquoi le culier des mots comme officiel, qui signifie quelque rituel royal a-t-il un pouvoir émotionnel et idéologique qui fasse bouchose qui a été prescrit par une institution supérieure. ger et s'organiser les participants?», M. Bloch, «The Royal Bath in
Dans mon exposé, j'emploie public dans le sens acces Madagascar», inD. Cannadine et S. Price, op. cit., p. 295.
sible à tous. Je considère les termes non-privé et privé 2 - Ce texte est fondé sur deux articles, A. Rundquist, « Svart sammet,
gallerärmar, spetsar och andra hovfähiga tecken » et « Dampresentation, comme différents aspects de l'intime et de l'isolé qui galacour och temottagning vid svenska hovet under 1800-och 1900-
appellent leurs contraires, et j'essaierai d'illustrer cer talen», in L. Rangström (ed.), Hovets dräkter, Stockholm, Livrustkam-
maren and Höganäs, Bra Böcker and Wiken förlag, 1994. taines significations variables et transgressives de ces
3 — Pendant les premières décennies du xxe siècle, une présentation dichotomies. La présentation des dames était un événe
spéciale fut organisée afin d'introduire l'épouse d'un ministre du cabiment non-privé qui appartenait à la sphère publique, net, proposée par l'épouse du Premier ministre et introduite par la
mais, en même temps, c'était une sorte d'affaire interne, grande maîtresse de la cour. Pour beaucoup d'épouses des ministres du
nouveau cabinet (des sociaux-démocrates depuis 1932). c'était la prepresque secrète, de la couche supérieure de la société. mière fois qu'elles faisaient une révérence aux dames royales. Les Cette cérémonie montre aussi que le sens du concept dames de l'ancienne classe régnante avaient souvent été présentées au
public a varié historiquement. Au cours du xxe siècle, la moins deux fois, d'abord comme célibataires, puis comme épouses. .
Angela Rundquist 66
suivis par le mot « dame » Le terme français de « cour » ment lors des bals de la cour, des galas dans les théâtres
royaux, des cérémonies de félicitations et des mariages (faire sa cour) fut anciennement utilisé pour toutes les
royaux. Pendant les premières décennies du xxe siècle occasions où hommes et femmes présentaient à la cour
encore, les dames proches de la cour et de la famille leurs respects aux membres de la famille royale, pour les
royale suivaient aussi les règles vestimentaires à l'occa félicitations, les actions de grâces (par exemple après une
sion des deuils qui devinrent un autre instrument de dis naissance royale), à Noël, au jour de l'an ou lors d'un
retour de voyage de la famille royale. La présentation des tinction.
nouveaux venus, officiellement inconnus à la cour, se faiAu début de la Seconde Guerre mondiale, le sent
iment d'être supérieur persistait encore assez ouvertement sait à ces moments-là.
Les cours se firent plus rares au xixe siècle en même dans l'aristocratie ; la conscience de sa distinction n'avait
temps qu'elles se réduisaient progressivement à la seule pas diminué, mais se maintenait de façon relativement
présentation formelle des femmes aux altesses royales - voilée vis-à-vis des gens de l'extérieur4. En tout état de
jeunes filles célibataires et épouses ainsi que veuves cause, le comportement, le langage, la politesse et l'él
égance discrète étaient des signes décisifs d'une certaine remariées, des aristocrates et des membres mâles les plus
importants de la liste officielle - lors d'une unique grande position sociale et d'une appartenance à un groupe. Pour
cette élite consciente de sa naissance, la famille royale et présentation annuelle, de préférence en janvier ou en
février. Le roi cessa d'apparaître à la présentation des la cour étaient le moyeu de la vie sociale et de toute car
rière publique. femmes, sauf exception rarissime des présentations de
La cérémonie de présentation était principalement une galas. Plus la cérémonie devint l'affaire des femmes,
affaire de femmes ; son importance diminua progressive moins elle eut d'importance pour les hommes, présentés
ment. Pendant toute cette période, un siècle et demi envi à d'autres occasions, par exemple, lors d'audiences. Un
nombre croissant d'hommes appartenant à l'élite se trouron, l'événement perdit un peu de son caractère public,
mais sans jamais devenir totalement privé. Son côté « offi vaient aussi absorbés par une vie professionnelle de plus
en plus pressante à mesure qu'avançait le xrxe siècle. ciel » provenait du fait que la cour restait l'instance supé
rieure qui stipulait en détails l'orchestration du processus La présentation à la cour était officielle parce qu'une
— depuis les étapes préliminaires avec la demande de pré invitation, ou plutôt une convocation, émanait de la cour ;
sentation, les visites, la séquence de la présentation elle- elle devenait publique si la presse la mentionnait, mais
pas publique au point que n'importe quelle femme ait pu même, jusqu'au port d'une tenue uniforme et obligatoire.
La présentation des dames à la cour faisait partie de la faire elle-même une demande d'introduction ou qu

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