Responsabilité médicale : de quoi s agit-il exactement ? (Commentaire) - article ; n°2 ; vol.24, pg 35-42
9 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Responsabilité médicale : de quoi s'agit-il exactement ? (Commentaire) - article ; n°2 ; vol.24, pg 35-42

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
9 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Sciences sociales et santé - Année 2006 - Volume 24 - Numéro 2 - Pages 35-42
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2006
Nombre de lectures 33
Langue Français

Extrait

Dominique Thouvenin
Responsabilité médicale : de quoi s'agit-il exactement ?
(Commentaire)
In: Sciences sociales et santé. Volume 24, n°2, 2006. pp. 35-42.
Citer ce document / Cite this document :
Thouvenin Dominique. Responsabilité médicale : de quoi s'agit-il exactement ? (Commentaire). In: Sciences sociales et santé.
Volume 24, n°2, 2006. pp. 35-42.
doi : 10.3406/sosan.2006.1678
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/sosan_0294-0337_2006_num_24_2_1678Sciences Sociales et Santé, Vol. 24, n° 2, juin 2006
Responsabilité médicale :
de quoi s'agit-il exactement ?
Commentaire
Dominique Thouvenin'*
Nombreux sont les médecins, s 'exprimant aussi bien dans les médias
généraux que spécialisés, à affirmer, sous la forme d'une antienne, que
leur exercice professionnel inclurait désormais le risque de procès que
leur intenteraient avec une grande facilité des patients toujours plus exi
geants. La médecine se « judiciariserait », c'est-à-dire qu'elle serait sou
mise à un mode d'évaluation de ses pratiques par la justice. Ce
néologisme récent ne désigne pas seulement le fait que des litiges seraient
réglés devant les tribunaux, ce qui constitue leur mission légitime, mais
qu'il s'agirait d'un mode de régulation de questions sociales par la voie
juridictionnelle.
Invoquer la « judiciarisation » de ces questions sous-entend, pour
les acteurs sociaux concernés, que saisir la justice est une modalité inap
propriée, voire abusive, d'intervention dans leur champ de compétences.
Ce type de critiques émane de personnes qui occupent des positions de
pouvoir qu 'elles estiment non susceptibles de contestation devant la just
ice. Qu 'il s 'agisse des hommes politiques poursuivis pour corruption, des
maires et/ou des préfets pour homicide involontaire, des médecins pour
* Dominique Thouvenin, professeur de Droit, Centre d'Études du Vivant, Université
Paris 7 -Denis Diderot, 2 place Jussieu, 75251 Paris Cedex 05, France ; e-mail :
thouvenin @ paris 7.ju s s ieu.fr DOMINIQUE THOUVENIN 36
responsabilité médicale, ils estiment tous, peu ou prou, qu 'ils n 'ont pas de
comptes à rendre à la justice. Leurs motifs sont certes différents — politique et non juridique pour ceux qui exercent des fonc
tions électives, non responsabilité pour les professionnels de santé qui
pensent qu'ils font toujours du mieux qu'ils peuvent — mais Vidée qui
sous-tend cette lamentation est identique : c'est la contestation de l'inte
rvention de la justice dans ces domaines. Ainsi, pour les médecins, les
affaires de responsabilité nées à l'occasion de l'exercice médical auraient
un double effet négatif : d'une part, contribuer à tendre les rapports des
médecins avec les malades et, d'autre part, constituer une modalité d'é
valuation inadéquate des pratiques défectueuses. Mais, outre qu 'un pro
cès n'est pas un outil d'analyse de la qualité des pratiques médicales
(Thouvenin, 2005), il faut prendre également le soin d'identifier les types
de questions qui relèvent de ce qu'on nomme « responsabilité médicale »
et ne pas se tromper sur le rôle de la justice.
En effet, d'une part, cette expression ne recouvre pas l'ensemble des
situations relevant de l'exercice professionnel qui pourraient être repro
chées aux médecins comme autant de manquements ou de défaillances
personnelles et, d'autre part, les tribunaux ne les mettent pas en cause,
mais se prononcent sur une affaire relevant de ce champ parce qu'ils en
ont été saisis par une personne qui estime avoir souffert d'un dommage.
Dans un aussi court article, il n 'est pas envisageable de rendre compte du
contenu des différentes règles de responsabilité médicale ; aussi, avons-
nous choisi de mettre en exergue quelques points saillants afin d'éviter un
certain nombre d'imprécisions, voire de confusions, fréquemment obser
vées. Nos remarques porteront sur l'objet de la responsabilité médicale,
sur la fonction des règles de responsabilité médicale et sur les liens exis
tant entre ces règles et les types d'actions disponibles pour les victimes.
Tout d'abord, la responsabilité n'est pas un état qui se révélerait
avec la seule survenue d'un accident ; si elle est établie, elle ne l'est qu 'au
terme d'une appréciation menée en référence aux règles de responsabilité
qui précisent à quelles conditions un professionnel ou un établissement
assume les conséquences dommageables de ses actes. Ces règles qui s 'ap
pliquent après l'accident sont autant de règles de qualification qui per
mettent a posteriori de dire à quelles conditions un professionnel ou un
établissement de santé pourra être déclaré responsable. Il n 'existe pas un
« droit » spécial de la responsabilité médicale qui rassemblerait toutes les
règles impliquant la des établissements et des profession
nels de santé et qui serait dérogatoire au droit commun. Cela tient à ce
que l'activité médicale n'a été et n'est encore qu'un cas d'application,
parmi d'autres, des règles de droit relatives à la prise en charge des
conséquences dommageables des activités humaines. Certes, des règles RESPONSABILITÉ MÉDICALE 37
spéciales existent, mais elles s'insèrent dans des cadres juridiques forgés
par l'histoire et qui structurent encore notre droit. Ainsi, la loi n° 2002-
303 du 4 mars 2002 relative aux droits des personnes malades et à la qual
ité du système de santé qui a intégré dans le Code de la santé publique
l'article L. 1 142-1 posant les principes applicables aux professionnels et
aux établissements de santé, n 'a pas pour autant créé une « branche du
droit ».
Lorsqu 'une personne estime avoir été victime d'un accident médical,
elle peut en obtenir réparation en invoquant, soit les règles de responsab
ilité civile (ou du moins de type indemnitaire), soit les de respons
abilité pénale, sachant qu 'il existe une différence essentielle entre ces
deux catégories de responsabilité. Elles ont le même fondement qui est la
réparation du dommage causé ; mais les règles de responsabilité pénale,
attachant des peines définies à des infractions définies, sont des règles de
sanction (Fauconnet, 1928) et c'est la société qui en est bénéficiaire, tan
dis que les règles de responsabilité civile ont pour fonction de déterminer
qui devra réparer le préjudice subi par une personne et, par voie de
conséquence, de fixer des dettes de réparation ; dans ce cas, c'est la per
sonne s' estimant lésée qui bénéficie de l'indemnisation.
Dans l'un comme dans Vautre cas, c'est « l'évaluation de l'acte de
soin (qui) est au cœur de la responsabilité médicale » (Serverin, 2003).
Cette dernière porte sur V activité même du médecin — voire du profes
sionnel de santé, le vocable « médical » désignant également les sages-
femmes, les infirmières, les chirurgiens-dentistes —, ce qui exclut les
questions relatives à la fourniture d'un produit défectueux, médicament
comme produit biologique d'origine humaine (Thouvenin, 1995). Ces
questions relèvent du droit de la consommation et mettent en jeu la
responsabilité du fabricant, et non celle du prescripteur, sauf à lui repro
cher une erreur de prescription — par exemple, groupage de sang erroné
— ou l'inutilité de la prescription. Ainsi, bien que la communauté médi
cale se soit sentie particulièrement atteinte par l'affaire dite du sang
contaminé (Steffen, 2004), cette dernière ne relève pas des règles de
responsabilité médicale, ce qui ne signifie pas qu 'il n 'y ait pas de respons
abilité, mais que ce n'est ni celle des médecins, ni celle des établisse
ments de santé.
Comme il n 'existe aucune règle juridique de responsabilité spéci
fique à l'activité médicale et que les règles juridiques générales, tant de
responsabilité civile que pénale, sont susceptibles de s'appliquer concur
remment, sans hiérarchie entre elles — la personne s' estimant victime
ayant le choix entre ces règles —

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents