Préhistoire du roman policier - article ; n°53 ; vol.16, pg 23-36
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Description

Romantisme - Année 1986 - Volume 16 - Numéro 53 - Pages 23-36
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 67
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Claude Vareille
Préhistoire du roman policier
In: Romantisme, 1986, n°53. Littérature populaire. pp. 23-36.
Citer ce document / Cite this document :
Vareille Jean-Claude. Préhistoire du roman policier. In: Romantisme, 1986, n°53. Littérature populaire. pp. 23-36.
doi : 10.3406/roman.1986.4922
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1986_num_16_53_4922Jean-Claude VAREILLE
Préhistoire du roman policier
Dis moi, Muse, qui, le premier...
Les historiens de la littérature ou les critiques spécialisés1 sont en général
d'accord pour faire débuter le genre policier avec les trois célèbres nouvelles
d'Edgar Poe Double assassinat dans la rue Morgue (1841), Le Mystère de Marie
Roget (1843) et La Lettre volée (1845). Puis seraient venus Gaboriau et Wilkie
Collins à partir de 1860, Conan Doyle et son Sherlock Holmes dans les années
80, Maurice Leblanc et Lupin, Gaston Leroux et Rouletabille au début de ce siè
cle. Toute enumeration est par définition sujette à caution ; et l'on pourrait trou
ver sous la plume d'un chercheur à l'érudition sans faille tel que Yves
Olivier-Martin une vingtaine d'autres noms de romanciers qui, dans le seul
domaine français, auraient sacrifié au genre2. Toujours est-il cependant que
tous appartiennent à la seconde moitié du siècle. A part les trois nouvelles cano
niques de Poe, les années 1820-1850 resteraient vides.
Ces considérations peuvent être tenues pour fondées. En tant que genre
autonome, senti comme tel par le public, le roman ou la nouvelle policiers n'exis
tent pas dans la première moitié du siècle. Encore ne faudrait-il pas tomber dans
l'excès inverse qui laisserait croire à une sorte de génération spontanée, dans les
années 1870-1880 — apparition à placer en parallèle avec les débuts de la police
scientifique ou l'avènement du fait-divers criminel dans les journaux quoti
diens3. Le roman policier nait sans à-coup ni solution de continuité de genres
ou de mentalités qui lui préexistent. Il n'y a pas rupture, mais glissement et méta
morphose. Nous nous proposons ici d'analyser brièvement comment, vers
1820-1850, sont déjà en place un certain nombre de conditions tant sociales que
littéraires qui vont permettre quelque temps plus tard cet avènement du « poli
cier » ; de mettre en évidence en particulier quelques champs lexicaux et motifs
qui favoriseront ce glissement ; de dégager des unités narratives disponibles pour
un agencement nouveau. Car nous n'aurons garde d'oublier ce dernier point :
quel élément structurel fait-il encore défaut pour que naisse vraiment le genre ?
Enfin, d'une part pour éviter des extrapolations abusives et compte tenu de
l'hétérogénéité des productions que l'on place sous ce sigle commun de roman
policier, d'autre part pour respecter notre optique génétique et dans un souci
de cohérence, nous entendrons dans ce travail par « roman policier » uniquement
ce que l'on a pu appeler le « roman policier archaïque »4, d'avant 1914.
L'arrière-plan historique et social: L'intérêt pour le crime
On ne peut l'ignorer depuis des études comme celle de Louis Chevalier5 :
conséquence parmi d'autres des transformations socio-économiques rapides, 24 Jean-Claude Vareille
le XIXe crime siècle, devient au moins un des dans faits majeurs les grandes de l'existence villes : Londres, quotidienne Paris. en Au ce travers début du de
cette angoisse collective se lisent en filigrane les réalités sociales qui vont servir
de réfèrent aux premiers balbutiements du roman policier. En tout cas, la vio
lence alimente déjà la culture : feuilletons, mélos, complaintes et chansons célè
brent à qui mieux mieux embuscades, traîtrises et assassinats. Les grands
prototypes des romans populaires sont d'emblée des chroniques du crime : Les
Mystères de Paris, Le Comte de Monte-Cristo, les œuvres de Dickens ; tous, ils
illustrent et mettent en scène le glissement et la relation de réversibilité qui unit
classes laborieuses et classes dangereuses.
Jamais, que ce soit en Angleterre ou en France, on n'a autant qu'à cette
époque écrit sur le crime, les problèmes posés par les prisons ou la police. Ce
sont là les préoccupations majeures des premières grandes enquêtes sociales ou
statistiques, en France celle de Parent-Duchatelet, membre du Conseil de Salu
brité de la ville de Paris, sur les égoûts et la prostitution6, celle de Fregier, chef
de bureau à la Préfecture de la Seine, sur les classes dangereuses7. Alors que la
criminalité était absente des œuvres de Saint-Simon ou de Fourier, voici qu'elle
envahit pourtant la presse fouriériste et les ouvrages des grands
disciples, dont ceux du plus fidèle d'entre tous, Considérant, voici qu'elle est
présentée comme un phénomène social incontournable tant par Proudhon que
par Louis Blanc. En même temps, des ouvrages savants attirent l'attention du
législateur sur les systèmes pénitentiaires anglais et français, les avantages et
inconvénients comparés de la détention collective ou du régime cellulaire : on
sait quel impact auront des remarques de ce type tant sur un Hugo que sur un
Sue8.
On objectera que de telles études, compte tenu de leur technicité, ne tou
chent pas le « grand » public ; mais il existe de multiples relais et courroies de
transmission vers la littérature proprement dite. Il y a d'abord la tradition des
Tableaux parisiens qui survit en Janin9 et en Jouy10. Ensuite et surtout on
assiste en ces années à une étonnante floraison de Mémoires et Souvenirs des
grands fonctionnaires de la police, lieux limites où la vie rejoint la littérature,
où, selon la formule consacrée, la réalité dépasse la fiction. En 1829 donc, Fro
ment, ex-chef de brigade du cabinet particulier du Préfet de Police présente La
Police dévoilée depuis la Restauration et notamment sous MM. Franchet et
Delavau11. En 1833, c'est Pierre Marie Desmaret, chef de division au Ministère
de la Police Générale, qui fait paraître ses Témoignages historiques ou Quinze
ans de haute police sous Napoléon12... En 1838, c'est au tour de Jacques Peu-
chet de publier des Mémoires tirés des archives de la police de Paris, pour servir
à l'histoire de la morale et de la police depuis Louis XIV jusqu'à nos jours13 ;
deux ans plus tard voici les Mémoires de M. Gisquet, ancien préfet de police,
écrits par lui-même14. On voit donc qu'Eugène François Vidocq, le célèbre for
çat devenu chef de la police de Sûreté, fit école lui dont les Mémoires parurent
chez Tenon en 1828-1829 et qui éprouva le besoin, en 1844, de rectifier chertaines
erreurs de Sue en révélant Les Vrais Mystères de Paris15. On sait la véritable
mine d'informations variées que de tels ouvrages constituèrent pour les écrivains
de l'époque, de même que la fameuse Gazette des Tribunaux, créée en 1825 : Bal
zac, Stendhal, Hugo, Eugène Sue, Dumas ont tiré des uns et de l'autre quelques-
uns de leurs générateurs pour leurs ouvrages les plus célèbres. Indiscutablement
ici l'histoire — la grande et la petite, mais la seconde n'est qu'un reflet décalé
de la première — nourrit la littérature. Le crime et la police intéressent, ne serait-
ce que parce qu'ils sont des phénomènes qui dépassent l'écriture, des phénomèn
es sociaux. Préhistoire du roman policier 25
Encore faut-il, pour que naisse vraiment le roman policier, que soient effi
cients conjointement un imaginaire et un type de narration spécifiques. C'est
pourquoi il nous est nécessaire d'étudier quels motifs privilégiés (quelle fantas
matique ou thématique de base) et quelles structures narratives, déjà actifs dans
les années 1820-1850, se prolongeront sans solution de continuité dans le roman
policier archaïque.
Le code herméneutique. Le mystère et le secret.
La démarche progressive/régressive
Le roman gothique et le roman-feuilleton présentent déjà un caractère
essentiel au policier : l'hypertrophie de ce que Barthes appelle16 le code
herméneutique, lequel suppose la position d'une question, sa solution et surtout
le retard mis à cette solution. Dans le roman noir ou le roman populaire le
mystère est partout. Et pas seulement par

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