Remarques sur la nature du salariat en Afrique noire - article ; n°110 ; vol.28, pg 315-332
19 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Remarques sur la nature du salariat en Afrique noire - article ; n°110 ; vol.28, pg 315-332

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
19 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Tiers-Monde - Année 1987 - Volume 28 - Numéro 110 - Pages 315-332
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Copans
Remarques sur la nature du salariat en Afrique noire
In: Tiers-Monde. 1987, tome 28 n°110. pp. 315-332.
Citer ce document / Cite this document :
Copans Jean. Remarques sur la nature du salariat en Afrique noire. In: Tiers-Monde. 1987, tome 28 n°110. pp. 315-332.
doi : 10.3406/tiers.1987.4555
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1987_num_28_110_4555REMARQUES
SUR LA NATURE DU SALARIAT
EN AFRIQUE NOIRE
par Jean Copans*
Poser la question du salariat en Afrique noire c'est se lancer invo
lontairement dans une série de « grandes questions » qui portent sur la
nature du développement historique du capitalisme (au centre et à la
périphérie), sur la logique propre à l'économie coloniale et sur le rôle
du non-capitalisme (ou précapitalisme pour certains) dans la repro
duction (ou même la « production ») de la force de travail. La complexité
des réponses possibles est accrue par la diversité extrême des situations
africaines, par leur faible profondeur historique et par la connaissance
très relative des mécanismes en question. Enfin la production d'un cadre
unitaire d'explication est contrariée par les traditions des disciplines
qui ont eu à se poser la question du salariat : l'économiste, l'historien,
le sociologue ou l'anthropologue ont du mal à trouver un langage
commun.
La démarche que nous allons suivre dans cet article se veut plus
modeste par rapport aux enjeux qui encombrent cette question. Etudier
les classes ouvrières africaines en tant qu'anthropologue c'est évidem
ment aborder le salariat. Mais c'est aussi immédiatement aborder le
non-salariat, à la fois comme système complémentaire, comme toile de
fond et même comme élément interne au salariat lui-même. La question
du salariat devient donc celle du rapport entre salariat et non-salariat,
à la fois dans le passé (genèse) et dans le présent (procès de prolétari
sation). Ce nouvel objet, qui ignore a priori l'autonomie du salariat,
détermine à son tour de nouvelles questions qui sont celles des formes
d'exploitation et des formes de rémunération de la force de travail,
c'est-à-dire celle des déterminations du coût de la force de travail.
* EHESS.
Revue Tiers Monde, t. XXVIII, n» 110, Avril-Juin 1987 3l6 JEAN CO PANS
A ce stade de l'interrogation, la force de travail elle-même se trouve
mise en question, non pas comme objet théorique mais comme réalité
historique : existe-t-il une libre force de travail, donc un marché du
travail qui permette de définir un salariat capitaliste ? En retournant
le raisonnement on s'aperçoit que la production conjointe d'un salariat
et d'un non-salariat apporte certes une réponse mais inattendue et problé
matique sous la forme d'un procès de prolétarisation.
C'est pourquoi nous procéderons en deux temps. Nous poserons
d'abord la question de la prolétarisation. Si la prolétarisation est un
processus et non une catégorie il en découle certaines conséquences
pour le salariat lui-même. Une fois définie la logique historique et anthro
pologique de la prolétarisation, il sera possible de revenir à notre point
de départ, à savoir les facteurs de détermination des coûts de la force
de travail et donc du « salaire ».
Mais cette démonstration à deux niveaux implique au départ une
attitude méthodologique qu'il nous paraît indispensable d'exposer un
peu plus en détail. Et d'abord pourquoi poser la question de la genèse
puisqu'il s'agit de comprendre des mécanismes contemporains ? Pour
quoi, et comment ?
Pourquoi ? Parce que nous sommes toujours dans le cas des sociétés
africaines dans une période de transition, d'articulation, de mutation
(à chacun de choisir son explication socio-économique). Le processus
de prolétarisation est toujours en marche, même s'il n'est jamais achevé
selon notre conception théorique (Copans, 198 1) : certaines formes
actuelles de ce processus ne sont qu'une reprise de formes historiqu
ement datées. Parce que, effectivement, il y a moins une succession de
formes de mises au travail qu'un chevauchement, un mélange dont il
faut repérer empiriquement les origines dans le temps et dans l'espace.
Par ailleurs cette diversité ne peut se réduire aux seuls éléments consti
tutifs de la prolétarisation (migration; alternatives entre diverses formes
d'emploi; liens entre subsistance et monétarisation). Enfin le phéno
mène même de la genèse explique encore un grand nombre des diff
érences observables aujourd'hui entre états (les systèmes coloniaux, les
types de colonisation), entre branches industrielles (les ressources privi
légiées, les secteurs d'investissement) et entre socialisations urbaines
(cultures locales, origines des migrants, aménagements urbanistiques et
industriels).
Comment ? il faut commencer par s'inspirer de la tradition de
l'histoire sociale du capitalisme, de la prolétarisation et de la consti
tution des classes ouvrières. Cette tradition d'origine anglo-saxonne
(E. P. Thompson, 1968) a pris une certaine ampleur dans les études LA NATURE DU SALARIAT EN AFRIQUE NOIRE 317
africanistes (Van Onselen, 1976; Phimister and Van Onselen 1978;
F. Cooper, 1983; Perrings, 1979). Les sources d'inspiration française
sont plus limitées (Y. Lequin, 1977; 1983) et n'ont pas encore suscité
d'études similaires dans le domaine des études africaines.
Ces recherches parfois accompagnées d'une idéologie « ouvriériste »
insistent sur la constitution de la classe par sa conscience d'agent histo
rique. Cette conscience, souvent plus implicite qu'explicite, n'est pas
d'emblée prolétarienne, du moins dans sa forme ou son projet. Cette
vision des origines des travailleurs industriels et urbains (et donc du
salariat sous une certaine forme) complète sinon même s'oppose à la
conception plus traditionnelle des historiens de la colonisation qui
reprennent la plupart du temps la perspective « administrative » ou « entre-
preneuriale » de la mise au travail. Ce point de vue, « par en haut » plus
politique et économique que sociologique ou anthropologique s'accom
mode fort bien du marxisme. C'est moins un problème théorique (encore
que... ?) qu'un problème de méthode et de choix de l'objet (voir Babas-
sana, 1978, et Lakroum, 1982).
Partant du point de vue que le mode de production capitaliste est
fondé sur le marché d'une force de travail libre et que le rapport colonial
vise à instituer un tel mode de production capitaliste, l'historien écono
miste cherche à repérer les prémices de ce système dans la mise en place
des politiques coloniales. Le résultat de l'histoire étant connu, il s'agirait
tout simplement d'expliquer les mesures administratives, policières et
économiques comme autant de décisions visant à trouver ou mobiliser
une main-d'œuvre nécessaire à la valorisation directe ou indirecte du
capital. C'est pourquoi l'histoire de la prolétarisation, de la mise au
travail et de la mise en place d'un salariat commence par une histoire
des investissements, des politiques coloniales de gestion territoriale et
de mobilisation des ressources humaines (Suret-Canale, 1964). Un projet
plus théoriciste accordera au capitalisme colonial le projet conscient
d'une politique de « libération » de la force de travail et de création
d'un marché du travail digne de ce nom (en utilisant le précapitalisme
par ex.). Dans la réalité il semble qu'on en soit encore fort loin.
La mobilisation de la force de travail s'est d'abord faite sans véri
table calcul économique, sinon celui d'économiser au maximum les
coûts. Parallèlement les moyens mis en place pour susciter, organiser et
reproduire cette force de travail ne sont ni ceux du marché du travail
ni ceux de l'incitation salariale. Quelle que soit la théorie du salaire que
l'on retienne, un fait majeur s'impose, celui d'une indétermination du
temps d'emploi de la force de travail. Cette renvoie
évidemment aux conditions d'emploi et du travail mais avant tout à la 3l8 JEAN COPANS
nature même des formes de la mobilisation : une quantité donnée de
production pour un revenu satisfaisant l'impôt; le travail forcé; les
formes non capitalistes de prestation. L'entretien en nature du travail

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents