Présence de Montaigne dans la pensée ultime de Diderot - article ; n°1 ; vol.21, pg 51-67
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Description

Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie - Année 1996 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 51-67
Michèle Chabanon : Présence de Montaigne dans la pensée ultime de Diderot.
L'hommage appuyé rendu à Montaigne dans l'« Essai sur Sénèque » puis dans l'« Essai sur les règnes de Claude et Néron » confirme et prolonge la fidélité des liens qui ont très tôt uni Diderot à cet « homme de lettres d'une étendue d'esprit et d'une sagacité peu communes ». Mais au-delà de son rôle initiatique dans la connaissance de l'Antiquité et de son audace à défendre Sénèque, Montaigne, le philosophe, entre au panthéon des grands hommes - d'où Diderot ne s'exclut pas -, par l'énergie de son style et de son interrogation sur la fonction philosophique du langage. La prudence pratique qui rapproche d'ailleurs le Neveu du « goût » de Montaigne en matière de morale, affleure ici, comme un tremblement, dans la pensée ultime de Diderot, pourtant acquise, à travers Sénèque, à la possibilité même d'accéder aux « vrais fondements de la morale ».
Michèle Chabanon : The Presence of Montaigne in Diderot 's later thought.
The insistance with which Diderot pays homage to Montaigne, first in the Essai sur Sénèque and then in the Essai sur les règnes de Claude et de Néron, shows how close and persistent were the links between Diderot and the 'man of letters with an exceptional breadth of mind and wisdom'. But beyond his role as an initiator into a knowledge of Antiquity and his daring defence of Seneca, Montaigne the philosopher entered the Pantheon of great men (in which Diderot included himself) thanks to his energetic style and his reflection on the philosophical function of language. The practical prudence which brings the Neveu close to Montaigne's 'taste' in morality can here be discerned underlying the thought of Diderot's later years, when he was neyertheless convinced, thanks to Seneca, of the possibility of discovering the 'true foundations of morality'.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michèle Chabanon
Présence de Montaigne dans la pensée ultime de Diderot
In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, numéro 21, 1996. pp. 51-67.
Résumé
Michèle Chabanon : Présence de Montaigne dans la pensée ultime de Diderot.
L'hommage appuyé rendu à Montaigne dans l'« Essai sur Sénèque » puis dans l'« Essai sur les règnes de Claude et Néron »
confirme et prolonge la fidélité des liens qui ont très tôt uni Diderot à cet « homme de lettres d'une étendue d'esprit et d'une
sagacité peu communes ». Mais au-delà de son rôle initiatique dans la connaissance de l'Antiquité et de son audace à défendre
Sénèque, Montaigne, le philosophe, entre au panthéon des grands hommes - d'où Diderot ne s'exclut pas -, par l'énergie de son
style et de son interrogation sur la fonction philosophique du langage. La prudence pratique qui rapproche d'ailleurs le Neveu du
« goût » de Montaigne en matière de morale, affleure ici, comme un tremblement, dans la pensée ultime de Diderot, pourtant
acquise, à travers Sénèque, à la possibilité même d'accéder aux « vrais fondements de la morale ».
Abstract
Michèle Chabanon : The Presence of Montaigne in Diderot 's later thought.
The insistance with which Diderot pays homage to Montaigne, first in the Essai sur Sénèque and then in the Essai sur les règnes
de Claude et de Néron, shows how close and persistent were the links between Diderot and the 'man of letters with an
exceptional breadth of mind and wisdom'. But beyond his role as an initiator into a knowledge of Antiquity and his daring defence
of Seneca, Montaigne the philosopher entered the Pantheon of great men (in which Diderot included himself) thanks to his
energetic style and his reflection on the philosophical function of language. The practical prudence which brings the Neveu close
to Montaigne's 'taste' in morality can here be discerned underlying the thought of Diderot's later years, when he was neyertheless
convinced, thanks to Seneca, of the possibility of discovering the 'true foundations of morality'.
Citer ce document / Cite this document :
Chabanon Michèle. Présence de Montaigne dans la pensée ultime de Diderot. In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie,
numéro 21, 1996. pp. 51-67.
doi : 10.3406/rde.1996.1345
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rde_0769-0886_1996_num_21_1_1345Michèle CHABANON
Présence de Montaigne
dans la pensée ultime de Diderot
plusieurs non touche pyrrhonisme «illustre quinze la défense Y Encyclopédie publication seulement En Si années d'un effet, dans et mort». reprises, l'apologie », bon parmi plus des l'article Diderot l'auteur d'avoir esprit»1 Œuvres véritablement tard, les du nombreuses associé s'excuse à des pyrrhonienne la — philosophe complètes Essais demande Y Essai Montaigne d'avoir fait — voix sur D'Holbach revivre, de cet romain que oublié, la Sénèque, ou ouvrage vie à donne sceptique une en de — «parmi et conversant cause Sénèque, peut à mais de qui entendre Naigeon s'enorgueillir est les commune philosophie aussi la écrit sectateurs avec cette «pierre pour d'avoir quelque lui, œuvre — clore lui, cet du de la à
ultime, et plus encore sa seconde version augmentée, publiée en 1782,
V Essai sur les règnes de Claude et de Néron2, où se mêlent alternativement
le discours de Sénèque, abondamment cité et commenté, celui de ses appro
bateurs historiques aussi bien que la réplique souvent mordante de Diderot
à la calomnie des censeurs, la parole de Montaigne résonne d'un écho
particulier, renvoyant à la fois à son autorité et à son actualité.
Certes la « présence parlante »3 des Essais, qui se révèle massive et
diversifiée, invitée par exemple lors de l'examen des lettres à Lucilius, à
illustrer les pages de Diderot ou même parfois à s'y substituer — «partout
où je me trouve bien, déclare Diderot dans l'ERCN, j'y reste» (p. 481), n'a
pas de quoi surprendre. La fidélité des liens qui ont uni Diderot à
Montaigne depuis l'Essai sur le mérite et la vertu, les Bijoux Indiscrets,
l'Encyclopédie, la Lettre sur les aveugles jusqu'au Neveu de Rameau,
trouve en effet confirmation dans l'hommage appuyé rendu ici à «cet
1. Encyclopédie XIII, 612a ; Lew., XIV, 651.
2. Lew., tome XIII, désormais désigné sous le sigle ERCN.
3. Voir J. Starobinski. «Diderot et la parole des autres». Préface de l'ERCN, Lew.,
tome XIII, p. 8.
Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 21, octobre 1996 52 MICHÈLE CHABANON
homme de lettres d'une étendue d'esprit et d'une sagacité peu com
munes »4, à la fois initiateur de générations entières à la lecture des œuvres
de l'Antiquité, singulièrement celles de Sénèque, et guide de tous les moral
istes, «qui a passé pour le bréviaire des honnêtes gens, qui n'est pas
encore tombé de leurs mains et qui pourrait bien y rester à jamais » (ERCN,
p. 480).
On pourrait parler à cet égard de la transversalité, dispersée ou mêlée
de la référence à Montaigne, dans une œuvre qui porte incontestablement
l'empreinte de la matière «nourricière» des .Essais, propice d'ailleurs aussi
bien à l'emprunt le plus large qu'à la discussion contradictoire. Mais
au-delà de la renommée philosophique acquise par les Essais au xvme
siècle, quoique diversement appréciée des encyclopédistes, des gens
d'Église ou des journalistes, l'Essai sur Sénèque reconnaît à Montaigne le
mérite et l'audace d'avoir su préférer, après une étude réfléchie, érudite,
fondée sur de solides compétences linguistiques5, Sénèque comme philo
sophe et moraliste, à Cicéron l'orateur. Dans le second livre des Essais, au
chapitre 10, en bonne part cité dans l'ouvrage de Diderot, Montaigne
soutient en effet que «l'instruction» de Plutarque et de Sénèque est
« la crème de la philosophie... Celui-ci se peine, se raidit et se tend pour
armer la vertu contre la faiblesse, la crainte et les vicieux appétits... Quant
à Cicéron, sa façon d'écrire me semble ennuyeuse... Si j'ai employé une
heure à le lire, qui est beaucoup pour moi, et que je ramentoive ce que j'en
ai tiré de suc et de substance, la plupart du temps je n'y trouve que du
vent »6. On sait, d'après ce qu'en rapporte Y ERCN, combien cette convoc
ation, destinée à garantir en quelque sorte le jugement palinodique sur
Sénèque — même si Diderot « rougit presque de défendre par des autorités
la cause d'un philosophe » (p. 478) — attira de critiques, souvent acerbes à
son auteur. Parmi les détracteurs de Sénèque, et ils furent nombreux à
attaquer violemment la contribution de Diderot, depuis les journalistes de
Y «Année littéraire», du «Journal de Paris» jusqu'au virulent Gauchat
{Journal chrétien et Lettres critiques, 1783)7, un critique n'hésita pas à
taxer le sentiment de Montaigne à l'égard de Sénèque, de «gasconnade
ridicule du philosophe de la Garonne » (p. 479). Cette accusation prolongée
par le cinglant : « On n'a jamais cité Montaigne en fait de goût», montre à
quel point le jugement de Montaigne se trouve ici discrédité, à la fois
4. Essai sur Sénèque. Lew., XII, 735 (Note de Naigeon).
5. « Montaigne qui parlait la langue des anciens comme la sienne, et dont les citations
sans nombre montrent combien la lecture lui en était familière, s'entendait en style et en
bonne logique». ERCN, p. 480.
6. Les Essais. Edition établie par P. Michel, 3 volumes. Le Livre de Poche, 1966,
Livre II, Chapitre X, pp. 41-42.
7. Sur ce thème, voir J.-L. Vissière : La secte des Empoisonneurs. Polémiques autour
de l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert. Publications de l'Université de Provence,
1993. PRÉSENCE DE MONTAIGNE DANS LA PENSÉE ULTIME DE DIDEROT 53
comme valeur de référence dans la connaissance approchée de Sénèque et
surtout comme modèle de pertinence rhétorique eu égard à l'expression
vieillie, décousue qui le porte. Autrement dit, l'art oratoire privilégié par
Monta

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