Sociétés secrètes et finances publiques: fraudes et fraudeurs à Veracruz aux XVII et XVIII siècles - article ; n°2 ; vol.26, pg 103-128
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Mélanges de la Casa de Velázquez - Année 1990 - Volume 26 - Numéro 2 - Pages 103-128
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 42
Langue Français
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Extrait

M. Michel Bertrand
Sociétés secrètes et finances publiques: fraudes et fraudeurs à
Veracruz aux XVII et XVIII siècles
In: Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 26-2, 1990. pp. 103-128.
Citer ce document / Cite this document :
Bertrand Michel. Sociétés secrètes et finances publiques: fraudes et fraudeurs à Veracruz aux XVII et XVIII siècles. In:
Mélanges de la Casa de Velázquez. Tome 26-2, 1990. pp. 103-128.
doi : 10.3406/casa.1990.2570
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/casa_0076-230X_1990_num_26_2_2570SECRÈTES ET FINANCES PUBLIQUES : SOCIÉTÉS
FRAUDES ET FRAUDEURS À VERACRUZ
AUX XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES
Par Michel BERTRAND
Membre de la section scientifique
L'empire colonial espagnol aux Amériques reste à travers l'Histoire un
exemple à bien des égards exceptionnel. Malgré une distance-temps considé
rable entre la métropole et les colonies, malgré les pressions exercées par les
puissances européennes rivales, malgré les aléas imposés aux liaisons entre
les deux rives de l'Atlantique par un élément marin difficile à maîtriser, cet
empire jouit, durant trois longs siècles d'existence, d'une stabilité remar
quable. L'une des explications offertes à cette surprenante réalité réside
souvent dans la présence d'une administration puissante, développée, garante
de cette cohésion impériale.
C'est cette image que transmet l'historiographie du droit et de l'Etat.
S 'appuyant sur une machine administrative née à la fin du Moyen Age et
développée au XVIe siècle après la Reconquête puis la conquête américaine,
l'Etat espagnol connaîtrait à partir de cette période un affermissement
continu. Certes, le déclin de la deuxième moitié du XVIIe siècle n'épargnerait
pas son armature administrative. Cependant, l'arrivée des Bourbons et
l'introduction du modèle français permettraient le rétablissement de l'Etat et
de son autorité. Enfin, ce serait les letrados, formés dans le réseau des
grandes universités péninsulaires, qui assureraient le fonctionnement et la
perpétuation de cet Etat écartelé de part et d'autre de l'océan l.
1 . Ce thème a été largement étudié, notamment dans l'historiographie espagnole. Parmi de
nombreux auteurs, José Maria Garcia Marin, El ofido pûblico en Castilla durante la
baja edad media, Seville, Universidad de Sevilla, 1974 et La burocracia castellana bajo
los Austrias, Seville, Instituto Garcia Oviedo, 1976.
Mélanges de la Casa de Velazquez (= M.C.V.), 1990, t. XXVI (2), p. 103-128. 104 MICHEL BERTRAND
II semble toutefois nécessaire de compléter cette analyse de la construc
tion et du développement d'un Etat par une approche des déviances
produites en son sein. Sans remettre en cause le «trend» dessiné antérieu
rement, il s'agit de mieux connaître les acquis autant que les reculs auxquels
fut soumis ce long processus. Dans ce sens, l'objet de notre étude peut être
un outil stratégique. Veracruz était à la fois suffisamment loin du pouvoir
central métropolitain, tout en restant un port essentiel au maintien du
contact entre le vice-royaume de Nouvelle-Espagne et la métropole. Par
ailleurs, si l'on tient compte de cette fonction dominante d'échanges, il
semble judicieux de centrer l'analyse sur l'administration qui en avait la
charge, c'est-à-dire celle des Finances. Celle-ci, en grande partie méconnue,
jouait pourtant un rôle essentiel dans le fonctionnement de l'Etat. C'est en
effet son efficacité, ou au contraire son incapacité à canaliser partie des
richesses disponibles au service de la métropole, qui peut être considérée
comme un des critères de la puissance de l'Etat 2.
Dans cette perspective, l'étude de la fraude, de la corruption, perd son
caractère anecdotique pour devenir un biais indispensable à une meilleure
appréhension de la réalité étatique. Aussi, après avoir mesuré la réalité de la
fraude à Veracruz et les méthodes utilisées, nous nous intéresserons au
passage de la fraude à la corruption dans l'administration locale des
finances.
VERACRUZ OU L'HISTOIRE DES FRAUDES
Le port de Veracruz jouissait depuis le XVIe siècle, à l'image de celui de
Seville puis de Cadix en Espagne, d'une position de monopole. Il était le seul
débouché maritime légal pour l'exportation des produits agricoles, miniers
ou artisanaux de Nouvelle-Espagne. De même, toute marchandise trans
portée par mer et pénétrant en Nouvelle-Espagne se devait de le faire par ce
seul port. Veracruz se situait donc au cœur du commerce colonial se
déroulant entre les deux rives de l'Atlantique.
Ce monopole se trouvait renforcé par le recours au système des flottes
organisé à partir de 1580 3. Celui-ci imposait à l'activité commerciale un
2. C'est le point de départ des travaux récents sur l'administration des finances de la
monarchie française. Françoise Bayard, Le monde des financiers au XVIIe siècle, Paris,
Flammarion, 1988. Daniel Dessert, Argent, pouvoir et société au grand
Fayard, 1984. Michel Bruguière, Gestionnaires et profiteurs de la Révolution : l'adminis
tration des finances françaises de Louis XVI à Bonaparte, Paris, Olivier Orban, 1986.
3. Relaciôn de los navios de que se compone la Real Armada del Océano, escuadra de
Flandres y naves de Viscaya, B.N.M., ms. CC-51, cité par Cesareo Fernandez Duro, La
Armada espanola desde la reunion de Castilla y de Leôn, p. 212, t. 5, Madrid, Museo
Naval, 1973. ET FRAUDEURS À VERACRUZ AUX XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES 105 FRAUDES
rythme, une organisation, un contrôle et une rigidité auxquels elle ne
pouvait échapper. Cependant, la difficile adéquation entre une activité
économique souple par nature et cette conception bureaucratique du
commerce obligea à des concessions. La principale fut l'autorisation de
commercer donnée à des navires se déplaçant solitairement. Cela signifia
l'instauration des navires de registro auxquels il faudrait ajouter les navires
spécialisés : les avisos et les azogues. Pour la période considérée, les flottes
restèrent le moyen dominant dans les échanges de la Nouvelle-Espagne
jusque dans les années 1720. Par la suite, et jusqu'à l'abolition du monopole
commercial en Nouvelle-Espagne en 1789, les navires de registro ne
cessèrent de prendre de l'importance dans l'organisation du commerce
maritime 4.
Ce système de transport maritime se complétait par l'existence des
ferias. Primitivement organisées dans le port de débarquement, elles furent
déplacées en 1717 à Jalapa, à mi-chemin entre Mexico et Veracruz. Ces
vastes marchés de gros dans des espaces désignés et clos permettaient à
l'administration d'exercer un meilleur contrôle. Ce système cherchait aussi à
équilibrer, autant que faire se pouvait, les intérêts contradictoires des
commerçants métropolitains face à ceux de Mexico 5.
Une complexe et importante structure administrative organisée autour
de la caisse de Veracruz avait pour charge d'assurer le fonctionnement du
commerce de la ville et d'en percevoir les montants revenant au monarque.
Ces nombreux impôts indirects représentaient pratiquement la seule source
de revenus de la monarchie. Le plus élevé en était Yalcabala dont le montant
varia, durant la période considérée, entre 6% et 8% de la valeur de la
marchandise vendue. Un autre impôt important était Yalmojarifazgo, taxe
d'un montant de 5 % sur la valeur à l'importation et de 2,5 % à l'exportation.
Postérieurement, en 1720, à cet impôt ad valorem fut substituée une taxe
fondée sur le volume, indépendamment de la valeur de la marchandise
transportée : lepalmeo. A cela s'ajoutaient le derecho de averia et enfin celui
de Armada de Barlovento, chacun d'un montant égal à 1 % de la valeur de la
marchandise déchargée. Les revenus ainsi obtenus étaient considérables.
Pour les seules flottes de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le volume
transporté représente 43948 toneladas de marchandises diverses6. A ces
revenus de la fiscalité sur le commerce, s'ajoutaient les millions de pesos
transférés depuis la caisse principale de Mexico et destinés à

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