Principes économiques et sociétés africaines - article ; n°120 ; vol.30, pg 725-753
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Description

Tiers-Monde - Année 1989 - Volume 30 - Numéro 120 - Pages 725-753
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

François-Régis Mahieu
Principes économiques et sociétés africaines
In: Tiers-Monde. 1989, tome 30 n°120. pp. 725-753.
Citer ce document / Cite this document :
Mahieu François-Régis. Principes économiques et sociétés africaines. In: Tiers-Monde. 1989, tome 30 n°120. pp. 725-753.
doi : 10.3406/tiers.1989.3876
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1989_num_30_120_3876PRINCIPES ÉCONOMIQUES
ET SOCIÉTÉ AFRICAINE*
par François Régis Mahieu**
« V Afrique que je découvrais ambiguë me
montrait V ambiguïté toujours présente sur les
sciences sociales. Par un mouvement en retour,
elle commençait à me contraindre à voir autre
ment ma propre société; elle devenait sa révé
latrice. » (G. Balandier, postface à Afrique
ambiguë.)
La théorie économique est confrontée, dans cet essai, aux particularités
du comportement en Afrique.
Vaste ambiguïté?
L'anthropologie économique (cf. Marshall Sahlins, Godelier...) a jus
qu'à présent utilisé ces particularités comme une arme de guerre contre
l'universalité de la théorie économique. A l'inverse, les économistes, en
particulier les nouveaux maîtres des agences internationales, conceptualisent
l'économie africaine (Banque mondiale, 1988) sans le moindre input
anthropologique.
Et pourtant, suprême ambiguïté, il semble que la complexité de la
société africaine mérite les théories et les techniques les plus sophisti
quées... de la science « universelle ». Mais cette dernière acceptera-t-elle
de révéler ses ambiguïtés?
Sans cette confrontation, la malédiction de J. Hicks (le développement
* Ces propositions sur le calcul économique en Afrique relèvent d'une observation rel
ativement longue (1979-1988) des comportements économiques en Côte-d'Ivoire. Cette obser
vation a été grandement facilitée par la collaboration de la Direction ivoirienne des Statistiques,
en particulier de Mme Alice Odunfa. L'analyse des faits observés a été stimulée par les dis
cussions avec mes collègues de l'Université d'Abidjan (M. Mamadou Koulibaly, Marna
Ouattara, Denis Requier Desjardins, Tuo Mamadou). Que tous soient ici remerciés sans que
la moindre responsabilité puisse leur être imputée dans cette aventure théorique.
** Université nationale de Côte-d'Ivoire, Abidjan.
Revue Tiers Monde, t. XXX, n° 120, Octobre-Décembre 1989 FRANÇOIS-RÉGIS MAHIEU 726
n'est pas passible d'une théorie) et le coup de grâce apporté par le
débat sur la théorie du capital (l'accumulation du capital ne peut résulter,
dans le temps, d'un choix rationnel), renverront l'analyse du développement
économique, en Afrique ou ailleurs, aux généralités socio-historiques
(cf. Perroux, Samir Amin).
Sous toutes les réserves liées au débat précédent, cet essai tente une
analyse « théorique » de l'anthropologie économique africaine. Ses limites
seront encore plus étroites dans la mesure où il s'appuie sur un modèle
réduit de l'économie sub-saharienne : la société économique de la Côte-
d'Ivoire. Ce choix se justifie par le fait que le développement économique
s'y effectue sur des bases africaines tout en étant soumis aux pires chocs
de l'environnement international. Les bases africaines du modèle ivoirien
sont connues : une mosaïque de communautés n'ayant pas souffert d'une
colonisation de peuplement; contrairement à l'Afrique lusophone, à de
nombreux pays anglophones (Kenya, Zimbabwe) et au cas extrême de
l'Afrique du Sud, l'ouverture sur l'extérieur de ce petit pays lui donne la
réputation de « vitrine de l'Afrique ». Accueillant de façon très libérale
les capitaux et les hommes étrangers, la société ivoirienne a fait l'expé
rience d'une monétarisation accélérée, d'une dépendance totale des finances
de l'Etat par rapport aux marchés internationaux et d'une agression cultu
relle permanente.
Contrairement aux inquiétudes des anthropologues, la base africaine
du développement ivoirien s'est remarquablement adaptée aux chocs pol
itico-économiques. Il en résulte une juxtaposition de cultures « commun
autaires » et « individualistes » que F. Bourgoin (1984), Bollinger et
Hofstede (1987) ont mises en valeur dans une perspective de management.
Les conséquences d'une telle juxtaposition sur les conditions de vie des
ménages ne sont apparues qu'au début des années 1980, à la lumière des
enquêtes statistiques très larges réalisées par la Direction ivoirienne des
Statistiques (ebc, 1979; epam, 1985/1986). En particulier la rigidité des
modèles alimentaires traditionnels (Requier-Desjardins, 1988), le renforce
ment des transferts villes-campagnes et de la pression communautaire sur
les nouveaux cadres urbains (Delpech, 1983; Mahieu/Odunfa, 1988), la
surenchère sur les funérailles (Vidal, 1988), etc.
A bien des égards, ce modèle culturel ivoirien peut servir de référence
pour d'autres pays africains. A la façon du modèle anglais pour le reste de
l'Europe (De te fabula narratur!), dans la théorie marxienne du capitalisme.
Les deux termes de ce dualisme culturel sont analysés dans les lignes
suivantes à travers leurs implications sur le calcul économique. L'évidence
statistique qui sous-tend les hypothèses théoriques a été soulignée dans
d'autres lieux (Mahieu, 1988) et n'apparaîtra que si elle s'avère nécessaire. PRINCIPES ÉCONOMIQUES ET SOCIÉTÉ AFRICAINE 727
I. — L'ORDRE COMMUNAUTAIRE
La communauté1 est au centre des sciences sociales. En quoi cons-
titue-t-elle un groupe social particulier? Les structures communautaires,
fondées sur différentes bases, les liens du sang, une culture, des symboles,
sont opposées aux sociétés associant des intérêts individualistes. Cette
opposition a été mise en valeur par Tônnies au xixe siècle avec sa dislinction
historique entre Gemeinschaft (communauté) et Gesellschaft (société);
elle réapparaît avec L. Dumont (1983) sous la forme de l'antinomie
holisme-individualisme. Pour cet auteur, la communauté apparaît comme
la base historique de la société que l'individualisme occidental doit détruire
au nom du progrès. Marx, par exemple, a tiré tout le bénéfice de cette
opposition en stigmatisant la violence du capitalisme par rapport à ses
bases communautaires.
Cette dialectique entre communauté et individualité fait recette dans
les analyses critiques du développement. Pour S. Latouche (1986), l'im
périalisme culturel a si bien réussi que « les membres des sociétés du
Tiers Monde n'ont tous qu'un désir : s'identifier aux Occidentaux »;
un « processus d'occidentalisation » que le sociologue Abdou Touré (1981)
met au centre de sa « civilisation quotidienne en Côte-d'Ivoire ».
La relation entre les valeurs communautaires africaines et l'indiv
idualisme occidental apparaît plus complexe dans la société africaine
moderne qu'une simple acculturation. Elle est analysée ici comme une
relation d'ordre lexicographique; il en résulte, sur le plan économique, que
tout calcul micro-économique africain est déterminé préalablement par
la pression communautaire.
Communauté, individu, ménage ; quelle unité économique significative?
Les anthropologues (Balandier, Turnbull, Paulme...) ont largement
insisté sur le fait que la communauté villageoise est la première entité
politique dans l'Afrique sub-saharienne. Cette structure a non seulement
1. La communauté a fait l'objet de multiples définitions et controverses depuis Tônnies
jusqu'à Lévi-Strauss. De nombreux concepts connexes ont été forgés : le groupe d'intérêts
corporate group (Fortes, 1945), le réseau social (network) (Mitchell, 1969), la « société commun
autaire » (Berthoud, Sabelli, 1976), etc. Dans cet essai, la communauté procède d'une concep
tion idéale typique ; elle est définie de façon récurrente, par l'objet de notre travail : les droits
et les obligations. Elle désigne plutôt l'environnement communautaire d&#

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