Question nationale et transnationalisation aujourd hui - article ; n°1 ; vol.66, pg 201-224
25 pages
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Description

Revue des études slaves - Année 1994 - Volume 66 - Numéro 1 - Pages 201-224
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Madame Wanda Dressler
Question nationale et transnationalisation aujourd'hui
In: Revue des études slaves, Tome 66, fascicule 1, 1994. pp. 201-224.
Citer ce document / Cite this document :
Dressler Wanda. Question nationale et transnationalisation aujourd'hui. In: Revue des études slaves, Tome 66, fascicule 1,
1994. pp. 201-224.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1994_num_66_1_6176NATIONALE QUESTION
ET TRANSNATIONALISATION AUJOURD'HUI
PAR
WANDA DRESSLER HOLOHAN
Le principe nationaliste est redevable de
sa force de fascination à la fusion sentimentale
qu'il entretient entre autonomie culturelle et
souveraineté politique. (J.-M. Ferry)
Cet article situe le phénomène national actuel par rapport à une certaine
périodisation de l'histoire dont la phase actuelle pourrait être qualifiée d'interna
tionalisation et de transnationalisation du modèle national. L'internationalisation
du modèle national réfère à sa diffusion mondiale actuelle, sa transnationalisa
tion à la tentative simultanée du dépassement de ce modèle dans une nouvelle
transcendance supranationale aux contours idéologico-politiques encore mal
définis.
Il se divise en deux parties :
— l'idée de nation comme idée politique moderne incarnée dans deux
types idéaux ;
— la transnationalisation de l'idée nationale par l'internationalisation du
modèle national et ses conséquences actuelles dans les deux Europes.
I
L'IDÉE DE NATION COMME IDÉE POLITIQUE MODERNE
L'idée de nation est une idée politique moderne, une construction politico-
sociale qui s'est actualisée historiquement dans des cadres empiriques à l'inté
rieur desquels les États-nations se sont érigés. La nation constitue un lien sym
bolique privilégié dans la société moderne.
Une des questions que nous nous poserons est tout d'abord, comment ce
lien s'est constitué, comment il a fonctionné et avec quelles modifications
contemporaines il se réactualise.
Beaucoup de désaccords se sont manifestés sur l'analyse des manifest
ations de la nation. Certains historiens comme Marc Bloch décèlent un
sentiment national dès le Moyen Âge en France, d'autres théoriciens comme
Rev. Etud. slaves, Paris, LXVI/1, 1994, p. 201-224. 202 W. DRESSLER HOLOHAN
E. Renan croient à l'existence d'une nation « véritable » seulement à partir du
XVIIIe siècle. La plupart s'accordent pour discerner trois étapes fondamentales
dans le développement de la nation :
— Apparition de l'idée de nation,
— Diffusion du sentiment national,
— Organisation de la nation.
1.1. L'apparition du mot « nation » et sa théorisation en France.
La notion de « nation » apparaît au Moyen Âge pour désigner un groupe
d'hommes ayant une origine ethnique commune. Il désigne une échelle d'all
égeance, un sentiment d'appartenance communautaire plus ou moins largement
défini : on l'emploie aussi bien pour désigner les communautés d'étudiants
regroupées en « nations » de même origine ethnique que pour désigner la chré
tienté. D'autres mots auparavant désignent des ensembles communautaires :
Dans l'Antiquité, le mot patria désignait la ville natale, une collectivité ter
ritoriale définie par rapport à l'extérieur.
Le mot « ethnie » désigne, quant à lui, un ensemble non structuré politique
ment, défini par des traits essentialisés comme la langue, les traditions cultu
relles, les institutions communes. Des ethnies plus fortes se sont donné des
structures étatiques englobantes, une idéologie d'État propre : c'est le cas
d'États ethnico-nationaux ou de communautés religieuses qui ont acquis un
caractère universaliste en englobant plusieurs ethnies et ce, concurremment aux
idéologies ethnico-nationales. Les Empires ne se sont pas constitués autrement :
leur dislocation a donné lieu à de multiples États territoriaux ethnico-nationaux,
à des fractions d'ethnies, à des États pluriethniques : empires romain, ottoman,
des Habsbourg, soviétique... L'empire des Habsbourg a dominé des ensembles
territoriaux immenses sans les unifier et sans créer de nations. Celles-ci se sont
alors créées d'elles-mêmes par mimétisme avec les nations de l'Europe de
l'Ouest. Nous verrons comment.
En Europe occidentale, les monarchies puissantes appuyées sur des bour
geoisies influentes et dynamiques ont créé des États-nations dont l'unité interne
a facilité l'intégration économique.
L'idée de nation dont les membres ont le royaume de France pour patrie
commune est formulée d'abord par les milieux intellectuels. Le sentiment natio
nal émerge lentement dans un royaume traversé par une ligne de démarcation
linguistique. Au XVIIe siècle, le mot « nation » désigne, en France, l'ensemble
des habitants d'un même État monarchique vivant sous les mêmes lois et la
même langue. La définition et la formation d'un État national n'intervient vra
iment qu'au XIXe siècle sous l'impact de la Révolution française. Auparavant, il
ne s'agit que d'une lente maturation et diffusion de l'idée qui cherche son actua
lisation, sous diverses formes en divers lieux.
Disraeli tente une première définition rationnelle à propos des nations les
plus anciennes d'Europe. Il fait état d'une création graduelle, sous diverses
influences du sol, du climat, des lois. Il insiste beaucoup sur les guerres qui ont
opposé les nations les unes aux autres et ont forgé ainsi leur conscience com
mune.
Après la rupture idéologique et politique qu'introduit la Révolution fran
çaise sur laquelle nous reviendrons, il faut attendre la fin du XIXe siècle, pour QUESTION NATIONALE ET TRANSNATIONALISATION 203
que l'idée de nation soit théorisée à nouveau sous l'influence de la question du
rattachement de l'Alsace-Lorraine à l'Allemagne : E. Renan remet en lumière
divers éléments de cohésion de la nation comme la race, la langue, la géograp
hie, l'économie, un principe spirituel. Il en fait l'aboutissement d'un long passé
d'efforts, de sacrifices, de gloire et de volonté commune et de dévouement (1).
Il s'oppose à Fichte qui propose, près d'un siècle plus tôt, le modèle de
l'adhésion volontaire des individus, du plébiscite permanent, modèle actif de
mobilisation permanente du citoyen par le principe transcendant qu'est la
nation, une nation qu'il faut ancrer dans les institutions comme fondement de la
légitimité du politique. Il met en avant le concept étatisé de la nation française
par lequel l'Etat précède la nation comme primat du politico-juridique sur le
social : sans adhésion volontaire, dissociée de la citoyenneté et de la nationalité,
cette conception participe de l'oubli de la nation. Le peuple, la race, la langue au
fondement de la nation de Renan nourrissent la conception politique de la nation
à l'origine de la théorie individualiste égalitaire. Renan évolue vers le modèle de
l'adhésion volontaire par la suite, en développant le principe des nationalités et
en s'opposant à Gobineau et aux penseurs allemands sur le problème de la race
(2). Déjà ces deux approches subtiles dans leurs différences nous montrent
combien les deux idées de nation sont souvent schématisées et intégrées dans un
mode de pensée binaire qui a facilité la création de stéréotypes et aiguisé les
rapports des nations ainsi fixées dans des schèmes rigidifiés pour des besoins
stratégiques, alors qu'elles se sont nourries l'une l'autre à partir d'expériences
différentes.
Selon cette conception, la nation ne peut plus exister sans principe dyna
mique. L'influence du pouvoir monarchique précisément comme
mique a été décisive dans le cas français : le roi a vu combien l'unité nationale
contribuait à asseoir son autorité. Ni l'Italie, ni l'Allemagne, ni l'Espagne n'ont
eu cette assise pour former leur nation.
Le pouvoir royal a du d'abord acquérir lui-même un caractère national et
sortir de la monarchie féodale dont la cohésion ne résultait que de liens de fidé
lité personnels. Il lui

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