Qu est-ce que la technocratie ? - article ; n°4 ; vol.11, pg 497-526
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Qu'est-ce que la technocratie ? - article ; n°4 ; vol.11, pg 497-526

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Description

Revue économique - Année 1960 - Volume 11 - Numéro 4 - Pages 497-526
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1960
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Jean Meynaud
Qu'est-ce que la technocratie ?
In: Revue économique. Volume 11, n°4, 1960. pp. 497-526.
Citer ce document / Cite this document :
Meynaud Jean. Qu'est-ce que la technocratie ?. In: Revue économique. Volume 11, n°4, 1960. pp. 497-526.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1960_num_11_4_407420QU'EST-CE QUE LA TECHNOCRATIE ?
Au cours des derniers mois, les références à la technocratie sont
devenues de plus en plus nombreuses. L'emploi de cette notion pour expli
quer la situation présente, a pris valeur de rite : on l'observe aussi bien
dans les dissertations d'ambition scientifique que dans les polémiques d'in
tention partisane. D'aucuns en tirent la conclusion que l'on vient de
dégager, pour la première fois, une variable significative de la vie sociale
moderne. C'est naturellement une erreur : même en se limitant, pour simp
lifier, à cet après-guerre, il est facile d'établir que l'utilisation actuelle
correspond à une relance et non à une découverte.
Une première vague d'attention fut suscitée, peu après la Libération,
par les thèses de Burnham : elle s'affirma assez puissante pour inciter Léon
Blum lui-même à honorer d'une préface, d'ailleurs critique, L'ère des orga
nisateurs (ouvrage publié en 1947). Cependant, l'expansion de ces idées
devait être, très rapidement, compromise par les objections sévères des
sociologues (présentées, pour l'essentiel, dans Industrialisation et technoc
ratie qui remonte à 1949). Les reproches adressés à Burnham portent
davantage sur la médiocrité de l'analyse que sur la réalité du phénomène
considéré : ainsi, G. Gurvitch, qui a joué un rôle très actif dans l'instruc
tion de ce procès, n'en fait pas moins une large place aux techno-bureauc
rates dans sa typologie des sociétés globales.
Plusieurs facteurs ont contribué à ranimer l'intérêt pour la technocratie
durant les années récentes. D'abord, l'affaissement de la volonté des autor
s' dans tous les domaines, d'une montée de ités politiques, accompagnant,
la haute administration (1). En second lieu, une transformation dans la
mentalité des grands dirigeants industriels : vision dynamique de l'inves
tissement, souci de productivité, appel aux sciences sociales pour la solu
tion des problèmes humains dans l'entreprise... (2). D'où, en plusieurs
1. Sur ce point, nous prenons la liberté de renvoyer à notre étude
« Les techniciens et le pouvoir », Revue française de science politique, jan
vier-mars 1957, pp. 5-37.
2. Cette évolution a été particulièrement bien notée par Nora Mitrani.
Voir ses études publiées dans les Cahiers internationaux de sociologie :
« Réflexions sur l'opération technique, les techniciens et les technocrates »
(vol. XIX, 1955) et « Attitudes et symboles techno-bureaucratiques : ré
flexions sur une enquête » (vol. XXIV, 1958) .
Revue Economique — N° 4, 1960 33 498 REVUE ÉCONOMIQUE
milieux, la tentation d'établir un parallèle entre l'ampleur des réalisations
économico-sociales et la médiocrité du travail parlementaire (3). Le chan
gement de régime ne pouvait manquer de polariser l'attention sur les
techniciens auxquels d'emblée une large place était réservée dans les con
seils suprêmes du gouvernement. Assistons-nous à la création d'un nouveau
mythe (éventuellement capable de supplanter celui du « rond de cuir ») ?
L'audience dont bénéficie actuellement la notion de technocratie a des
justifications solides. Même si on en abuse, elle correspond à des faits
observables. En dépit d'interprétations résolument optimistes, c'est un phé
nomène dont plusieurs conséquences semblent redoutables. Mais un trait
frappe la discussion de stérilité : les controverses, extrêmement étendues,
sur le contenu et le sens de cette catégorie. L'incertitude est générale : dans
les réunions scientifiques, par exemple, on a le sentiment qu'il existe autant
de conceptions de la technocratie que de participants.
L'objectif de cette étude n'est pas d'en présenter une nouvelle défi
nition : encore qu'assez simple à exécuter, un tel dessein ne ferait qu'ajout
er à la confusion. On se bornera à recenser et à apprécier les principaux
courants (dont la clarté d'expression n'est pas toujours la note dominante).
Il s'agit de savoir ce que les uns et les autres entendent par technocratie.
Par souci de simplification, on envisagera successivement le problème à deux
niveaux : l'appareil gouvernemental et la direction des entreprises. Il res
tera dès lors à poser en conclusion le problème des liaisons intervenant
entre ces secteurs.
Dans un précédent ouvrage, nous avons adopté comme point de départ
une notion volontairement simple de la technocratie : l'octroi à la commun
auté technicienne d'un certain empire dans la conduite des affaires
publiques (4). Avantage de cette position : accorder une grande liberté de
3. Il ne s'agit certes pas d'une observation neuve. Litteé écrivait déjà :
« Tout est actif et puissant en France, le travail, la production, le savoir :
il n'est aucune force sociale qui ne fasse son office. Mais la politique, direc
trice supérieure de la conduite et de la destinée des nations, ne fait pas
le sien» (cité par René Giulotjin, Aristarchie ou recherche d'un gouverne
ment, Genève, 1946, p. 241).
4. Technocratie et politique, Lausanne, 1960. L'ouvrage comporte d'abon
dantes notes bibliographiques. A quelques exceptions près, nous mentionne
rons seulement dans cette étude les travaux postérieurs à la publication de
ce livre (ainsi que ceux, en petit nombre, dont nous n'avions pas eu connais
sance au cours de la recherche initiale). LA TECHNOCRATIE 499
manœuvre dans la recherche des situations comportant dessaisissement de
l'homme politique au profit du technicien. Mais cette fluidité interdit de
caractériser, d'un seul coup, l'ensemble du phénomène. Or il existe dès
maintenant plusieurs propositions d'identification globale : certaines ne con
cernent pas directement la politique économique mais, dans l'ensemble, au
besoin avec quelques ajustements mineurs, la plupart sont directement
applicables à ce secteur de l'action gouvernementale.
1. Appartenance à des catégories socio-professionnelles.
La démarche revient à attribuer la qualité de technocrate aux membres
de certaines professions. On aboutit ainsi à des listes qui varient selon
leurs auteurs, mais qui comprennent presque toujours les grands corps de
l'Etat et notamment l'Inspection des Finances. On y ajoute volontiers les
anciens élèves de diverses Ecoles (Polytechnique, la « Rue Saint-Guil
laume », et, depuis peu, l'Ecole nationale d'Administration). Il en résulte
certes un procédé commode de repérage, mais la méthode comporte de
graves inconvénients.
En premier lieu, elle attribue systématiquement à un ensemble les par
ticularités de quelques-uns de ses membres : tactique plus favorable à la
propagation de mythes qu'à l'examen objectif. Il existe, tout de même, des
inspecteurs des finances qui se limitent à des tâches de surveillance compt
able et des polytechniciens qui se bornent à concevoir des fabrications.
Plausible dans certains cas, l'assimilation à la technocratie devient fran
chement contestable lorsqu'elle vise des corps dont la majorité des parti
cipants ne sont guère en mesure ou n'ont pas du tout le désir de peser
sur les autorités politiques : ainsi, par exemple, les diplomates dont l'action
propre dans la conduite des affaires extérieures se voit réduite de jour
en jour, ou encore les préfets qui, à quelques exceptions près, se révèlent
les exécutants dociles (sinon toujours heureux...) des ministres en place (5).
En second lieu, cette attitude est généralement d'esprit partisan : elle
permet à chacun de choisir « ses » technocrates en fonction d'idéologies
préconçues. Ainsi accusera-t-on de tendances technocratiques les inspecteurs
des Finances qui, à la Direction du Budget, s'efforcent (pas toujours à bon
escient d'ailleurs), de limiter la montée des dépenses, mais épargnera-t-on
de la m

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