Révolution et finances. Réflexions sur un impossible bilan - article ; n°6 ; vol.40, pg 985-1000
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Revue économique - Année 1989 - Volume 40 - Numéro 6 - Pages 985-1000
The financial impact of the french revolution : an impossible balance-sheet
The impossibility to assign clear-cut boundaries, in time as well as in space, to the French Revolution makes the task of assessing its financial consequences most uneasy. In time : the Revolution should be viewed as an open process ; its long run significance cannot be appraised without a deep understanding both of the problems of the Ancien Regime and of the subsequent evolution of the XIXth century. In spaee : the French frontiers underwent repeated changes and remained unsettled for over two decades, until France was ultimately brought back in 1815 nearly to its 1789 frontiers. Moreover, three distincts aspects of the Revolution — institutional, social and international — have to be taken into consideration. The institutional revolution was meant to rationalize the public finances ; although the figures of the budget for 1815 are astonishingly close to those of 1788, the state of the Restauration did emerge with modernized public finances ; it was, however, a belated success and the final result showed quite different from what the Constituants had in mind. The social revolution boiled down to the process of « republican enrichment », benefiting only those who could speculate as buyers of biens nationaux, army contractors or intermediaries in foreign transactions under government control. As for the revolution in international relations, its main effect was to destroy the franco-spanish union ; such a break meant an irreversible weakening ot the French naval, economie and financial power.
Révolution et finances Réflexions sur un impossible bilan
Toute tentative de bilan financier de la Révolution se heurte à de redoutables problèmes de frontières. Frontières temporelles : la Révolution est un proces­sus ouvert dans le temps ; sa portée à long terme ne peut se comprendre que si l'on connaît en profondeur tant la société de l'Ancien Régime que l'histoire ultérieure du XIXe siècle. Limites spatiales : la France demeure, pendant un quart de siècle, un ensemble aux contours mouvants, avant de retrouver en 1815 quasiment ses frontières de 1789. Il faut de plus prendre en compte trois révolutions distinctes : une révolution institutionnelle, une révolution sociale, une révolution diplomatique. La révolution institutionnelle avait pour enjeu la remise en ordre des finances de l'État ; par delà une stupéfiante continuité entre les masses budgétaires de 1788 et de 1815, la modernisation des finances publiques est acquises à partir de la Restauration ; il s'agit là, toutefois, d'un succès différé, obtenu dans des conditions fort différentes de celles qu'avaient envisagées les Constituants. La révolution sociale s'identifie à l'« enrichissement républicain » lié à la spéculation sur les biens des émigrés, aux fournitures de guerre et à la mainmise des autorités politiques sur le commerce extérieur. La révolution diplomatique se traduit surtout par la rupture irréversible, dès 1790, de l'ensemble franco-espagnol, entramant un affaiblissement durable de la position navale, économique et financière de la France dans le monde.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Michel Bruguière
Révolution et finances. Réflexions sur un impossible bilan
In: Revue économique. Volume 40, n°6, 1989. pp. 985-1000.
Citer ce document / Cite this document :
Bruguière Michel. Révolution et finances. Réflexions sur un impossible bilan. In: Revue économique. Volume 40, n°6, 1989. pp.
985-1000.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1989_num_40_6_409181Abstract
The financial impact of the french revolution : an impossible balance-sheet
The impossibility to assign clear-cut boundaries, in time as well as in space, to the French Revolution
makes the task of assessing its financial consequences most uneasy. In time : the Revolution should be
viewed as an open process ; its long run significance cannot be appraised without a deep
understanding both of the problems of the Ancien Regime and of the subsequent evolution of the XIXth
century. In spaee : the French frontiers underwent repeated changes and remained unsettled for over
two decades, until France was ultimately brought back in 1815 nearly to its 1789 frontiers. Moreover,
three distincts aspects of the Revolution — institutional, social and international — have to be taken into
consideration. The institutional revolution was meant to rationalize the public finances ; although the
figures of the budget for 1815 are astonishingly close to those of 1788, the state of the Restauration did
emerge with modernized public finances ; it was, however, a belated success and the final result
showed quite different from what the Constituants had in mind. The social revolution boiled down to the
process of « republican enrichment », benefiting only those who could speculate as buyers of biens
nationaux, army contractors or intermediaries in foreign transactions under government control. As for
the revolution in international relations, its main effect was to destroy the franco-spanish union ; such a
break meant an irreversible weakening ot the French naval, economie and financial power.
Résumé
Révolution et finances Réflexions sur un impossible bilan
Toute tentative de bilan financier de la Révolution se heurte à de redoutables problèmes de frontières.
Frontières temporelles : la Révolution est un proces-sus ouvert dans le temps ; sa portée à long terme
ne peut se comprendre que si l'on connaît en profondeur tant la société de l'Ancien Régime que
l'histoire ultérieure du XIXe siècle. Limites spatiales : la France demeure, pendant un quart de siècle, un
ensemble aux contours mouvants, avant de retrouver en 1815 quasiment ses frontières de 1789. Il faut
de plus prendre en compte trois révolutions distinctes : une révolution institutionnelle, une révolution
sociale, une révolution diplomatique. La révolution institutionnelle avait pour enjeu la remise en ordre
des finances de l'État ; par delà une stupéfiante continuité entre les masses budgétaires de 1788 et de
1815, la modernisation des finances publiques est acquises à partir de la Restauration ; il s'agit là,
toutefois, d'un succès différé, obtenu dans des conditions fort différentes de celles qu'avaient
envisagées les Constituants. La révolution sociale s'identifie à l'« enrichissement républicain » lié à la
spéculation sur les biens des émigrés, aux fournitures de guerre et à la mainmise des autorités
politiques sur le commerce extérieur. La révolution diplomatique se traduit surtout par la rupture
irréversible, dès 1790, de l'ensemble franco-espagnol, entramant un affaiblissement durable de la
position navale, économique et financière de la France dans le monde.Révolution et finances
Réflexions sur un impossible bilan
Michel Bruguière
Toute tentative de bilan financier de la Révolution se heurte à de redouta
bles problèmes de frontières. Frontières temporelles : la Révolution est un proces
sus ouvert dans le temps ; sa portée à long terme ne peut se comprendre que si
l'on connaît en profondeur tant la société de l'Ancien Régime que l'histoire
ultérieure du XIXe siècle. Limites spatiales : la France demeure, pendant un quart
de siècle, un ensemble aux contours mouvants, avant de retrouver en 1815
quasiment ses frontières de 1789. Il faut de plus prendre en compte trois
révolutions distinctes : une révolution institutionnelle, une révolution sociale, une
révolution diplomatique. La institutionnelle avait pour enjeu la remise en
ordre des finances de l'État ; par delà une stupéfiante continuité entre les masses
budgétaires de 1788 et de 1815, la modernisation des finances publiques est
acquises à partir de la Restauration ; il s'agit là, toutefois, d'un succès différé,
obtenu dans des conditions fort différentes de celles qu'avaient envisagées les
Constituants. La révolution sociale s'identifie à /'« enrichissement républicain » lié
à la spéculation sur les biens des émigrés, aux fournitures de guerre et à la
mainmise des autorités politiques sur le commerce extérieur. La révolution
diplomatique se traduit surtout par la rupture irréversible, dès 1790, de l'ensemble
franco-espagnol, entramant un affaiblissement durable de la position navale,
économique et financière de la France dans le monde.
On me fait un grand honneur, et l'on me plonge dans un réel embarras, en
me demandant d'esquisser seulement un bilan financier de la Révolution. Le
soussigné a certes étudié 1'« administration des finances françaises de Louis
XVI à Bonaparte », mais il ne prétend aucunement être devenu pour autant
historien de « la Révolution ». Il ne sait même pas, ce qui pourrait sembler
rédhibitoire, à quelle date on devrait considérer la Révolution comme achevée,
ou terminée. Et s'il l'ignore, c'est sans doute que la lecture des spécialistes ne
le lui a pas appris. Or si l'historiographie spécialisée, malgré son abondance et
parfois^ sa redondance, n'a pu prendre une position définitive sur un point aussi
capital, c'est donc que le problème du bilan reste ouvert et entier, que le choix
d'une date terminale n'est aucunement innocent, qu'il est même assez redoutable
pour avoir contraint chacun, depuis deux siècles, au vague et à l'incertitude. De
même les origines d'un cataclysme tellurique se perdent-elles dans la nuit des
temps géologiques, tandis que ses conséquences se font sentir, longtemps
encore, à l'aiguille des sismographes. Pourquoi les limites de la Révolution
sont-elles à ce point obscures ? Sans doute parce qu'elle a mêlé, de manière à
peu près indissoluble, des faits internes à la France et d'autres qui lui étaient
extérieurs.
985
Revue économique — N° 6, novembre 1989, p. 985-1000. Revue économique
Les changements internes, qu'ils soient sociaux, fiscaux ou politiques, se
sont succédé sans trêve pendant près de trente ans : lancées en 1787 par le
discours révolutionnaire de Calonne, qui dénonçait comme autant d'abus les
caractéristiques essentielles de la société d'« Ancien Régime », accélérées de
1789 à 1791 par la Constituante, les réformes furent tantôt réduites à néant,
tantôt reprises et accentuées, par chacun des régimes ultérieurs : la France,
devenue un immense laboratoire institutionnel, se trouvait condamnée à
parcourir tout le champ des expérimentations possibles. Mais ainsi, selon les
préjugés de chacun, il est parfaitement légitime de n'apercevoir le terme de la
secousse qu'en 1858, avec une République consensuelle, ou en 1875, avec une
République-compromis, ou en 1848, avec le suffrage universel, ou en 1830,
avec l'élimination de la légitimité bourbonienne, ou en 1814, avec son retour
inattendu, ou en 1799, si l'on fait confiance à l'un des discours du Premier
Consul : « la Révolution est finie » (l'autre discours étant, il est vrai : « Je
suis la Révolution »). Mais au fait, si la Révolution devait se réduire à des
événements politiques significatifs, ne serait-elle pas achevée dès 1795, lorsque
les anciens juges de Louis XVI, désormais incapables de s'exposer au suffrage
populaire, osèrent se réserver les deux tiers du pouvoir dans les nouvelles
institutions du Directoire ? Ne peut-on voir dans cette extraordinaire décision de
la Convention finissante, enfreignant l'élémentaire démocratie, a fortiori les

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