Rôle et fonctions du port dans l Antiquité : Le Pirée et Ostie, systèmes d Empires
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Rôle et fonctions du port dans l'Antiquité : Le Pirée et Ostie, systèmes d'Empires

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Mémoire de Maîtrise sur le rôle et les fonctions du port dans l'Antiquité grecque et romaine

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Publié le 06 octobre 2013
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Mémoire de Maîtrise  Université de Corse – 1999   ------------------  Rôle et fonctions du port dans l’Antiquité : Le Pirée et Ostie, systèmes d’Empires.  Florent Bertholle   Sous la direction de : Olivier Battistini & Olivier Jehasse
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   Texte 1 : Cicéron, De republica, II, 3-5  III.5ide. solnt à Qual eÉunt taradue bl[i  vise à èjre tse «rp Alsef noedemtn sdom[Rusult,oil  i xuelpxeg ecirol ditelp al,n ]ofmr aÉtat un réerde ce  tec,ssuipsea dm-ipoulnta,u dcreenmafoemnn trdeàrem   hcupoenuibsvliiirlcla,epm odtila]r so urèpa  avoir pris l ville, celui qu s’en préoccuper avec un soin tout particulier ; Romulus choisit un site d’une convenance merveilleuse. En effet, il ne s’établit pas près de la mer [Neque enim ad mare admouit], alors qu’il lui eût été très facile, avec la troupe et les ressources dont il disposait, soit de s’avancer dans le territoire des Rutules ou des Aborigènes, soit de fonder lui-même une ville près de la bouche du Tibre [in ostio Tiberino]où, bien des années plus tard, le roi Ancus établit une colonie [coloniamhomme d’une exceptionnelle clairvoyance, il se rendit compte]; mais en avec netteté que les régions côtières ne convenaient pas du tout aux villes fondées avec l’espoir d’un empire qui durerait longtemps. La première raison en est que les villes situées au bord de la mer sont exposées à des dangers non seulement multiples, mais aussi dissimulés.  III.6 l’intérieur des  Aterres, l’arrivée des ennemis, qu’elle soit attendue ou même inopinée, se révèle par bien des signes : par un brusque fracas et aussi par le bruit sourd de leur approche. Personne ne peut, comme en un vol, foncer sur vous, en ennemi, par terre, que nous ne puissions savoir non seulement qu’il est là, mais même qui il est et d’où il vient. Au contraire, l’ennemi dont la flotte traverse la mer peut être là avant que personne ne soupçonne qu’il viendra et, en approchant, il ne révèle ni qui il est, ni d’où il vient, ni même ce qu’il veut ; bref, il n’y a pas le moindre indice qui permette de discerner avec certitude si ses intentions sont pacifiques ou hostiles.  IV.7 second lieu, les villes du littoral [ Enmaritimis urbibus] sont exposées aussi à des éléments corrupteurs, qui amènent une transformation des mœurs ; elles sont contaminées par des innovations dans les paroles et la conduite ; on n’y importe pas seulement des marchandises, mais des mœurs exotiques, si bien qu’aucune institution ancestrale n’y peut demeurer intacte. Bientôt les habitants de ces cités ne tiennent plus en place, mais leurs songeries les emportent, sur les ailes de l’espérance, toujours plus loin de leurs demeures, et même quand leurs corps restent là, ils s’exilent et vagabondent en pensée. Rien ne contribua davantage à rendre chancelantes et finalement à renverser Carthage et Corinthe que ces voyages sans fin, qui dispersaient les citoyens; en effet, poussés par l’amour du commerce et de la navigation, ils avaient délaissé l’agriculture et l’entraînement militaire.  IV.8soit du butin, soit des importations qui encouragent D’autre part, la mer procure dangereusement ces cités au luxe ; enfin, le charme même des lieux fait naître bien des tentations de se livrer à la prodigalité et à la fainéantise ; et ce que j’ai dit de Corinthe, peut-être pourrait-on le dire en toute vérité de toute la Grèce ; le Péloponnèse lui-même est presque entièrement baigné par la mopero, nent,è ssea, usf ePulhelis oÉntnei, il ny a aucun de ses territoires qui ne touche à la mer ; en dehors du Pél a, la Doride et la Dolopie en sont éloignées. Et que dire des îles grecques ? Tout entourées par les vagues, elles flottent, pour ainsi dire, elles-mêmes, et avec elles leurs institutions politiques et leurs mœurs.  IV.9Tout cela, comme je l’ai dit plus haut, ne concerne que la Grèce ancienne. Passons aux colonies; parmi celles que fondèrent les Grecs en Asie, en Thrace, en Italie, en Sicile, en
 
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Afrique, en est-il une, exceptée Magnésie, qui ne soit pas baignée par la mer ? On dirait qu’il y a toujours, comme tissé en bordure des territoires barbares, un rivage [ora] grec. Parmi les populations barbares, aucune, en effet, ne vivait antérieurement au bord de la mer, sauf les Etrusques et les Carthaginois, ceux-ci pour faire du commerce, ceux-là pour s’adonner à la piraterie. C’est évidemment ce qui provoqua les malheurs et les révolutions de la Grèce ; cela découle des défauts qui sont propres aux villes du littoral et dont je viens de parler très brièvement.  IV.9[suite] Cependant ces défauts comportent un avantage considérable : les productions du monde entier peuvent venir par mer, jusqu’à la ville que l’on habite et, en revanche, toutes les productions de son propre territoire, on peut les transporter et les expédier dans toutes les régions qu’on veut.  V.10réunir tous les avantages du littoral et en écarter lesComment donc Romulus, pour inconvénients, aurait-il pu se montrer plus divin qu’en fondant sa ville sur la rive [in ripa]d’un fleuve au cours permanent et régulier et qui s’écoule dans la mer par un large estuaire ? La ville pouvait ainsi recevoir par mer tout ce qui lui manquait et exporter ce dont elle regorgeait ; et grâce à ce même fleuve, elle pouvait non seulement faire remonter de la mer les objets les plus nécessaires aux besoins immédiats et à ceux de vie civilisée, mais aussi les recevoir de l’intérieur des terres. Romulus a donc, me semble-t-il, prévu alors déjà que notre ville serait un jour le centre et le foyer du plus grand des empires ; car il n’y avait guère d’emplacement, dans une autre région de l’Italie, où une ville pût plus aisément conserver une telle hégémonie [potentiam]. »1 
                                                          1Texte établi et traduit par Esther Breguet. Belles Lettres. Paris. 1991.
 
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Texte 2 : PLATON, Les Lois, IV, 704a-707d  «704 aL’Athénien.%Voyons, comment faut-il nous représenter la cité [ϑÒlΕΗ ?] à venir je ne parle pas de son nom, et ne demande pas pour l’instant quel il est, ni lequel il faudra lui donner plus tard, car, sur ce point, peut-être bien que la fondation même ou quelque lieu, l’appellation d’un fleuve [ϑΙΝamΙË], d’une source ou de divinités locales, associeront à leur propre renommée la ville nouvellement établie ;704 bplutôt en vue à son endroit,ce que j’ai en posant ma question, c’est si elle sera au bord de la mer [§ϑΕ ΚalaΝΝ¤≅ΕΙV]ou à l’intérieur& Clinias.%En fait, étranger [ŒΠ°ΗΑ], la cité dont nous venons de parler est éloignée de la mer d’environ quatre-vingt stades2.
L’Athénien.%  Eta-t-elle de ce côté des ports [lΕm°ΗΑV], ou en manque-t-elle absolument [é%l¤mΑΗΙV] ? Clinias.%Non, elle a de ce côté, étranger, des ports aussi bons que possible [ΑÈl¤mΑΗΙV]. 704 cinéhtAL .ne% Ah ? Et la région [ ! que dis-tucΛa] qui l’entoure, a-t-elle toutes les cultures ou manque-t-elle de certaines ? Clinias.%Elle ne manque d’à peu près aucune. LAthénien. %Et y a-t-il dans le voisinage une ville qui soit près d’elle ? Clinias.%même pour cela qu’on la fonde ; car un exode qui s’estAucune absolument ; c’est produit jadis en cet endroit a rendu le pays désert depuis un temps infini. LAthénien. % qu’en est-il des plaines [ EtϑΑ≅¤], des montagnes [ÙΛ«Η], des forêts [ÏlΔV] ? Comment est-elle pourvue sous chacun de ces rapports ? Clinias.%Sa configuration rappelle celle de tout le reste de la Crète. 704 dL’Athénien.%Tu veux dire qu’elle est accidentée plutôt qu’unie. Clinias. Justement. % LAthénien. %Alors, son cas n’est pas désespéré pour ce qui est d’acquérir la vertu [éΛΑΝ∞w]. Car si elle devait être au bord de la mer [§ϑΕΚalaΝΝ¤a], avec de bons ports [ΑÈl¤mΑΗΙV], et non pas fertile en toute sorte de produits mais dépourvue de plusieurs, il lui faudrait un grand sauveur et des législateurs divins pour qu’elle n’eût pas, avec une telle situation, bien des habitudes aussi mauvaises que raffinées ; mais il y a de l’espoir dans ces quatre-vingt stades. Elle est, sans doute, un peu trop près de la mer [ΚãlaΝΝa], d’autant plus que tu la dis pourvue de ports ;705 aLa proximité de la mer, pour unmais enfin, il faut se contenter même de cela. pays, agrémente la vie de tous les jours, mais au fond, c’est un voisinage bien saumâtre et dissolvant [ϑΕΓΛÚΗ] ; en l’infectant de commerce [§mϑΙΛ¤aV] et de trafic au détail [cΛΔmaΝΕΜmΙË], en implantant des mœurs instables et malhonnêtes, elle enlève à la cité la confiance amicale en elle-même et dans les autres hommes également. En compensation, il est vrai, elle a sa fertilité universelle [ϑãmΦΙΛΙV]3,705 bet son aspérité l’empêchera d’avoir à la fois l’universalité [ϑãmΦΙΛΙV]et l’abondance des produits [ϑΙlÊΦΙΛÒV] ; car si elle avait les deux réunies, les nombreuses exportations que cela permettrait l’infecteraient en retour d’une monnaie d’argent et d’or [ΗΙm¤ΜmaΝΙVéΛΧΟΛΙËΓacΛΟΜΙËce qui est, on peut le dire, la], pire calamité, à tout prendre, pour une cité qui doit se faire des habitudes de noblesse et de justice, comme nous le disions, si nous nous en souvenons, dans les discussions précédentes4. Clinias.%Nous nous en souvenons, et sommes d’accord que nous avions raison alors et qu’il en est encore ainsi.                                                           2Environ quatorze kilomètres. 3Littéralement “fertile en tout”. 4 III, 696a.
 
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705 c L’Athénien.% quoi ! Où en est le sol de  Maisnotre région pour ce qui est du bois de constructions navales [ΗaΟϑΔΧΔΜ¤mΔVÏlΔV] ? Clinias.% n’y a pas de sapins qui vaillent la peine  Ild’en parler ni de pins maritimes non plus ; le cyprès n’abonde pas ; par contre, on y trouverait en petite quantité le pin terrestre et le platane, dont les constructeurs doivent constamment se servir pour les parties intérieurs des bateaux. LAthénien. %encore de la contrée n’est pas un mal.Ce caractère Clinias.%Pourquoi donc ? LAthénien. %Il est bon qu’une cité ne puisse pas facilement imiter ses ennemis705 dd’une imitation perverse. Clinias.%Laquelle de mes paroles vises-tu en t’exprimant ainsi ? LAthénien. %en regardant ce que nous avons dit au début, que lesDivin ami, veille sur moi lois [nÒmn] crétoises avaient un seul but, et ce but, vous disiez tous deux que c’était la guerre [ϑÒlΑmΙΗ sur quoi, j’intervins pour déclarer qu’il fallait louer l’institution de] ; pareilles lois en vue de la vertu, mais que j’approuvais moins que ce fut en vue d’une partie et non de la vertu totale.705 eMaintenant donc, prenez, en suivant mon exposé, les intérêts de mon œuvre présente de législateur, si je viens à édicter une loi qui ne tende pas à la vertu ou à une partie de la vertu. Je pose ce principe en effet : seule est bien établie la loi qui, en chaque occasion, comme un archer,706 ane vise que celui des objets qu’un beau résultat accompagne toujours et constamment, quitte à laisser de côté tous les autres avantages, richesse [ϑlΙËΝΙVtout autre de ce genre, s’ils ne répondent pas aux conditions] ou indiquées5. Quant à la mauvaise imitation de l’ennemi dont je parlais, elle a lieu quand un peuple voisin de la mer [ϑΛÚV ΚalãΝΝ+] est molesté par ses ennemis ; ainsi, – je le dirai sans intention de représailles à votre égard, – Minos [?¤ΗV] un jour soumis les habitants de l’Attique au paiement d’un lourd tribut [från],706 b qu’il était sur mer puissant [ÊΗamΕΗ…ΓaΝåΚãlaΝΝaΗ], tandis que les autres n’avaient pas encore, comme maintenant, de flotte de guerre, ni non plus un pays assez riche en bois de construction pour équiper facilement des forces navales ; ils ne purent donc tout de suite imiter ses matelots [ΗaΟΝΕΓ∞w] en se faisant marins [ΗaËΝaΕ] eux-mêmes et repousser alors les ennemis. En fait, il aurait mieux valu pour eux perdre encore plusieurs fois sept de leurs enfants6 de se que transformer, 706 cd’hoplites [ıϑlΕΝ«n] de terre et de pied ferme qu’ils étaient, en hoplites de marine, et prendre l’habitude de partir constamment, de se retirer, en toute hâte, au pas de course, sur leurs vaisseaux [ΗaËV], de croire qu’il n’y a aucune honte à refuser de se faire tuer sur place devant l’attaque de l’ennemi, à trouver naturelles et tenir toutes prêtes leurs excuses quand ils perdraient leurs armes et fuiraient de ces fuites que l’on prétend sans déshonneur. Voilà les expressions qui se rencontrent ordinairement chez des hoplites de marine [ΗaΟΝΕΓVıϑlΕΝΑ¤aV infinité de louanges »,], et qui méritent non « une706 d mais le contraire ; car jamais il ne faut laisser prendre à des citoyens [ϑΙlΕΝ«n] des habitudes perverses, surtout quand ils sont l’élite. D’ailleurs, Homère lui aussi pourrait enseigner qu’une pareille pratique est sans honneur. Son Ulysse, en effet, gourmande Agamemnon quand celui-ci donne l’ordre, alors que les Achéens étaient pressés au combat par les Troyens, de tirer les vaisseaux à la mer ; il s’emporte contre lui et lui dit :  706 e…combat sévit avec sa huée, conseiller de mettreToi qui viens, à l’heure où le à l’eau les vaisseaux aux bons gaillards ; pour que les Troyens, qui n’ont que ce désir,                                                           5Au livre II dans l’échelle des biens : 660 d–661 c. 6Allusion au mythe de Thésée et du Minotaure.
 
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voient leurs souhaits exaucés plus complètement encore, et que le gouffre de la mort soit notre lot, à nous. Les Achéens, c’est clair, ne tiendront pas au combat s’ils voient tirés les vaisseaux à la mer :707 ails chercheront des yeux une issue et quitteront la mêlée ; alors, c’est ton conseil qui les aura perdus, avec ce beau discours7.  Ainsi donc, il savait, lui aussi, que la proximité de trières [ΝΛΕÆΛΑΕV] à flot [§Η ΚalãΝΝΔ+] ne vaut rien pour des hoplites occupés à combattre : avec de pareilles mœurs, les lions eux-mêmes s’habitueraient à fuir devant des biches. En outre, les forces navales d’une cité, à l’heure du salut, attirent les honneurs vers ce qui n’est pas la fleur des hommes de guerre. Comme la victoire, en effet, est due à l’art du pilote [kbrntk∞w], du maître d’équipage [ΙΗΔΓΗΝϑΑaΝcΛ¤aV], du rameur,707 b etsomme à des gens de toute espèce et peu en recommandables, il est impossible de rendre correctement aux individus les honneurs qu’ils méritent. Et pourtant, comment un régime pourrait-il encore être bon sans cette faculté ? Clinias.%impossible. Mais cependant, étranger, nous disons, nous autres presque  C’est Crétois, de la bataille navale soutenue à Salamine [SalamΗa ΗaΟmac¤an] par les Grecs contre les barbares, qu’elle a sauvé la Grèce. LAthénien. %C’est, en effet, ce que disent aussi la plupart des Grecs et des barbares.707 c Mais nous, mon cher, Mégillos que voici et moi, nous prétendons que les batailles livrées sur la terre ferme à Marathon et à Platées ont, l’une commencée à libérer les Grecs, l’autre achevé cette œuvre, et que celles-ci ont rendu les Grecs meilleurs, tandis que celles-là les ont rendus lâches, si je puis parler en ces termes des batailles qui nous ont tous sauvés en ces temps-là : pour te faire plaisir, en effet, à la bataille navale de Salamine j’ajouterai celle de l’Artémision. Il suffit : c’est par rapport à707 dl’excellence du régime que nous examinons maintenant le caractère du pays et l’ordonnance des lois, en gens qui n’estiment pas que le plus précieux pour les hommes soit de sauver leur vie et de continuer à exister, sans plus, comme pense la multitude, mais bien de se rendre le meilleur possible et de le rester aussi longtemps qu’ils existent ; cela aussi, je crois nous l’avons dit précédemment8. »9
                                                          7 Iliade, 14, 96-102, trad. P. Mazon. 8Livre I, 627c-d  9Texte établi et traduit par Edouard des Places, Budé, 1975
 
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
 A la lecture de Cicéron,De republica II, 3-5, parlant du choix du site de la Rome primitive et de son port, Ostie, nous nous sommes interrogés sur l’utilité politique et la perception du fait portuaire dans l’Antiquité partant du fait que l’on assiste durant cette période à une corrélation, une association très étroite de la ville et du port et que les grandes puissances du temps furent toutes, exceptée Rome à ses débuts, des Etats maritimes c’est-à-dire qu’ils avaient des liens plus ou moins étroits avec la mer. Il nous a donc semblé que l’étude du rôle des ports donnait une vision d’ensemble des politiques et du fonctionnement des empires. Ce faisant, nous distinguons nettement deux ensembles, deux univers, à savoir un univers grec et un univers latin, auxquels se rattachent réciproquement, politique thalassocratique et orientation maritime tardive.  A Athènes, le port est une composante de la cité (malgré la vision modératrice d’Aristophane chez qui le port est étroitement lié, voire responsable de l’éΛcÆ-arkhé), il fait partie de laϑÒlΕV-polis, de l’essentiel, du centre, et non de lacΛa-khôra, le territoire qui apparaît secondaire et accessoire en comparaison avec laville-îleque constituent Athènes, le Pirée et les Longs Murs. Cela en conséquence duΗÒmΙV-nomosathénien tout entier voué à la mer depuis Thémistocle et les guerres médiques.  A Rome, le port fait plutôt figure de laboratoire d’expérimentation politique. Venue tardivement à la mer, l’Urbs s’interroge sur l’utilité d’un tel lien avec la mer. Cicéron et Tite-Live par exemple ne semblent pas croire au modèle grec et, en cela, dérivent de la vision critique d’Aristophane. A la différence d’Athènes, la zone utile ce n’est plus la ville mais l’espace que Rome gère de manière synchrone et parallèle : une extension de l’empire nécessite une refonte des ports et en retour, ceux-ci entraînent une modification des objectifs pour, par exemple, devenir des pôles de romanisation où pouvoir et discours sur le pouvoir saffirment.  Quoiqu’il en soit, les divers traitéssur les portsrédigés par Timosthénès de Rhodes, Cléon de Syracuse et Timagétos révèlent une interrogation déjà ancienne sur le fait portuaire10. Il en va de même pour les questions de destinées des civilisations que nous livrent tour à tour Platon, Aristote, Polybe et Cicéron.  De fait, l’étude du vocabulaire nous conduira à une réflexion sur la dimension sociologique du fait portuaire et, ainsi, à la destinée des cités maritimes. Partant, nous pourrons élargir cette réflexion à d’autres temps et d’autres lieux de Méditerranée afin de déterminer les permanences et les mutations du port et de sa perception dans l’Antiquité.  Le Pirée et Ostie... tels sont les deux ports que nous avons choisis pour réaliser le présent mémoire. La raison en est que chacun illustre le rôle hégémonique chaque fois renouvelé et repensé de la cité dont il dépend.  Le premier, port des Athéniens, aide à saisir l’idée même de la démocratie à Athènes à laquelle il est indissociablement lié. Le Pirée, symbole de l’éΛcÆ :, est une réalité l’impérialisme athénien lui est redevable.
                                                          10Cité par E. Delage dans La géographie dans les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes, p. 18 et 66 : Timagétos FHG, IV, 519sqq.
 
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 Le second, port de Rome, donne une approche quelque peu originale de l’imperiumen ce sens qu’il nous livre la dimension maritime d’un Etat que l’on l’habitude de présenter comme plus tourné vers la terre que vers la mer. Ostie apparaît, il est vrai, comme l’instrument , le moyen de la domination alors que le Pirée doit être analysé en tant que cause et non conséquence de celle-ci.  De ce contexte hégémonique, il nous a paru préférable d’écarter d’autres ports tels Syracuse, Massalia ou encore Carthage et Corinthe. La raison en est qu’ils n’illustraient pas notre propos ou plutôt qu’ils n’illustraient pas le texte de Cicéron et /ou la vision de Platon. Villes portuaires, elles n’entraient pas en ligne de compte au sein d’une étude sur le port distant de la ville qui, pour des raisons chères à Platon, seul pouvait accéder à la domination. Certes Marseille et Corinthe eurent en quelques sortes leursempires ils ne furent que mais commerciaux. Il est vrai que la ville punique connut une thalassocratie et qu’elle regarda vers la Sicile, mais elle ne fut jamais qu’une ville de commerçants qui dut affronter Rome pour sa survie. Et cette survie, c’était pour elle la Sicile. Il est étonnant de noter à ce propos que pour Athènes, Rome et Carthage, la clé se trouvait à un moment donné en Sicile. En ce sens, Syracuse aurait été à étudier. Syracuse est la puissance à dominer pour maîtriser l’île dans son ensemble, elle exerça une politique thalassocratique mais ce ne fut jamais qu’une§pkrãt-épikrateia, une domination micro régionale plus tournée vers le bien d’un seul homme, le tyran.  Une fois les choix effectués, restait à définir le champ chronologique. La logique nous imposait deux siècles pour le Pirée, les 5eet 4esiècles, de son apparition avec Thémistocle à son effacement après la guerre Lamiaque ; en revanche, une histoire plus complexe obligeait à e traiter dans son ensemble le champ chronologique d’Ostie à savoir du 4esiècle av. J.-C. au 4 siècle de notre ère : tour à tourcastrum, port fluvial et militaire, port de mer à vocation économique, lieu d’expression des dirigeants de l’Empire où chacun apposait sa marque, l’histoire d’Ostie passait par divers stades. Survolant huit siècles d’aménagements, il nous importait de montrer la lente maturation des idées qui, de 338 au 1ersiècle de notre ère, amena Auguste à doter Rome d’un solide port : le premier siècle après J.-C. constitue le point d’orgue de notre étude, l’Antiquité de Rome est inventée à ce moment précis, les études géographiques sont remaniées et la somme des connaissances réalisée, l’empire s’étend et se pacifie… autant de choses qui permettront au comple xe Ostie-Portus d’atteindre son apogée au siècle suivant.  Le texte de Cicéron  Notre choix s’est porté sur Cicéron comme fil conducteur de cette étude ; natif de l’arrière pays latin, il incarne parfaitement à nos yeux cette dualité terre / mer, le métissage d’une fondation et l’ouverture tardive à la mer que symbolise Rome.  L’homme.  Natif d’Arpinumnaît en 106 avant notre ère, en pays Volsque, Marcus Tullius Cicero d’une famille de rang équestre. De cette région fortement traditionaliste et paysanne, il en retire des principes d’honneur, de clientélisme et de concorde des ordres qui seront les traits caractéristiques de sa carrière.
 
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Prise par les Romains aux Samnites en 304, la petite bourgade devient municipe11 après la guerre sociale (90-89) qui voit s’opposer Marius le conservateur issu d’Arpinumdont Cicéron chantera les louanges (Marius), et Sylla qu’il participera à abattre (Pro Sexto Roscio Amerino). De par ses origines, Cicéron est emprunt d’une pensée latine, ses études lui feront prendre goût aux lettres grecques et sa carrière l’orientera vers une pensée romaine, toute tournée vers le droit. Sa grande idée politique semble bien avoir été de rassembler les deux ordres supérieurs, sénateurs et chevaliers et, d’une manière générale, tous les gens de bien, les optimates, pour défendre la République oligarchique contre les démagogues tel Clodius et les militaires tel César. D’où ses armes, la rhétorique et le clientélisme : en effet, Cicéron,homo novusc’est-à-dire ceux dont on ignore la lignée, est de rang équestre par son père et fréquente le cercle de lettrés de Mucius Scaevola, homme d’affaire richissime et chef de famille sénatoriale. On comprend alors sa doctrine fondée sur la concorde des ordres (concordia ordinum) et la modération. Vers l’âge de 18 ans, il suit l’enseignement du platonicien Philon de Larissa (Nouvelle Académie) dont il retire le principe suivant lequel philosophie et rhétorique sont toutes deux tournées vers un même et unique but : le bien de la communauté.  « (…) la sagesse sans l’éloquence n’est pas assez u tile aux Etats mais que l’éloquence sans la sagesse leur est généralement très nuisible et ne leur est jamais utile. »12  L’éloquence est donc primordiale, elle est action politique et vise au bien commun ; Cicéron se sent des devoirs et non des droits envers les hommes et la cité.13   Sa double culture apparaît lorsque l’on étudie ses concepts, presque des préceptes moraux : l’homme d’Arpinum prône lamediocritas ou voie moyenne à savoir le respect des places respectives de chacun et choisit alors une position médiane entre sénateurs et populaires en un secret soutien à l’ordre équestre, une politique qui lui permet de bénéficier du soutien des provinces. Ajouté au concept d’humanitas, le constant souci du sort de ses concitoyens, sa vision est purement latine et paysanne. Celle-ci se trouve mise en balance avec celle, proprement romaine, de la prégnance du collectif à savoir que tout Romain se réfère à unegens, une famille au sens large (la patrie chapeaute les autres liens) qui se reconnaît en un projet commun et des croyances communes. Des idéaux régis par des codes tel lefas, le licite, lejus, le droit, lafides, un contrat moral et son respect puis lemos, la coutume, l’identité d’un groupe, contraignante parce que rigide mais en cela garante des valeurs (lemos majorum il est « Plus, la coutume des ancêtres, protège la République) : ancien, mieux il démontre, par sa pérennité même, qu’il est conforme à la raison. »14 Pour Cicéron donc, le plus haut degré d’honneur est de se dévouer au bien commun ; c’est ce qu’il fera toute sa vie et dans tous ses écrits, notamment, et c’est ce qui nous intéresse ici, dans leDe republica.  
                                                          11  Civitas sine suffragio, droit de cité partiel ; un municipe choisit ses magistrats à la différence de la praefecturaeoù Rome imposait un préfet, et des colonies, dépendantes de la métropole, et où les citoyens romains gardaient leur droit de suffrage. 12  De InventioneI, 1 13 De oratoreIII, 1, 3 14P.F. Mourier Cicéron, l’avocat et la République, p. 42
 
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De republica  Cicéron rédige leDe republica entre 54 et 51 lors des troubles de la fin de la République ; après les Gracques, la Ville venait de connaître la tyrannie de Sylla (82-79), échappait de peu à celle de Clodius (59-52) et allait connaître le joug césarien (49-44).  La préface démontre l’originalité de l’auteur qui, théoricien politique, fut le seul à mettre en pratique ses idées puisqu’il était directement lié aux affaires de la cité.  ur la me sur le mLeeil lceourrp hs odmu mtee xdte,É traétd i»,g és es opruéss feonrtem ce odmumne  duina lroegtouue r «a sux modèleilsl eruorme acinosn sdtietsu tgiroann dest  hommes des guerres puniques tels les Scipions ou, symbole deshomines novi, Marcus Caton.15  Le haut représentant de la période est Scipion Emilien, celui qui a abattu Carthage, l’efficacité politique alliée à l’intellectuel grec : il est le chef de file desoptimates. Cicéron place dans sa bouche la définition de la république : la chose publique est la chose du peuple (est igitur respublica, res populi). Le peuple, poursuit-il, c’est le rassemblement d’individus associés en vertu d’un accord sur le droit (iuris consensu) et d’une communauté d’intérêts16(I, 25), un instinct social en somme. Mais pas n’importe quel groupe, la foule ne devient peuple seulement si elle acquiert le sentiment d’une utilité commune ; lorsque la communauté n’adhère plus à l’organisation sociale, il y a guerre civile.  Scipion (Cicéron) y infirme la loi énoncée bien avant lui par Platon, Aristote et Polybe (l’anacyclosis) selon laquelle toute société connaît apogée et chute. Pour lui, la solution réside en une constitution mixte (I, 45-46) où les différentes forces sociales pourraient s’équilibrer : la monarchie (deux consuls par an), l’aristocratie (le Sénat) et la démocratie (les assemblées populaires) soit une combinaison des trois formes pures. Cependant, notons que pour lui, la monarchie est le meilleur des régimes si et seulement si le monarque est rationnel sinon on tombe dans le pire des régimes (et pourtant le plus proche), la tyrannie. Si le pouvoir, quel qu’il soit, ne se justifie plus que par le maintien de sa propre existence, il dégénère. Scipion (Cicéron) poursuit en démontrant qu’à la différence des cités grecques, la mise en place de la constitution romaine est un fait collectif (II, 1, 2). Dès Romulus, il y a un dessein historique commun ; là est la vraie différence entre la ville réelle de Rome que dépeint Cicéron et la cité idéale de Platon sans lien avec la vie et les hommes puisque hors du temps. Cicéron, lecteur et compagnon de Platon (Platonis comes /de rep.I, fr. 3), le signale d’ailleurs dans l’introduction au livre II :  « Je vais donc, selon son [Caton] habitude, remonter, dans mon exposé, jusqu’aux origines du peuple romain. C’est un plaisir pour moi d’emprunter à Caton même son propre terme. D’ailleurs, si c’est notre Etat [res publica] que je vous montre à sa naissance, puis dans sa croissance, puis à l’âge adulte et enfin dans toute la stabilité de sa force, j’arriverai plus aisément au but fixé que si je me crée une cité imaginaire, comme Socrate le fait dans Platon. » II, 1, 3  Durant cette lente formation, on remarquera la complémentarité (qui naît de leur
opposition même) entre Romulus et Numa :                                                           15On voit es Idées, la Grèce et l’homme dÉtat, le  mpooinndder ep riactii qdueeu,x  Rmoomdeè.l es, deux civilisations : le philosophe, homme d 16Selon Platon, le besoin mutuel (RépubliqueII 369b) ; selon Aristote, l’honnêteté (PolitiqueIII, 6, 3).
 
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« (...) à la figure de Romulus, garant d’une conquête illimitée (imperium sine fine)17, s’oppose celle de Numa, garant de l’organisation interne fondée sur le culte de la limite (terminus). »18 
Extension et gestion, Scipion Emilien incarnait ces deux aspects.
 L’histoire apparaît comme l’accomplissement du dessein de la divinité, Rome en est l’achèvement. Ecoutons Tite Live (ab urbe conditaV, 54) : ... alors que les Gaulois marchent sur Rome vers 385, Camille s’oppose à l’abandon de la Ville...  « Ce n’est pas sans motif que les dieux et les hommes ont choisi cet emplacement pour y fonder Rome : des collines très saines, un fleuve commode par où descendent les produits de l’intérieur du pays et accessible au trafic maritime, la mer assez proche pour notre commodité, sans que sa proximité excessive nous expose aux attaques des flottes étrangères, enfin au centre de l’Italie une situation unique bien faite pour l’accroissement de la ville. Ici se trouve le Capitole, où jadis, après la découverte d’une tête d’homme, il fut prédit que se serait la tête du monde et le centre de l’empire. » Tite-Liveab urbe conditaV, 54  Enfin, notons que Cicéron définit la loi, une loi unique qui fait vivre la République
d’un bout à l’autre de la Méditerranée, un trait d’union entre les civilisations et les peuples asservis qui deviennent du même coup partie prenante (III, 22). Pour diriger le tout, un exécutif fort et juste, un homme qui, avalisé par le peuple, réalisera tout ce qui est potentiellement à la portée de la cité ; cet homme ce fut encore Scipion.  Le texte.  L’extrait duDe republicaque nous avons choisi (Livre II, 3-5) se décompose, à notre avis, en six paragraphes dont le premier et le dernier se font écho car tous deux instituent Romulus fondateur de l’Urbs et inspiré par les die19  ux.  · III, 5 Grandeur de Romulus qui choisit le site de Rome à mi-chemin entre la mer et la plaine du Latium ; rejet du littoral au nom d’un Etat durable, d’un Empire qui durerait longtemps soit donc au nom de l’éternité immuable de Rome. On rejoint ici la volonté d’ancrer l’Urbs dans l’éternité, de briser le cycle des ruptures et continuités, l’asilcsoanyc précitée de Polybe, l’opposition devenir / immobile, mortel / immortel du Timée20 peut se traduire dans qui l’opposition terre / mer que l’on retrouvera en IV, 7.  · III, 6 Scipion (Cicéron) expose les avantages militaires du site où l’on retrouve une allusion à la lex Gabiniaà Pompée des pouvoirs extraordinaires en matière de lutte 67 qui conférait  de
                                                          17VirgileEnéideI, 278 18frontière romaine : concepts et représentations, in Frontières d’empire.P. Trousset, La 19Nous renvoyons à nouveau le lecteur à Tite-Liveab urbe conditaV, 54. 20Cicéron ne traduira le Timée qu’en 45 mais on ne peut douter qu’il connaissait le texte de Platon bien avant cette date.
 
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