Prospective et industrialisation socialiste du Vietnam - article ; n°47 ; vol.12, pg 657-669

Léon Lavallée

Description

Tiers-Monde - Année 1971 - Volume 12 - Numéro 47 - Pages 657-669
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: TIERS-MONDE
• Publié le: 01 janvier 1971
• Nombre de lectures: 21
• Langue: Français
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Extrait

Léon Lavallée
Prospective et industrialisation socialiste du Vietnam
In: Tiers-Monde. 1971, tome 12 n°47. pp. 657-669.
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Lavallée Léon. Prospective et industrialisation socialiste du Vietnam. In: Tiers-Monde. 1971, tome 12 n°47. pp. 657-669.
doi : 10.3406/tiers.1971.1811
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1971_num_12_47_1811PROSPECTIVE
ET INDUSTRIALISATION SOCIALISTE
DU VIETNAM «
par Léon Lavallée*
Le Vietnam est en guerre depuis des années; cette situation se prête mal
à la prospective, mais en même temps elle a obligé les responsables de l'éc
onomie du pays à s'interroger sur l'avenir possible. Sa moitié nord, la Répub
lique démocratique du Vietnam, est un pays socialiste qui, à ce titre, fait
partie du système socialiste mondial et dont le développement économique
avait été tracé dès i960 par le IIIe Congrès du Parti des Travailleurs du Vietnam.
Depuis la fin de 1968, la République démocratique du Vietnam n'est plus
soumise aux bombardements massifs américains, mais elle reste constamment
menacée par des agressions particulières et la reprise des hostilités sur une
échelle peut-être encore plus vaste que précédemment. Qui plus est, « le
Nord est le grand arrière du Sud », avec toutes les implications économiques
et sociales, entre autres, que cela comporte.
Et pourtant, dès l'année 1968 où a débuté cette « drôle de paix », il a fallu
non seulement relever les ruines, mais reprendre l'édification économique
en tenant compte non seulement de l'expérience passée, mais aussi de l'évo
lution scientifique, technique et économique mondiale pendant les quatre
années de bombardements, par conséquent, réévaluer les projets antérieurs,
revoir certaines orientations. Tout cela doit encore être fait dans le cadre
d'une économie de guerre, sans cesse adaptée aux changements de formes du
conflit. Enfin, ne pouvant pas rester sans développer l'économie du Nord,
même sous la forme de l'économie de guerre, on ne peut poser les problèmes
de ce développement qu'en partant d'une estimation de l'avenir du pays.
Quel avenir ?
* Ingénieur des Arts et Métiers.
(1) Pour la connaissance générale du sujet, on pourra se reporter au numéro spécial
de la revue Tiers Monde, t. XI, n08 42-43, avr.-sept. 1970, « Le Vietnam entre la guerre et la
paix », et pour le problème particulier que nous étudions, à l'ouvrage de Vo Nhan Tri,
Croissance économique de la République démocratique du Vietnam, Hanoi, Editions en langues
étrangères, 1967.
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I. — Prospective « an 2000 » et possibilités pour le Vietnam
A notre avis (1), de l'évolution probable du monde au cours de cette fin
de siècle, on peut retenir pour ce qui intéresse le Vietnam, les lignes de force
suivantes (2) :
a) L'U.R.S.S. et la République populaire de Chine surclasseront en puis
sance scientifique, économique et militaire, les U.S.A. Le Japon ne nous paraît
pas à même de renverser cette tendance historique. L'impérialisme américain
verra, au moins, le Sud-Est asiatique sortir de sa sphère de domination. La
péninsule indochinoise deviendra libre de l'intervention militaire U.S.
h) La non-immixtion de l'impérialisme américain (et de tout autre), dans
cette partie du monde, aura pour effet de permettre la réunification pacifique
du Vietnam, selon des modalités décidées par les Vietnamiens. On aboutira
donc à un Vietnam.
c) La puissance scientifique et économique des pays socialistes, de l'U.R.S.S.
et de la Chine en premier lieu, sera telle qu'elle permettra — elle permet déjà —
d'envisager pour les problèmes de la croissance accélérée du Vietnam des
solutions sensiblement améliorées par rapport à ce qui a pu être fait jusqu'à
présent (notamment jusqu'en 1965).
d) La révolution scientifique et technique qui débute autorisera sans
doute des moyens techniques permettant une croissance beaucoup plus
rapide, à accumulation égale, que les moyens « conventionnels » actuellement
utilisés. Sous réserve de la formation, qui a déjà débuté, de cadres scientifiques
et techniques vietnamiens en nombre suffisant, des éléments de la révolution
scientifique et technique pourront être transférés au Vietnam et insérés dans
ses forces productives.
De ces seuls éléments d'une prospective (3) de l'an 2000, nous croyons
pouvoir déduire un cadre pour le développement économique actuel (c'est-à-
dire à partir de 1968) du Vietnam, malgré l'économie de guerre, mais aussi en
utilisant certains de ses éléments relativement positifs.
D'abord, la prévision d'un Vietnam uni montre pour celui-ci de très
grandes possibilités. D'une superficie légèrement inférieure à celle du Japon
(1) Notre ouvrage, Pour une conception marxiste de la prospective, section VI, « Prospective
et communisme », Paris, Editions sociales, 1970.
(2) N.D.L.R. : En constatant combien peuvent être différents les pronostics de référence
selon les auteurs (cf. l'étude de Buu Hoan, publiée dans ce même numéro, p. 633), on
comprend les difficultés de la prospective.
(3) Nous entendons par prospective la somme des prévisions particulières : prévision
technologique, prévision économique, prévision sociale stricto sensu (rapports sociaux,
démographie, etc.), prévision politique, militaire, prévision de la culture, etc.,
et l'utilisation de ces connaissances pour l'action sur le présent (rétroaction informationnelle).
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(329 000 km2 contre 369 000 km2), sa population est de l'ordre de celle de ce
pays à la fin du xixe siècle (1). Sa situation géographique est favorable, notam
ment du point de vue maritime.
Donc, quand on envisage le développement du Nord- Vietnam, on ne
se heurte à aucune limite prévisible : cette moitié (158750 km2) du pays
est déjà la plus industrialisée, la plus peuplée; le Sud bénéficie de conditions
naturelles plus favorables pour l'agriculture que le Nord, mais leurs product
ions agricoles sont du même ordre et nécessaires à une population croissante.
Dès lors, on doit développer le Nord en le préparant à jouer aussi du point de vue
économique, le rôle de grand arrière du Sud, sans craindre que la réunification du
pays confronte des industries concurrentes, ni que leur somme puisse être
supérieure aux besoins de l'ensemble (2). Quant à l'agriculture, même si sa
production laissait des excédents, ils seraient très utiles pour des exportations
devant équilibrer de lourdes importations de biens d'équipement durant de
longues années. De plus on peut estimer que, vers 1990, la population totale
sera de cinquante ou soixante millions d'habitants, d'où une consommation
bien supérieure à celle d'aujourd'hui, sans évoquer les modifications qualita
tives qui naîtront de l'industrialisation.
Le Nord doit donc développer au maximum industrie, agriculture,
recherche scientifique, formation des cadres et des travailleurs qualifiés, etc.,
en fonction de l'unité future, mais à partir de ses moyens propres et compte tenu
d'une défense nationale très lourde (non seulement financièrement, mais en
hommes). Comme l'expérience des années i960- 1964 le montre, il ne peut le
faire sans une accumulation intérieure élevée et une aide économique et
technique des autres pays socialistes de longue durée (sans parler de l'aide
militaire). Par conséquent, tout en ayant en vue l'unité future, nous allons
tenter d'établir des calculs préliminaires à partir du Nord seul, de son expé
rience d'avant-guerre et de celle de certains pays socialistes. On considérera,
en première approximation, que pour l'ensemble du pays les résultats de ces
(1) Cette référence au Japon nous est suggérée par divers articles vietnamiens. Par
exemple, Le Duan, premier secrétaire du Comité Central du Parti des Travailleurs du Viet
nam, écrivait en 1962 : « D'après un document que j'ai lu sur le Japon, il lui a fallu une
cinquantaine d'années pour s'industrial