Scène judiciaire et mobilisation politique. Les actions en justice des représentants de la communauté harkie - article ; n°1 ; vol.24, pg 45-58
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Description

Pôle Sud - Année 2006 - Volume 24 - Numéro 1 - Pages 45-58
For a few years, a clear evolution can be observed in the way the former harkis _ meaning members of the indigenous population (Muslim by religion and either Arabic or Berber-speaking) who joined the French army as auxiliary soldiers at the time of the Algerian War of Independence and found safety only at the price of exile in france afterwards — and their children mobilize themselves in the public sphere , evolution marked by the 'judiciarization ' of their claims. Indeed, mainly since the summer 2001, associative actors multiplied legal actions. These actions (action for defamation, « apologie de crime de guerre » or « crime against humanity and complicity »), with the difference of the traditional contentious procedures launched to settle disagreements between private individuals, have a clearly claiming optics, which breaks with the normal course of justice: the idea is not only to make justice but also, and perhaps especially, to foster memory. The court is used here as a political and media forum, and what is expressed there does not have vocation to remain confined, quite to the contrary. These actions occur in a context where, beyond this specific example, it is the whole of memory conflicts relating to the Algerian war of Independence which seek in this « legal forum » a new outlet. This concomitance clearly testifies that the recourse to the legal third party seems from now on a strong method of political management and uses of the memory of the Algerian war of Independence. But what does this sudden and overall request for legal institution intermediation mean more than forty years after the conclusion of the ceasefire agreements? Is it possible to speak of an « abuse » of justice in this respect ?
L'on assiste, depuis quelques années, à une rupture dans les logiques d'action collective de la communauté harkie, rupture marquée par la judiciarisation des revendications portées par cette communauté. De fait, les acteurs associatifs qui en sont issus, ou qui s'en réclament, ont multiplié les actions en justice, et ce principalement depuis l'été 2001. Ces actions (actions en diffamation, plaintes pour « apologie de crime de guerre », plaintes pour « crime contre l'humanité et complicité »), à la différence des procédures contentieuses classiques lancées pour régler des différends entre particuliers, ont une optique clairement revendicative, qui rompt avec le cours normal de la justice : l'idée est non seulement de faire justice mais aussi, et peut-être surtout, de faire mémoire. Le prétoire sert ici de strapontin politique et médiatique, et ce qui s'y exprime n'a pas vocation à y rester confiné, bien au contraire. Ces actions prennent place dans un contexte où, par-delà cet exemple spécifique, c'est l'ensemble des conflits de mémoire liés à la guerre d'Algérie qui cherchent dans le « strapontin judiciaire » un nouvel exutoire. Cette concomitance témoigne clairement de ce que le recours au tiers judiciaire apparaît désormais comme une modalité forte de la gestion et des usages politiques de la mémoire de la guerre d'Algérie. Mais pourquoi, au juste ? Que signifie cette sollicitation subite et tous azimuts de l'institution judiciaire plus de quarante ans après la conclusion des accords d'Évian et l'accession à l'indépendance de l'Algérie ? Et que penser du malaise, exprimé par certains commentateurs, d'un mésusage ou d'un « abus » de justice à ce propos ?
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2006
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Emmanuel Brillet
Scène judiciaire et mobilisation politique. Les actions en justice
des représentants de la communauté harkie
In: Pôle Sud, N°24 - 2006. pp. 45-58.
Citer ce document / Cite this document :
Brillet Emmanuel. Scène judiciaire et mobilisation politique. Les actions en justice des représentants de la communauté harkie.
In: Pôle Sud, N°24 - 2006. pp. 45-58.
doi : 10.3406/pole.2006.1263
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pole_1262-1676_2006_num_24_1_1263Abstract
For a few years, a clear evolution can be observed in the way the former "harkis" _ meaning members
of the indigenous population (Muslim by religion and either Arabic or Berber-speaking) who joined the
French army as auxiliary soldiers at the time of the Algerian War of Independence and found safety only
at the price of exile in france afterwards — and their children mobilize themselves in the " public sphere
", evolution marked by the 'judiciarization ' of their claims. Indeed, mainly since the summer 2001,
associative actors multiplied legal actions. These actions (action for defamation, « apologie de crime de
guerre » or « crime against humanity and complicity »), with the difference of the traditional contentious
procedures launched to settle disagreements between private individuals, have a clearly claiming
optics, which breaks with the normal course of justice: the idea is not only to make justice but also, and
perhaps especially, to foster memory. The court is used here as a political and media forum, and what is
expressed there does not have vocation to remain confined, quite to the contrary. These actions occur
in a context where, beyond this specific example, it is the whole of memory conflicts relating to the
Algerian war of Independence which seek in this « legal forum » a new outlet. This concomitance clearly
testifies that the recourse to the legal third party seems from now on a strong method of political
management and uses of the memory of the Algerian war of Independence. But what does this sudden
and overall request for legal institution intermediation mean more than forty years after the conclusion of
the ceasefire agreements? Is it possible to speak of an « abuse » of justice in this respect ?
Résumé
L'on assiste, depuis quelques années, à une rupture dans les logiques d'action collective de la
communauté harkie, rupture marquée par la judiciarisation des revendications portées par cette
communauté. De fait, les acteurs associatifs qui en sont issus, ou qui s'en réclament, ont multiplié les
actions en justice, et ce principalement depuis l'été 2001. Ces actions (actions en diffamation, plaintes
pour « apologie de crime de guerre », plaintes pour « crime contre l'humanité et complicité »), à la
différence des procédures contentieuses classiques lancées pour régler des différends entre
particuliers, ont une optique clairement revendicative, qui rompt avec le cours normal de la justice :
l'idée est non seulement de faire justice mais aussi, et peut-être surtout, de faire mémoire. Le prétoire
sert ici de strapontin politique et médiatique, et ce qui s'y exprime n'a pas vocation à y rester confiné,
bien au contraire. Ces actions prennent place dans un contexte où, par-delà cet exemple spécifique,
c'est l'ensemble des conflits de mémoire liés à la guerre d'Algérie qui cherchent dans le « strapontin
judiciaire » un nouvel exutoire. Cette concomitance témoigne clairement de ce que le recours au tiers apparaît désormais comme une modalité forte de la gestion et des usages politiques de la
mémoire de la guerre d'Algérie. Mais pourquoi, au juste ? Que signifie cette sollicitation subite et tous
azimuts de l'institution judiciaire plus de quarante ans après la conclusion des accords d'Évian et
l'accession à l'indépendance de l'Algérie ? Et que penser du malaise, exprimé par certains
commentateurs, d'un mésusage ou d'un « abus » de justice à ce propos ?1
Scène judiciaire et mobilisation politique.
Les actions en justice des
représentants de la communauté harkie
Emmanuel Brillet
CREDEP, Université Paris IX-Dauphine
Rêsumél Abstract
L'on assiste, depuis quelques années, à une rupture dans les logiques d'action collective
de la communauté harkie, rupture marquée par la judiciarisation des revendications por
tées par cette communauté. De fait, les acteurs associatifs qui en sont issus, ou qui s'en
réclament, ont multiplié les actions en justice, et ce principalement depuis l'été 2001. Ces
actions (actions en diffamation, plaintes pour « apologie de crime de guerre », plaintes pour
« crime contre l'humanité et complicité »), à la différence des procédures contentieuses clas
siques lancées pour régler des différends entre particuliers, ont une optique clairement
revendicative, qui rompt avec le cours normal de la justice : l'idée est non seulement de faire
justice mais aussi, et peut-être surtout, de faire mémoire. Le prétoire sert ici de strapontin
politique et médiatique, et ce qui s'y exprime n'a pas vocation à y rester confiné, bien au
contraire. Ces actions prennent place dans un contexte où, par-delà cet exemple spécifique,
c'est l'ensemble des conflits de mémoire liés à la guerre d'Algérie qui cherchent dans le
« strapontin judiciaire » un nouvel exutoire. Cette concomitance témoigne clairement de
ce que le recours au tiers judiciaire apparaît désormais comme une modalité forte de la ges
tion et des usages politiques de la mémoire de la guerre d'Algérie. Mais pourquoi, au juste ?
Que signifie cette sollicitation subite et tous azimuts de l'institution judiciaire plus de qua
rante ans après la conclusion des accords d'Évian et l'accession à l'indépendance de l'Algé
rie ? Et que penser du malaise, exprimé par certains commentateurs, d'un mésusage ou d'un
« abus » de justice à ce propos ?
in France afterwards _ of the — Algerian and their War chil- of
' ■< public sphere », evolution marked by the 'judiciarization of
their claims. Indeed, mainly since the summer 2001, associative actors multiplied legal actions.
These actions (action for defamation, « apologie de crime de guerre » or « crime against human
ity and complicity »), with the difference of the traditional contentious procedures launched to
settle disagreements between private individuals, have a clearly claiming optics, which breaks
with the normal course of justice: the idea is not only to make justice but also, and perhaps espe
cially, to foster memory. The court is used here as a political and media forum, and what is
expressed there does not have vocation to remain confined, quite to the contrary. These actions
occur in a context where, beyond this specific example, it is the whole of memory conflicts rela
ting to the Algerian war of Independence which seek in this « legal forum » a new outlet. This
concomitance clearly testifies that the recourse to the legal third party seems from now on a strong
method of political management and uses of the memory of the Algerian war of Independence.
But what does this sudden and overall request for legal institution intermediation mean more
than forty years after the conclusion of the ceasefire agreements? Is it possible to speak of an
« abuse » of justice in this respect ?
Mots-Ciésl Keywords
Amnistie, crime, Harki, justice, massacre, mémoire, mobilisation, oubli, responsabilité,
Amnesty, crime, Harki, justice, massacre, memory, mobilization, oblivion, responsibility and accountability
PÔLE SUD № 24 • 1/2006 p. 45 à 58 HARKIS, RAPATRIÉS PIEDS-NOIRS,
L'on assiste, depuis quelques années, à une rupture dans les logiques d'action collective
de la communauté harkie, rupture marquée par la judiciarisation des revendications portées
par cette communauté1. De fait, les acteurs associatifs qui en sont issus, ou qui s'en récl
ament, ont multiplié les actions en justice, et ce principalement depuis l'été 2001. Ces
actions, à la différence des procédures contentieuses classiques lancées pour régler des dif
férends entre particuliers, ont une optique clairement revendicative, qui rompt avec le cours
normal de la justice : l'idée est non seulement de faire justice mais aussi, et peut-être sur
tout, de faire mémoire. Le prétoire sert ici de strapontin politique et médiatique, et ce qui
s'y exprime n'a pas vocation à y rester confiné, bien au contraire. Ainsi, pour Me Emman
uel Altit, l'un des avocats sollicités par les associations et fam

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