Romantisme et christianisme au Danemark - article ; n°50 ; vol.15, pg 111-124
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Description

Romantisme - Année 1985 - Volume 15 - Numéro 50 - Pages 111-124
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jorgen I. Jensen
Romantisme et christianisme au Danemark
In: Romantisme, 1985, n°50. pp. 111-124.
Citer ce document / Cite this document :
Jensen Jorgen I. Romantisme et christianisme au Danemark. In: Romantisme, 1985, n°50. pp. 111-124.
doi : 10.3406/roman.1985.4758
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1985_num_15_50_4758I. JENSEN Jorgen
Romantisme et christianisme au Danemark
A l'automne 1802 et au printemps 1803, le Dano-Norvégien
Henrich Steffens (1773-1845), philosophe et chercheur en sciences
naturelles, tint dans un foyer d'étudiants de Copenhague une série de
conférences philosophiques qui firent grand bruit dans la ville. Au cours
d'un assez long séjour en Allemagne, Steffens avait été en contact avec
Gœthe et Schiller, Fichte et Schlegel, les frères Tieck et Schelling, et ce
dernier, en particulier, avait fait une forte impression sur lui. Steffens
exposa dans ses conférences une nouvelle perspective réunissant nature,
histoire et poésie. Parmi les auditeurs — ou parmi ceux qui furent ins
pirés par ses pensées — se trouvaient un certain nombre de figures du
monde des lettres, des sciences et de l'Église danoises, qui représenter
aient plus tard le renouveau romantique appelé l'âge d'or, dans l'his
toire de la littérature danoise. C'est ainsi que les conférences de Stef
fens ont acquis une signification symbolique : elles furent l'événement
qui permit la rencontre de l'esprit du romantisme avec la mentalité da
noise, à ce moment-là extrêmement marquée par le rationalisme et la
morale utilitaire. La carrière de Steffens au Danemark, en revanche,
fut courte ; il n'obtint pas le poste universitaire dont il avait rêvé — ses
points de vue étaient trop radicaux — et il rentra en Allemagne, où il
passa le reste de sa vie à enseigner la philosophie et les sciences naturell
es dans diverses universités ; il adopta simultanément sur le plan rel
igieux un point de vue luthérien orthodoxe, ce qui correspond au déve
loppement général du siècle.
On ne peut pas dire que les conférences de Steffens suscitèrent une
adhésion massive à ses idées, mais elles créèrent une ouverture, un trou
ble et une attente. Dans la tradition littéraire danoise, il est bien connu
que c'est Steffens qui a éveillé chez le plus important des poètes romant
iques du Danemark, Adam Oehlenschlâger (1799-1850) la conscience
de sa vocation poétique. Mais en même temps, on est surpris de constat
er qu'un des personnages principaux de l'histoire de l'Église danoise de
la première moitié du siècle, plus tard évêque de Copenhague, J.P.
Mynster (1775-1854), qui avait appelé Steffens « un semeur, qui avait
une grande variété de graines », a écrit dans ses mémoires : « Bien que
sa connaissance des idées chrétiennes n'ait pas encore été formée et
sûre, ce fut pourtant de lui que partit le mouvement pour le renouveau
de la vie chrétienne au Danemark ». Et la figure la plus importante de la
vie intellectuelle danoise au XIXème siècle, N.F.S. Grundtvig (1784-
1872), qui n'appelait pas Steffens un semeur, mais « un homme de fou
dre » qui renversait la pierre de la tombe de la foi, parla de Steffens
comme de celui qui, le premier, avait montré le pouvoir de la parole
« vivante ». Jorgen I. Jensen 112
L'aspect déterminant des conférences de Steffens a donc été leur
caractère de réveil spirituel qui devient encore plus clair lorsqu'on voit
combien de fois il y utilise le mot « intuition » ; il faisait appel à quel
que chose d'inconnu jusque là, un abandon au désir et à l'aspiration,
inconscients et intuitifs, qui précèdent un acte conscient et qui sont
déterminants pour toute activité humaine. Les conférences donnent
par là au simple auditeur la possibilité d'ancrer ses actes dans les aspects
de sa personnalité qui appartiennent à un nouveau contexte, seulement
soupçonné. Cette unité du non-conscient et d'une nouvelle totalité ap
paraît à travers le monde de la nature et de l'histoire, de plus en plus
clairement religieuse :
« C'est le divin en nous qui est ce qui est un avec le tout, l'image de Dieu,
notre être véritable, qui se lève dans une intuition indéterminée, qui s'exprime
dans toute aspiration scientifique, qui s'ouvre à tout talent, qui se révèle dans
la plénitude de son éclat dans l'admirable génie ».
Ainsi, ce ne sont pas tant des opinions et des doctrines que le dé
voilement d'une dimension plus profonde — ou plus haute — de carac
tère poético-religieux, que l'on trouve lors de la percée du romantisme
au Danemark. Il se présente comme un réveil spirituel et, si l'on élargit
la perspective, l'entrée triomphale du romantisme au Danemark devient
un des nombreux réveils populaires ou religieux dont le siècle est si r
iche et qui, dans une longue perspective historique, a mené à la libre
constitution danoise de 1849 et à l'introduction du parlementarisme
en 1901.
Que l'on se sente pris dans un autre contexte que celui que l'on a
sous les yeux, qui peut accentuer le sentiment d'individualité de chacun
et donner à l'expérience personnelle une forte autorité, n'est pas un
phénomène inconnu du christianisme dans la culture européenne. Ce
genre d'idée se trouve probablement derrière tout renouveau religieux,
il est lié au singulier mélange de tradition et de révolution qui existe
dans le christianisme même, lequel, d'une certaine manière, peut être vu
comme la transmission du renouveau - une tradition qui transmet le
matériel de sa propre critique. Ce qu'il y avait de nouveau chez Steffens,
c'était que le contexte religieux contenait à la fois des éléments de chri
stianisme et de connaissance de la nature, de mythologie païenne et de
réflexions sur l'histoire universelle ; il soulignait par exemple, de manièr
e caractéristique, le rôle du Moyen Age et en particulier de la poésie
provençale, dans la naissance de la poésie moderne. Mais l'ambiguïté
qui réside le fait que tant le poète inspiré que le théologien lié à
une Eglise d'Etat, le psalmiste prophétique, l'historien universel, l'édu
cateur du peuple puissent être attirés par la nouvelle manière de penser,
se maintient pendant une longue période dans la tradition danoise. On a
souvent remarqué à ce sujet que le romantisme a été plus religieux et
plus ecclésiastique au Danemark qu'en Allemagne, parce que, entre
autres, l'Eglise a connu un essor au début du siècle. Mais, à la lumière
des recherches sur le romantisme, on peut sans doute dire également
que s'est développée une autre manière religieuse de penser, si bien que
l'Eglise et le christianisme traditionnel n'ont été qu'une partie du paysa
ge mental et religieux dans son ensemble. Dans le rapport entre roman- Romantisme et christianisme au Danemark 113
tisme et christianisme au Danemark, il n'est donc pas tant question du
développement artistique en soi ou d'une évolution à l'intérieur de l'in
stitution de l'Eglise, que de la percée d'une nouvelle conscience élargie
de caractère religieux, ce qui implique une transformation du christi
anisme transmis.
Dans la première partie du siècle, les activistes du mouvement de
rassemblement religieux du petit peuple, influencé par le piétisme,
entraient régulièrement en conflit avec l'institution ecclésiastique et les
prêtres rationalistes. Les activistes profanes de la campagne se trouvaient
très loin de la culture établie de la capitale et ils pensaient qu'il n'y avait
qu'un seul problème, une seule nécessité, la conversion. Mais cela n'em
pêche pas que, comme les romantiques, ils s'abandonnaient à leur pro
pre expérience et à leur aventure religieuse, contrevenant à la prédica
tion de l'Eglise. Par exemple, le fermier fionien Kristen Madsen, qui
avait été emprisonné à cause de réunions religieuses illégales, écrivait à
sa sœur Maren Madsdatter en 1 822 :
«... je t'en avertis encore une fois et je t'en prie, chère sœur ! Prends soin de
ta précieuse âme et commence cette œuvre importante, la conversion ; sinon
tu s

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