Représentations de l Orient : projets photographiques et médiations culturelles - article ; n°105 ; vol.29, pg 107-118
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Romantisme - Année 1999 - Volume 29 - Numéro 105 - Pages 107-118
Photography is, from its beginning, considered as the ideal auxiliary for travellers. The pioneers, who see it as a documentary medium, undertake an encyclopedic type of inventory. But the views they bring back bestow on the ruins a ghostly hue ; they act as an inducement to trace a way into the past and drive to hermeneutics. When photographical practice moves towards « typical » scenes, literary or illustrated publications flourish. In the process of building a collective image of the East in the nineteenth century, photography proves to be permeated by cultural shades, displaying them according to its specificity.
La photographie est, dès son avènement, considérée comme l'auxiliaire idéale des voyageurs. Les pionniers, qui voient en elle un outil documentaire, s'engagent dans un projet de recensement de type encyclopédique. Mais les vues qu'ils rapportent confèrent aux ruines un aspect spectral; elles incitent à la remontée vers le passé et à l'herméneutique. Lorsque les pratiques photographiques évoluent vers la figuration de scènes «typiques», les éditions littéraires ou picturales s'affirment. Dans le processus complexe de construction d'un imaginaire collectif de l'Orient au XIXe siècle, l'empreinte se montre perméable aux filtres culturels, dont elle joue selon ses spécificités.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 21
Langue Français

Extrait

Mme Danièle Méaux
Représentations de l'Orient : projets photographiques et
médiations culturelles
In: Romantisme, 1999, n°105. pp. 107-118.
Abstract
Photography is, from its beginning, considered as the ideal auxiliary for travellers. The pioneers, who see it as a documentary
medium, undertake an encyclopedic type of inventory. But the views they bring back bestow on the ruins a ghostly hue ; they act
as an inducement to trace a way into the past and drive to hermeneutics. When photographical practice moves towards « typical
» scenes, literary or illustrated publications flourish. In the process of building a collective image of the East in the nineteenth
century, photography proves to be permeated by cultural shades, displaying them according to its specificity.
Résumé
La photographie est, dès son avènement, considérée comme l'auxiliaire idéale des voyageurs. Les pionniers, qui voient en elle
un outil documentaire, s'engagent dans un projet de recensement de type encyclopédique. Mais les vues qu'ils rapportent
confèrent aux ruines un aspect spectral; elles incitent à la remontée vers le passé et à l'herméneutique. Lorsque les pratiques
photographiques évoluent vers la figuration de scènes «typiques», les éditions littéraires ou picturales s'affirment. Dans le
processus complexe de construction d'un imaginaire collectif de l'Orient au XIXe siècle, l'empreinte se montre perméable aux
filtres culturels, dont elle joue selon ses spécificités.
Citer ce document / Cite this document :
Méaux Danièle. Représentations de l'Orient : projets photographiques et médiations culturelles. In: Romantisme, 1999, n°105.
pp. 107-118.
doi : 10.3406/roman.1999.4354
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1999_num_29_105_4354Danièle MEAUX
Représentations de l'Orient :
projets photographiques et médiations culturelles
Sitôt inventée, la photographie se voit déléguer par François Arago le soin de
rendre compte des réalités lointaines. Peu après, Pierre-Gustave Joly de Lobtinière
part en Grèce, équipé d'un daguerréotype; Horace Vernet et Frédéric Goupil-Fesqué
expérimentent le nouveau procédé en Syrie et en Egypte. Bien d'autres suivent
l'exemple. En 1843, Nerval - qui ne s'est pas privé d'ironiser au sujet de la daguer-
réotypomanie - n'entame pas son périple oriental sans alourdir ses bagages du matér
iel nécessaire à la prise de vue. Mais son savoir-faire reste rudimentaire et les seuls
vestiges de la pratique photographique du poète tiennent dans ses lettres à Théophile
Gautier '. De fait, durant les premiers temps, la difficulté technique freine l'élan des
voyageurs inexpérimentés. Par ailleurs, l'unicité des épreuves entrave leur diffusion :
les Excursions daguerriennes 2, qui contribuent à renouveler la tradition des voyages
en estampes, ne réunissent que des gravures faites à la main à partir de daguerréot
ypes. C'est à la fin des années 1840, avec l'expansion du calotype, que la photogra
phie de voyage connaît un réel essor; le procédé, plus léger, autorise désormais la
reproduction. George Bridges, puis Maxime Du Camp, Félix Teynard, John B. Green
e, Auguste Salzmann et d'autres, sillonnent les rives de la Méditerranée et collectent
des images dont bon nombre seront publiées dans des albums.
Une heureuse coïncidence
Ce sera la gloire et aussi la récompense de ce siècle si fécond en découvertes de toute
sorte d'avoir abrégé pour l'homme la distance et le temps. Une heureuse coïncidence a
permis que la photographie fût trouvée au moment même des chemins de fer [...]. Nous
n'avons plus besoin de tenter de périlleux voyages : l' héliographie, confiée à quelques
intrépides, fera pour nous le tour du monde, et nous rapportera l'univers en portefeuille,
sans que nous quittions notre fauteuil3.
Le nouveau médium paraît alors voué à seconder l'expérience des voyageurs : sa
technique semble le destiner à satisfaire des aspirations qui se trouvent incessamment
rappelées par les auteurs des textes viatiques.
L'empreinte photochimique surprend les hommes du XIXe siècle pour sa ressem
blance avec la réalité : il ne lui manque que la couleur pour rivaliser avec le miroir,
affirme Tôpffer4; la prise de vue exhibe même d'infimes détails, occultés par la per-
1. Paul-Louis Roubert, «Nerval et l'expérience du daguerréotype», dans Études photographiques, n° 4,
mai 1998, p. 6 à 26.
2. Excursions daguerriennes : villes et monuments les plus remarquables du globe, publié en 1842 sous
l'égide de Noël-Marie Lerebours.
3. Louis de Cormenin, «Egypte, Nubie, Syrie, Palestine et Syrie, dessins photographiques par Maxime
Du Camp», dans La Lumière, n° 25, 12 juin 1852.
4. Rodolphe Tôpffer, «De la plaque Daguerre. À propos des Excursions daguerriennes», dans
Réflexions et menus propos d'un peintre genevois ou Essai sur le beau dans les arts, ENSB-A, 1998, p. 386.
ROMANTISME n° 105 (1999-3) 108 Danièle M eaux
ception ordinaire, note Delacroix 5. Parce qu'elle est à même de ressusciter les appa
rences, la photographie semble pouvoir servir l'ambition du voyageur appliqué à
rendre compte des pays parcourus. La restitution du vu est, de fait, une des préoccu
pations essentielles de l'écrivain itinérant. Chateaubriand affirme être parti «chercher
des images; voilà tout»6. Quant à Gautier, il note : «II n'y a [...] que des observations
visuelles à faire, et tu sais ce que mon lorgnon avale d'objets à l'heure» 7. Qu'elle pri
vilégie des fins scientifiques ou littéraires, la relation de voyage se doit d'accorder la
primauté à l'évocation du spectacle de Tailleurs; elle est marquée par une prééminence
de la fonction scopique, que le médium photographique ne peut que servir.
Peirce remarque que la fidélité toute particulière de l'empreinte tient aux condi
tions de sa genèse, aux rapports de « connexion physique » 8 que la surface sensible a
entretenus avec son sujet. C'est la connaissance des modalités de fabrication du cliché,
«le savoir de l'arche» 9, qui motive la confiance qui lui est ordinairement accordée.
Trace de lumière, l'image a valeur testimoniale et dépose sur les sites exhibés un label
d'authenticité que ne saurait leur conférer le verbe. Le souci de la véracité habite les
déclarations programmatiques de la plupart des écrivains- voyageurs : «[...] j'ai pensé
que le genre des voyages appartenait à l'histoire, et non aux romans» l0, note Volney;
«Un voyageur est une espèce d'historien : son devoir est de raconter fidèlement ce
qu'il a vu ou ce qu'il a entendu dire» n, poursuit Chateaubriand; Lamartine affirme :
«Je dirai ce que j'ai vu» 12 et Gautier soutient : «Je ne parle que de ce que j'ai vu» 13.
Si telles sont les déclarations de principe, les mots garantissent a priori moins de col
lusion avec la réalité que les empreintes chimiques.
La photographie authentifie également le déplacement du voyageur : l'épreuve
nécessitant une confrontation effective entre l'opérateur et le site, la nature du
médium certifie qu'auteur et voyageur sont une seule et même personne; elle scelle
ainsi un contrat qui régit la plupart des récits de voyage du XIXe siècle. Les clichés
constituent les reliquats tangibles de la visite effectuée, comme les pierres emportées
par le pèlerin romantique :
Je pris, en descendant de la citadelle, un morceau de marbre du Parthenon; j'avais aussi
recueilli un fragment de la pierre du tombeau d' Agamemnon; et depuis j'ai toujours
dérobé quelque chose aux monuments sur lesquels j'ai passé. [...] Quand je revois ces
5. Eugène Delacroix, Journal (Pion, 1893, p. 744), dans André Rouillé, La Photographie en France,
textes et controverses : une anthologie 1816 - 1871, Macula, 1989, p. 270.
6. François-René de Chateaubriand, préface de la première édition de Y Itinéraire de Paris à Jérusalem,
dans Œuvres romanesques et voyages, t. II, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 1969, p. 701.
7. Théophile Gautier, lettre à son ami Louis de Cormenin, datée de Constantinople, le 24 juin [1852],
citée par Sarga Moussa, La Relation orientale. Enquête sur

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