Shahrâzâd à l aube du romantisme - article ; n°78 ; vol.22, pg 43-59
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Shahrâzâd à l'aube du romantisme - article ; n°78 ; vol.22, pg 43-59

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Description

Romantisme - Année 1992 - Volume 22 - Numéro 78 - Pages 43-59
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Margaret Sironval
Shahrâzâd à l'aube du romantisme
In: Romantisme, 1992, n°78. pp. 43-59.
Citer ce document / Cite this document :
Sironval Margaret. Shahrâzâd à l'aube du romantisme. In: Romantisme, 1992, n°78. pp. 43-59.
doi : 10.3406/roman.1992.6077
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1992_num_22_78_6077Margaret SIRONVAL
Shahrâzâd à l'aube du romantisme
Inventée en Orient autour du Ville siècle par un conteur anonyme, découverte
par l'Occident au X Ville siècle, l'histoire de Shahrâzâd et de ses contes a fait
l'objet de présentations et d'appropriations multiples dans les textes imprimés et
dans leurs images. L'importance narrative de la conteuse dans le recueil qu'elle a
fait naître a été l'objet de plusieurs études sur la signification du récit inaugural
par rapport aux contes qui composent le recueil et à leurs formes littéraires, orale,
écrite, populaire ou lettrée. Toutes ces études font l'éloge du dessein ingénieux du
conteur ou de l'écrivain anonyme qui mit en place ce scénario où la conteuse
relance perpétuellement l'intérêt de son auditoire par la promesse de récits toujours
plus étonnants J. L'Occident a fait connaissance du recueil des Mille et une Nuits
par l'intermédiaire de l'imprimé, avec la traduction française d'Antoine Galland,
publiée en 1704 dans le premier tome d'une série de douze volumes dont le dernier
paraît en 1717.
Du conte à l'imprimé
Comment s'est articulé le passage du récit au livre ? Quels ajustements ou
variations se sont opérés entre le conte et ses différentes éditions ? Ces questions
n'ont pas encore été posées pour le contexte imprimé des Mille et une Nuits.
Cependant quelques recherches récentes et pionnières ont abordé les contes dans
cette perspective. En particulier les études consacrées au corpus de contes déjà très
en vogue au moment de la publication des Mille et une Nuits : les Contes de
Perrault, nous fournissent d'intéressants exemples d'analyse z.
Sous le terme de "texte" nous avons inclus toutes les informations verbales,
visuelles données par les pages imprimées et par les illustrations. La prise en
compte de l'image et son étude doivent beaucoup aux dernières réflexions sur la
notion d'élargissement du concept de texte, à l'attention portée aux effets de sens
produits par les œuvres matérielles 3. Lues et relues, éditées et rééditées, chaque
nouvelle lecture et chaque nouvelle édition se chargent des valeurs culturelles du
lecteur et créent de nouvelles relations au récit. Ainsi s'éclairent sur bien des
points les habitudes de lecture et les processus de production, de transmission et
de réception des textes, applicables aux contes et à leurs éditions 4.
Nous avons suivi ces variations dans les éditions françaises des Mille et une
Nuits et dans leurs éditions anglaises. En effet, l'Angleterre a été la première à les
ROMANTISME n°78 (1992 - IV) 44 Margaret Sironval
traduire du français et à les diffuser sous cette forme jusqu'à la découverte de
nouveaux manuscrits arabes et à leur traduction, en 1840, par Edward Lane.
L'ellipse d'un personnage central
Shahrâzâd est un personnage capital du récit inaugural des Nuits : c'est par sa
voix qu'un conteur a eu l'idée de tisser une trame de contes destinés à convaincre
un roi, trompé par sa femme, de renoncer à faire tuer chaque matin son épouse de
la nuit. La stratégie de Shahrâzâd consiste à interrompre son récit au moment où
le jour se lève en sorte que le roi, curieux de connaître la suite, remet au
lendemain l'exécution de la jeune femme, et ainsi durant mille et une nuits.
La création du personnage de la conteuse contribue à donner une cohérence au
recueil, à créer son unité. Il est entendu que cette unité peut être remise en
question par le nombre de contes qui y sont entrés longtemps après les premiers
témoignages de l'existence de la conteuse et par les opinions diverses qui mettent
en cause sa nécessité stratégique. Il n'en demeure pas moins que, sans Shahrâzâd,
aussi artificielle que peut être sa fonction, il n'y aurait peut-être pas eu de recueil
intitulé : Les Mille et une Nuits 5.
Shahrâzâd est devenue le mythe littéraire du recueil des Nuits au début du XXe
siècle 6 et chacun connaît la vogue dont ont joui depuis le milieu du XIXe siècle
son personnage et son histoire, suscitant toutes sortes d'adaptation dans la
musique, la danse, le théâtre, le roman, la poésie, le cinéma 7.
Mais tel n'a pas toujours été le cas. Au cours des premiers temps éditoriaux,
le récit inaugural a été présenté comme un prétexte introductif à une collection de
contes divertissants. Dès son entrée sur la scène française par le biais de la
traduction d'Antoine Galland 8, Shahrâzâd est l'objet d'un traitement à part : son
rôle rédempteur n'est signalé ni dans les formes du livre, ni dans ses images. La
conteuse demeure dans les coulisses du livre comme productrice de contes,
totalement extérieure au drame de ce premier récit. A quoi doit-elle cette tardive
célébrité ? A quel parcours initiatique le lecteur Га-t-il condamnée ? Plusieurs
éléments de réponse nous ont été fournis en substituant à ces questions une autre
interrogation qui met en jeu les problèmes de l'auteur du recueil, la fonction du
conte et le rôle de la conteuse. Dans quelle mesure les dispositifs formels ont-ils
participé à l'effacement de Shahrâzâd dans la présentation du récit introductif des
Nuits et dans son illustration ?
Qui est l'auteur des Nuits ? Quoique le recueil soit classé dans la rubrique
"anonyme", cette question est demeurée toujours plus ou moins sous-jacente à
l'accueil du livre dans les milieux lettrés. Galland les a "mis en français" selon ses
propres termes, contrairement à ceux que son éditeur, la veuve Claude Barbin,
imprime contre son gré, lors de la sortie du premier volume des Nuits, où elle
indique : Contes "traduits". Voici ce qu'il écrit à son ami Gisbert Cuper, en août
1702 : "L'original est en arabe et je dis mis en français parce que ce n'est pas une
version attachée précisément au texte, qui n'aurait pas fait plaisir aux lecteurs. Shahrâzâd à l'aube du romantisme 45
C'est, autant qu'il m'a été possible, l'arabe, rendu en bon français, sans m'estre
attaché servilement au mots". Nous n'entrerons pas ici dans la querelle qui oppose
Galland à son éditeur, mais cette qualification, erronée par rapport au projet de
Galland, a contribué à susciter envers leur "auteur" des analyses critiques d'une
traduction qu'il n'a pas prétendu faire. Quoi qu'il en soit, Galland a assuré
longtemps et seul leur paternité, jusqu'à ce que d'autres traducteurs prennent le
relais et marquent à leur tour de leur empreinte le recueil des Nuits. En tout cas, la
veuve Barbin ne s'y était pas trompée : la mention "contes mis en français",
voulue par Galland, renvoyait à un auteur anonyme, tandis que "contes traduits"
conservait l'ambiguïté d'un auteur potentiel et avait plus de chance d'attirer un
public lettré 9.
De toute façon, Shahrâzâd ne pouvait pas occuper la place laissée vacante par
cette mention "d'auteur inconnu". Elle n'était pas la création de Galland, comme la
nourrice conteuse fut l'intermédiaire désignée de Perrault, et surtout son statut
"oral" la privait, aux yeux de la critique littéraire, de toute initiative créatrice.
Qui est Shahrâzâd ? Cette question de l'auteur des Nuits est reprise et
développée, au XIXe siècle, dans les discussions des érudits soucieux de savoir
encyclopédique, et dans les commentaires des historiens de la littérature sur les
origines du recueil. Pour traduire ce besoin d'identification, le problème de la
personnalité de la conteuse est posé : est-elle un personnage historique ? Les
études sur ce sujet n'ont pas eu de suite, car rien finalement n'a permis d'

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