Quelques réflexions sur l utopie économique - article ; n°8 ; vol.2, pg 455-478
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Quelques réflexions sur l'utopie économique - article ; n°8 ; vol.2, pg 455-478

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Description

Tiers-Monde - Année 1961 - Volume 2 - Numéro 8 - Pages 455-478
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

V. K. R. V. Rao
Quelques réflexions sur l'utopie économique
In: Tiers-Monde. 1961, tome 2 n°8. pp. 455-478.
Citer ce document / Cite this document :
Rao V. K. R. V. Quelques réflexions sur l'utopie économique. In: Tiers-Monde. 1961, tome 2 n°8. pp. 455-478.
doi : 10.3406/tiers.1961.1302
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1961_num_2_8_1302QUELQUES RÉFLEXIONS
SUR L'UTOPIE ÉCONOMIQUE
par V. K. R. V. Rao (i)
Le mot utopie est d'origine relativement récente et décrit ce qui
pourrait être appelé une société idéale ou optimale bien qu'on ne sache
pas clairement s'il faut s'attendre à ce que cette société soit effectivement
réalisée à une date ultérieure ou si elle n'est qu'un but à la réalisation
duquel l'on doit sans cesse aspirer sans savoir jamais si elle deviendra
une réalité. La différence entre le Paradis et l'utopie est que Ton ne peut
atteindre le Paradis qu'après la mort, tandis que l'on espère atteindre
l'utopie quand on est encore vivant. Normalement quand on parle d'une
utopie, on parle d'une société où des changements tellement profonds
auraient eu lieu dans l'organisation humaine, les relations humaines et
la nature humaine, que l'homme aurait atteint la perfection : l'amour
serait alors universel et la paix perpétuelle.
Les économistes, néanmoins, ne parlent normalement pas des utopies.
Réalistes dès leurs débuts, ils ont été préoccupés constamment de
problèmes de choix sur un fond de rareté. Beaucoup d'entre eux ne
prenaient pas position quant aux méthodes de production employées
pour augmenter au maximum le rendement. La demande se distinguait
de la demande effective, la Morale de l'Économie, et l'économiste ne se
préoccupait que de cette demande effective et de cette Économie.
Récemment, des essais ont été faits pour lier la richesse et le bien-être
et l'arbre classique s'est enrichi d'une nouvelle branche : l'économie du
bien-être. En même temps, quelques économistes ont quitté le chemin
classique, n'acceptant pas la neutralité entre les besoins et entre les
méthodes de production et ont exigé une réorientation réfléchie et
planifiée de l'effort économique dans le dessein d'établir ce qu'ils reven
diquent comme un ordre économique juste et socialement orienté.
D'autres, partant du même point, ne veulent pas accepter la neutralité
en économie politique, et affirmant leur refus du statu quo, trouvent dans
les processus de l'histoire économique quelques lois universelles de
(i) Directeur de l'Institut de Développement Economique (Université de Delhi).
455 V. К. R. V. RAO
développement économique, acceptent l'interprétation matérialiste de
l'histoire, et voient dans le processus dialectique la technique naturelle de
changement et de croissance : ils proclament que la naissance d'une
société socialiste est le résultat inéluctable du processus historique, bien
qu'elle doive être aidée par la prise de pouvoir de la classe ouvrière grâce
à une révolution au moment opportun, l'établissement d'une dictature
prolétarienne, et l'utilisation de cette dictature pour la réorganisation
des moyens de production et la création des conditions qui aboutiront
à une société sans classes. Ainsi, de cette souche classique originelle de
l'économie capitaliste sont sortis trois rameaux principaux, à savoir :
un capitalisme populaire, État de bien-être fondé sur l'entreprise privée,
une démocratie sociale, État de sur un mélange d'entre
prise privée et publique, une démocratie populaire ou État socialiste
fondé sur la dictature du prolétariat, et la propriété sociale de tous les
moyens de production. Le premier et le troisième mettent tous deux
l'accent sur la production et sur les codes sociaux du comportement
économique. Tous les trois ne sont possibles que sur un fond d'économie
développée. -
II n'est pas dans mes intentions de peser le pour et le contre de ces
trois écoles de pensée économique qui ont suivi les débuts de la pensée
économique classique. Je ne suis même pas certain qu'il serait correct de
les décrire comme des genres différents d'utopie économique bien qu'il
y ait sans aucun doute un élément dans le tableau qu'elles
peignent de la société finale. Ce qui m'intéresse ici c'est l'utopie écono
mique proprement dite, c'est-à-dire ce qui arrive dans une société lorsque
ce que nous appelons le problème économique s'y trouve à peu près
résolu. En d'autres termes, dans une économie développée ou mûre,
qu'arrive-t-il aux problèmes de l'économie politique et quel est le rôle
de l'économiste dans une telle société ? Voilà un problème commun à
toutes les sociétés qui auront atteint un stade avancé de croissance
économique, indépendamment du fait que l'ordre social repose sur
l'entreprise privée, sur l'économie mixte ou sur l'entreprise socialiste.
Et c'est vers ce problème qu'en tant qu'économiste venant d'une éco
nomie sous-développée, j'aimerais me tourner.
Il peut paraître quelque peu surprenant qu'un économiste d'un pays
sous-développé, qui, partant, devrait se préoccuper des problèmes de
développement économique et s'inquiéter des moyens de les résoudre,
s'intéresse aux problèmes de la maturité économique et se préoccupe
456 QUELQUES RÉFLEXIONS SUR L'UTOPIE ÉCONOMIQUE
de ce qu'il faudrait faire quand le problème économique aura été la
rgement résolu. Ma seule excuse, ce faisant, est de répondre à la courtoisie
qu'ont montrée les économistes des pays développés en abordant les
problèmes des pays sous-développés. Je crois que j'ai le devoir de porter
mon attention sur les problèmes des économies développées et d'essayer
de trouver une réponse à la question qui se posera à ces pays quand ils
seront sur le point d'atteindre la solution de leurs problèmes économiques.
Je commencerai par un bref examen des exposés qui ont été faits
sur ce sujet par quelques économistes occidentaux. Je débuterai par
Alfred Marshall, le père de la pensée économique classique moderne,
je continuerai par J. M. Keynes qui, par sa critique de l'économie poli
tique classique, lui a donné un renouveau de vigueur, puis par deux
économistes américains modernes dont les œuvres récentes ont laissé
une profonde empreinte sur la pensée occidentale contemporaine, John
Galbraith et Walt W. Rostow. Puis je m'étendrai un peu sur ce qu'avait
à dire Karl Marx à ce sujet et les tentatives auxquelles on assiste dans la
société soviétique pour trouver une réponse éventuelle à cette question.
Finalement, je tenterai d'apporter ma propre réponse.
Alfred Marshall a parlé en 1873 de U avenir de la classe ouvrière. Il se
préoccupait beaucoup de la présence dans la classe ouvrière d'un grand
nombre d'ouvriers non spécialisés dont les salaires étaient bas, les condi
tions de travail dures et mornes, et pauvres l'équipement culturel et l'édu
cation scolaire. Dans une telle société, le travail était pour le plus grand
nombre, la jouissance pour quelques-uns seulement, et il semblait presque
que ce fût une loi de nature. Marshall se révolte contre cette idée. Il dit :
« Nos pensées sont depuis notre jeunesse dominées par une croyance
païenne assez semblable à la vieille opinion (relative à l'esclavage),
que c'est une loi de Nature que des multitudes d'hommes ont à fournir
un harassant labeur qui peut donner aux autres le raffinement et le luxe,
mais qui ne procure à eux-mêmes qu'une faible opportunité de déve
loppement mental. Est-ce que le monde ne pourra pas dépasser cette
croyance comme il a dépassé l'autre ? Il le pourra et il le fera (1). »
II poursuit en esquissant une société (quoiqu'il ne l'appelle pas une
utopie), « où de telles conditions seraient exclues, qui ne contiendrait
en elle aucun germe

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