Recherches sur la syntaxe en milieu sous-prolétaire - article ; n°1 ; vol.19, pg 23-63
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Description

Langage et société - Année 1982 - Volume 19 - Numéro 1 - Pages 23-63
41 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Marie-Agnès Auvigne
Michèle Monte
Recherches sur la syntaxe en milieu sous-prolétaire
In: Langage et société, n°19, 1982. pp. 23-63.
Citer ce document / Cite this document :
Auvigne Marie-Agnès, Monte Michèle. Recherches sur la syntaxe en milieu sous-prolétaire. In: Langage et société, n°19, 1982.
pp. 23-63.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1982_num_19_1_1873RECHERCHES SUR LA SYNTAXE EN MILIEU
SOUS-PROLETAIRE
Marie-Agnès AUVIGNE
Michèle MONTE
INTRODUCTION
"C'est par son silence qu'un peuple dépossédé provoque au combat",
écrit A. de Vos Van Steen Wijk dans La provocation sous-prolétarienne.
Silence de deux millions et demi de Français, 5 % de notre popula
tion ; silence de sous-prolétaires exclus, le plus souvent inconsciemment,
de toute participation à la vie sociale de notre pays, condamnés à vivre
aux confins d'une société qui les ignore ; silence de ces familles qui
n'ont droit qu'aux emplois précaires, pénibles, mal payés, dangereux et
déconsidérés, aux logements dégradés qui sont autant de ghettos ; silence,
sentiment d'impuissance quand la santé est toujours chancelante, menacée
par les accidents du travail, la mauvaise alimentation, la fatigue de la
lutte quotidienne pour la survie.
Silence parce qu'il est trop difficile de parler, et que l'on est
jugé sur son langage qui, loin d'ouvrir les portes, devient alors lui-
même facteur d'exclusion. Et le cercle vicieux se resserre.
Notre projet de travail est né du désir de briser ce cercle. En
ceci, il essaie de contribuer à l'effort de connaissance du sous-prolé
tariat entrepris depuis vingt ans par le mouvement ATD - Quart Monde .
En effet, seule une description aussi rigoureuse que possible des pro
ductions orales du sous-prolétarait peut permettre de dépasser les af
firmations trop générales, et stériles, de "langage pauvre". C'est
pourquoi nous avons cherché à appliquer à la description d'un corpus
Note : Ce travail a été entrepris, à l'origine, sous la forme d'un
D.E.A. de linguistique, à Paris X - Nanterre, sous la direc
tion d'Hélène HUOT.
Il a été suivi, par l'Institut de Recherches d'ATD - QUART
MONDE, avenue du Général Leclerc, 95480, Pierrelaye. - - 24
.précis des modèles d'analyse linguistique moderne, ceux de la grammaire
generative transformationnelle en l'occurrence. D'un point de vue techni
que, il était d'ailleurs extrêmement intéressant de voir quelle pouvait
être l'utilité de ce modèle pour rendre compte des difficultés d'expres
sion d'un locuteur français (difficultés syntaxiques, car nous avons
laissé de côté la phonétique et le lexique) .
Notre informatrice est une jeune femme de 25 ans. Ses parents
sont français, de la région de Pontoise. Son père, sans qualification
professionnelle, changeait très souvent de travail ("36 métiers, 36 mi
sères" dit-il), surveillant, gardien dans un CET, homme de peine ici et
là, etc.. Sa mère ne semble pas avoir exercé d'activité professionnelle
salariée. Ils ont toujours vécu près de Pontoise, tout d'abord dans une
baraque sans eau ni chauffage, puis dans différentes HLM. Ils sont actuel
lement séparés.
Née en 1955 à Pointoise, YL n'est restée que quelques années avec
ses parents pour être ensuite élevée par sa grand-mère qui vivait dans
une grotte à Auvers. Il est assez fifficile d'établir une chronologie de
sa vie, mais, à travers ses récits, nous apprenons qu'étant l'aînée, elle
s'est vue confier très tôt la charge de la maison. Cette situation rendait
difficile sa scolarité : elle arrivait une demi-heure en retard à l'école,
tans avoir fait ses devoirs, déjà fatiguée par plusieurs heures de tra
vail ménager (chercher le bois et l'eau, habiller les frères et soeurs,
faire les courses...). Elle a été placée dans différentes institutions
où elle subissait les brimades des autres pensionnaires. Elle a pourtant
passé de nombreuses années à l'école puisqu'elle est parvenue jusqu'en
deuxième année de CAP, mais elle attribue ses difficultés de langage au
manque d'affection qui a marqué son enfance, aux problèmes psychologiques
que les placements successifs n'ont pu qu'aggraver : se sentant mal-aimée,
elle s'est coupée du monde. Elle raconte que, vers 6 ans, les médecins
disaient d'elle : "De toutes façons - elle est bloquée - elle parle p'us -
elle veut p'us parler", et elle ajoute : "Et ma mère quand elle venait -
è leur disait que je parlais pas - et eux i' nous avaient dit - de toutes
façons elle est bloquée quelque chose - •••". Vers 14 ans : "J'osais pas
parler - - - la deuxième pension- je voulais plus - je voulais pas par- - - 25
- j'étais bloquée et d'un seul coup je me suis mise à pleurer...". 1er
Elle a donc suivi une formation de CAP de couture, mais sa mère
l'a retirée du CET l'année où elle devait passer l'examen. Elle se met
alors au travail dans les cuisines d'une usine où elle rencontre son
futur mari ; elle l'épouse 3 ans plus tard environ, à l'âge de vingt
ans. JP, son mari, a préparé le CAP de cuisinier, mais il a échoué à
une des épreuves. Il a travaillé comme mais, à l'heure actuel
le, il ne veut plus être "sous les ordres d'un patron". YL a cessé de
travailler à la naissance de son premier enfant, elle en a maintenant
trois, âgés de 5, 3 et 1 an, avec un avortement entre l'aîné et la se
conde.
YL est donc une jeune femme représentative de son milieu (enfance
instable, placements loin de la famille, conditions d'habitation très
rudimentaires , études entravées dès l'enfance, puis interrompues avant
le diplôme, mariage précoce, maternités rapprochées). Quant à ses dif
ficultés d'expression, dans la mesure où elles tiennent pour une bonne
part à ces problèmes matériels et affectifs, elles sont sans doute aussi
caractéristiques de toute une population qui ressent très fortement l'im
pression d'être dépossédée de son langage. Mais il va de soi que ce tra
vail a des limites étroites : il veut éveiller les lecteurs aux problèmes
d'expression du sous-prolétariat, mais ne prétend tirer aucune conclusion
générale de l'étude d'une seule personne. Notre but, outre l'intérêt de
confronter la GGT à un corpus précis, est d'une part de suggérer des pis
tes de travail à ceux qui voudraient étudier le langage oral, notamment
celui des plus défavorisés ; d'autre part, de faire connaître certains
Kote : Nous n'ignorons pas que d'autres catégories de la population
connaissent elles aussi de graves difficultés d'expression,
notamment les paysans de certaines régions (Bretagne, par
exemple) . Mais il existe à nos yeux une différence essentiell
e : aucun sentiment de honte ou d'exclusion ne marque le pay
sans breton : il parle, et son interlocuteur fera l'effort né
cessaire pour le comprendre. Le sous-prolétaire, par contre,
n'ose plus parler, car il se sent d'emblée jugé et rejeté par
son langage. - - 26
problèmes que pose au linguiste et à l'enseignant l'absence de maîtrise
de la langue orale:
- Quels peuvent être les critères d'évaluation ?
- A quelle norme se référer ? (Nous nommerons provisoirement
"erreur" les productions linguistiques qui s'écartent de la "norme"
établie par l'usage d'un locuteur francophone moyen, le locuteur idéal
de Chomsky, mais sans considérer comme anormaux certains faits propres
à l'oral : ratés, interruptions, répétitions ou redondances...).
- Comment établir si les lacunes se situent au niveau de la
conception de l'idée, ou à celui de son expression par manque d'ou
tils linguistiques ?
- Quelles conséquences en tirer sur le plan pédagogique ? - - 27
- NOTRE DEMARCHE I
1 - Conditions de travail
a - La situation de locution
Nous avons travaillé sur un corpus composé de compte-rendus
décryptés de séances de travail . En effet, YL était tr&#

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