« Rough Music » : le charivari anglais - article ; n°2 ; vol.27, pg 285-312
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1972 - Volume 27 - Numéro 2 - Pages 285-312
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Edward P. Thompson
« Rough Music » : le charivari anglais
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 27e année, N. 2, 1972. pp. 285-312.
Citer ce document / Cite this document :
Thompson Edward P. « Rough Music » : le charivari anglais. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 27e année, N. 2,
1972. pp. 285-312.
doi : 10.3406/ahess.1972.422501
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1972_num_27_2_422501FRONTIÈRES NOUVELLES
« Rough Music » : Le Charivari anglais
rituelles « Rough d'hostilité music envers » est des le terme individus généralement ayant enfreint utilisé certaines pour désigner règles de des la communformes
auté \ C'est, dans l'ensemble, la même idée qui est exprimée par le français charivari,
l'italien scampanate, et par plusieurs mots allemands désignant des coutumes simi
laires : haberfeld treiben, thierjagen, et katzenmusik 2. Cet article se fonde, pour
l'essentiel, sur les sources anglaises et galloises, et j'ai conscience qu'il ne présente
pas le matériel nécessaire à des appréciations comparatives. Il atteindra cependant
son but s'il amène des chercheurs plus informés des autres cultures populaires euro
péennes à établir ces comparaisons (et ces contrastes), et inaugure ainsi un échange
de vues. Un tel échange de vues est d'ailleurs d'autant plus nécessaire que le problème
du charivari en pose lui-même quelques autres d'un certain intérêt théorique, liés
aux règles communautaires et à toutes formes de loi non-écrite : problèmes auxquels
les chercheurs se sont trouvés confrontés après s'être contentés de constatations
trop limitées et non critiques.
— II —
« Rough music » est, comme « charivari », un terme générique. Mais, à l'intérieur
même des Iles Britanniques, il existe des formes rituelles si variées qu'il est possible
de les considérer comme des formes distinctes. A la base de tous les rituels élaborés
1. U Oxford English Dictionnary (Oxford, 1933) indique un premier usage du terme « rough
music » dans ce sens en 1708. Auparavant les termes régionaux comme « skimmington » et « riding
the stang » étaient sans doute plus généralement utilisés; à ce sujet voir Joseph Wright, The English
Dialect Dictionnary (Londres, 1896-1905, 8 vol.).
2. Pour les sources françaises, voir plus bas les différentes références. Pour l'Italie, A del Vec-
cmo, Le Seconde Nozze (Florence, 1885), en particulier pp. 290-301, « Sugli scherni aile nozze del
vedovi ». Pour l'Allemagne, brève bibliographie dans E. Hoffman-Krayer & H. Bachtold-
Staubli, Handworterbuch des Deutschen Aberglaubens (Berlin, 1931-1932), éléments sur la « Kat
zenmusik », « Haberfeldtreiben », « Thierjagen », etc., et George Phillips, Ueber den Ur spring der
Katzenmusiken (Freiburg-in-Breisgau, 1849). Pour la Suisse, l'intéressante étude de L. Junod,
■« Le charivari au pays de Vaud dans le premier tiers du xxxe siècle », Schweizerisches Archiv fur
Volkskunde, XLVH (Zurich, 1950), pp. 114-129.
285
Annale* (27* année, mars-avril 1972, n° 2) 1 FRONTIÈRES NOUVELLES
on peut trouver des manifestations humaines fondamentales : cris perçants d'une
voix éraillée, rire grinçant et impitoyable, et mimiques obscènes. Le tout accom
pagné, selon la description de Thomas Hardy, par « le tintamare des fendoirs, pinces,
tambourins, trousseaux de clés, crins-crins, arcs à bouche, serpents » *, cornes de
bélier; et autres instruments historiques 3. Mais si de tels instruments « historiques »
n'étaient pas à portée de la main, le roulement de cailloux dans une bouilloire en
fer-blanc — ou n'importe quelle improvisation avec des boîtes de conserves et des
pelles — faisait l'affaire.
Il ne s'agit cependant pas seulement du bruit, bien qu'un bruit moqueur (faible
ou sauvage) soit toujours présent. Le bruit n'est qu'une partie d'une manifestation
d'hostilité ritualisée, même si, dans les formes (peut-être altérées?) rapportées par
des descriptions de la fin du xixe siècle, le rituel s'est simplifié jusqu'à quelques
bribes mirlitonesques ou à la répétition de la « musique » pendant plusieurs nuits.
Dans d'autres cas le rituel pouvait être plus complexe, et comprendre la promenade
de la victime (ou d'un substitut) sur un poteau ou un âne; des déguisements et des
danses; des récitatifs élaborés; le mime d'une chasse rituelle; ou (très fréquemment)
le défilé et l'embrasement d'effigies; ou, bien sûr, des combinaisons variées de tous
ces éléments. Il s'agit bien ici d'une certaine catégorie de formes rituelles. Cette
catégorie est certainement commune à l'Europe entière et d'une origine très an
cienne 4. En Angleterre les rituels formaient une gamme s 'étendant de la joyeuse
raillerie jusqu'aux sarcasmes de la plus grande brutalité. Les « shallals » des Cor-
nouailles n'étaient sans doute qu'un commentaire discret de la communauté sur le
fiancé ou la fiancée, sur leur réputation sexuelle auparavant, et sur ce qui était tenu
pour leur bon ou mauvais assortiment 5. Cette coutume, qu'on peut rapprocher des
polter-abends saxons e et peut-être de la cencerrada andalouse 7, passa de l'autre
* Instrument à vent au son grave, d'à-peu-près 2 mètres et demi, fait de bois recouvert de cuir.
(Oxford Dictionary).
3. Voir le roman parfaitement observé de Thomas Hardy, The Mayor of Casterbridge (1884).
Comparer avec Diderot et d'Alembert, Encyclopédie (Paris, 1753 éd.), p. 208 : « bruit de dérision,
qu'on fait la nuit avec des poêles, des bassins, des chaudrons, etc. »; A. van Gennep, Manuel de
folklore français contemporain (Paris, 1946), I, ii, p. 616 : « chaudrons, casseroles, sonnettes, cloches
à vaches, grelots de chevaux ou de mulets, faux, morceaux de fer et de zinc, trompes en corne », etc.
Cf. G. Gabrielu. « La ' Scampanata ' о * Cocciata ' nelle nozze délia vedova », Lares, II (Rome,
1931), pp. 58-61.
4. Voir V. Alford, infra note 46, p. 507. P. Saintyves, « Le charivari de l'adultère et les courses
à corps nus », L'Ethnographie, 1935 (Paris), pp. 7-36, fait un exposé général des punitions et humil
iations pour adultère, mais il faut reconnaître avec Lévi-Strauss que, en ce qui concerne les rites
du charivari, la plupart de ses exemples ne sont pas pertinents. Y apparaissent cependant des simi
litudes frappantes entre les rites relevés en Perse et en Inde du Nord (Saintyves, pp. 22 et 28), et le
rite brutal et sadique observé par Gorki en Crimée : voir A. Bricteux, « Le châtiment populaire de
l'infidélité conjugale », Revue Anthropologique, XXXII (1922), pp. 323-328. Pour la Hongrie, voir
Tekle Domster dans Acta Ethnographica Academice Scientarum Hungaricae, VI (Pest, 1958), pp. 73-
89.
5. Voir M. A. Courtney, « Cornish Folk-lore », dans Folk-lore Journal, V (Londres, 1887),
pp. 216-217; A. L. Rowse, A Childhood (Londres, 1942), pp. 8-9.
6. Pour une bonne description de ce rite, où on brisait poteries contre la porte des jeunes mariés,
voir Henry Mayhew, German Life and Manners as in Saxony at the Present Day (Londres, 1864),
I, p. 457.
7. Voir J. A. Pitt-Rivers, The People of the Sierra (Londres, 1954), pp. 169 ss.
286 LE CHARIVARI ANGLAIS E. P. THOMPSON
côté de l'Atlantique, et survit peut-être encore dans certaines parties des États-
Unis sous la forme des « shivarees » 8.
A l'autre extrémité de la gamine, la « chasse au cerf » du Devon était un des
rituels psychologiquement les plus brutaux. Dans celle-ci un jeune homme affublé de
cornes (et parfois de la dépouille) faisait office de substitut de la victime. Sa « décou
verte », concertée au préalable, pouvait avoir lieu dans un bois près du village, et
il était pourchassé par la « meute » (les jeunes du village) à travers les rues, les cours
et les jardins, dépisté et forcé hors des ruelles et des étables. La chasse continuait
pendant une heure et plus, et, avec un raffinement psychologique sadique, le « cerf »
évitait, jusqu'à la mise à mort finale, de trop s'approcher de la maison de la victime
désignée. Finalement la mise à mort avait lieu, lente, brutale et réal

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