Silvio Berlusconi, figure symbolique du commanagement - article ; n°1 ; vol.32, pg 137-162
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Description

Quaderni - Année 1997 - Volume 32 - Numéro 1 - Pages 137-162
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Musso
Silvio Berlusconi, figure symbolique du "commanagement"
In: Quaderni. N. 32, Printemps 1997. pp. 137-162.
Citer ce document / Cite this document :
Musso Pierre. Silvio Berlusconi, figure symbolique du "commanagement". In: Quaderni. N. 32, Printemps 1997. pp. 137-162.
doi : 10.3406/quad.1997.1196
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/quad_0987-1381_1997_num_32_1_1196IDossier
La situation italienne a souvent été consi
dérée comme un "laboratoire" social en EuSilvio
rope. Du point de vue de la dérégulation
audiovisuelle aussi. Ainsi de l'émergence
d'un groupe de communication, la Fininvest Berlusconi,
et de son dirigeant, figure médiatico-politi-
que, Silvio Berlusconi, devenu chef de parti
figure
politique et qui fut même en 1994, Président
du Conseil italien.
symbolique
Le "phénomène Berlusconi", c'est-à-dire
l'accession au pouvoir, dans une grande
du démocratie européenne, d'un chef d'entre
prise de communication, mérite attention et
"commanagement" analyse approfondie.
Rappelons que Silvio Berlusconi s'est lancé
en politique en décembre 1993 quelques
mois avant les législatives de mars 1994. Il
avait alors créé un parti politique Forza
Italia, et avait gagné les élections législatiPierre
ves en alliance avec la Ligue Lombarde
Musso d'Umberto Bossi et le parti Alleanza
Nazionale (ex-MSI) de Gianfranco Fini. Il
devint Président du Conseil durant neuf
mois, jusqu'en décembre 1994. L'année suiEnseignant chercheur à
vante, il remportait à nouveau, les élections Paris I Sorbonne
européennes et divers référendums qui conet Paris IXDauphine
cernaient la télévision, mettant enjeu direc
tement ses intérêts de patron de la Fininvest,
en juin 1995(1).
Mais en avril 1 996, il a perdu les législatives
QUADERNI N'32 PRINTEMSP 1997 SILVIO BERLUSCONI 137 (de peu, et après une rupture de l'alliance que, poussée à son paroxysme avec l'en
avec Bossi qui avait déjà entraîné son dé quête Mani Pulite (la politique est corrom
part du gouvernement), au profit de la coa pue) et plus profondément qu'il est porté
lition de centre-gauche de l'Olivier emmen par une critique générale de l'État national,
ée par Romano Prodi. Toutefois son parti, conduite notamment par La Ligue du Nord
Forza Italia, demeure le premier parti polit et Forza Italia. En effet, la stratégie de
ique italien et Silvio Berlusconi s'est désor Berlusconi a été ordonnée par une opposi
mais installé en leader de l'opposition de tion constante durant vingt ans, visant à
centre-droit, face au gouvernement Prodi. dresser la figure symbolique neuve de l'en
treprise de communication, face aux institu
Nous voudrions dans cet article analyser tions traditionnelles de l'appareil d'État.
ce "phénomène Berlusconi" qui a suscité,
notamment en France, des analyses réacti Notre hypothèse est que la crise de l'État
vant la thèse "des effets" des médias, sur le Nation et de la représentation politique, dont
mode : si Berlusconi a gagné les élections et les partis politiques traditionnels sont l'ex
s'est installé en politique, c'est parce qu'il pression, a permis et même suscité le phé
était propriétaire de trois grandes chaînes nomène berlusconien. Cela revient à dire que
commerciales de télévision. Autrement dit, l'intégration sociale et culturelle se fait du
qui contrôlerait les médias - qui à leur tour rant les années 1990, par la grande entre
font l'opinion publique - contrôlerait la so prise de communication transnationale beau
ciété. Ce modèle benthamien de la sur coup plus que par l'État et les partis polit
veillance sociale par un centre d'émission iques qui lui sont liés.
de messages n'est pas un analyseur eff
icace du phénomène. CRITIQUE DE LA THÈSE DE
LA (tTÉLÉCRATIE" OU DE LA
Notre point de vue est que le phénomène "VIDÉOCRACY(2)"?
Berlusconi s'inscrit, au début des années
1990, comme un remède à la crise de la r Si Berlusconi a su faire rêver et conquérir le
eprésentation politique en Italie (effondre pouvoir, ce fut pour la plupart des observat
ment ou disparition des partis politiques tra eurs, parce qu'il possédait trois grands ré
ditionnels, notamment la DC et le PSI qui seaux nationaux de télévision qui forment,
dominaient la vie politique depuis l'après- informent et produisent l'imaginaire social.
guerre), à la critique généralisée du Car qui contrôlerait le "quatrième pouvoir",
138* SILVIO BERLUSCONI QUADERNI N'32 - PRINTEMPS 1997 nes de télévision sont simplistes. En effet, tiendrait les autres.
elles s'appuient sur la théorie
fonctionnaliste des "effets" des médias. En France, les premiers commentaires ve
nus des dirigeants politiques ou des "poli Cette thèse a deux présupposés : d'une part,
tologues" ont tous fonctionné sur ce mod la propriété de médias vaudrait définition
èle : Laurent Fabius qualifia le phénomène de leur contenus et de leurs productions, et
de "télé-populisme", à la une du journal Le d'autre part, les médias agiraient directement
Monde, Alain Duhamel théorisa sur la sur les opinions publiques (in)formant leurs
"télécratie" et l'Événement du Jeudi fit sa choix et leurs comportements politiques et
couverture sur le "télé-fascisme"(3). Le phé sociaux.
nomène Berlusconi était si dérangeant et si
neuf par rapport aux rationalités tradition Dans cette approche, la télévision est trans
nelles du politique en Europe qu'il fallait de formée en simple instrument de manipulat
toute urgence le classer dans des formules- ion, alors qu'elle est d'abord un lien social,
boîtes, comme pour mieux le conjurer. c'est-à-dire un rapport entre une société et
son imaginaire. Le rapport social qu'elle
Les analyses du phénomène comme effet constitue (avec multiples médiations) est
mécanique de la possession de trois réduit par la théorie fonctionnaliste à une
Principaux Programmation Programmation Résultats
partis de la RAI de Finivest électoraux
politiques pendant la pendant la de mars 1994
campagne campagne (% des voix)
électorale électorale
(% du temps) (% du temps)
Forza Italia 12,5 19,8 20,0
AN 9,3 5,5 13,6
Ligue du Nord 10,7 9,5 9,1
PPI 9,0 9,6 112
PDS 12,5 10,6 21,6
Patto 6,4 4,5 4,4
RC 3,3 6,4 6,6
Verts 3,4 4,3 2,8
d'après Paul Statham, o.c, pages 552 et 533.
QUADERNI N'32 - PRINTEMPS 1997 SILVIO BERLUSCONI 139 à un instrument et finalement à était une façon directe de préserver des intechnique,
un objet. térêts économiques, sans médiations ni con
tradictions.
Les chiffres ci-dessus montrent qu'il n'y a
aucun lien entre la programmation de la RAI Toutes ses interprétations sont réductrices,
car elles s'appuient sur l'a priori d'une manet de Fininvest pendant la campagne élec
torale de mars 1994 qui aboutit à la victoire ipulation, écartant l'originalité et la comp
électorale de Berlusconi et les résultats élec lexité du phénomène Berlusconi. Autre
toraux : toutes deux ont sous-estimé l'i ment dit, un raisonnement linéaire est établi
nfluence de Alleanza Nationale (AN) et du entre la propriété de médias audiovisuels, le
PDS, même si les chaînes de Berlusconi ont contrôle de leurs contenus et formes, et in
mieux préfiguré les résultats électoraux que fine, de l'opinion publique, sur le modèle
la RAI "lotizzée" par les partis politiques canonique des théories linéaires de l'infor
antérieurement dominants (DC rebaptisée mation, "Émetteur-Canal-Récepteur", accor
PPLPSIetPDS). dant une toute-puissance à l'émetteur.
Une autre explication a été fournie par Constater que la politique (particulièrement
l'instrumentalisation de Berlusconi lui- en période électorale) se fait à la télévision
même, qui serait moins un manipulateur est devenue une banalité et parler de "poli
tique télévisée" relève du pléonasme. Frand'opinion, que l'homme de "pouvoirs oc
cultes"^) dont l'Italie est friande : mafia

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