Solidarités dans l atelier soviétique - article ; n°4 ; vol.61, pg 419-432
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Description

Revue des études slaves - Année 1989 - Volume 61 - Numéro 4 - Pages 419-432
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 6
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Myriam Désert
Solidarités dans l'atelier soviétique
In: Revue des études slaves, Tome 61, Fascicule 4. pp. 419-432.
Citer ce document / Cite this document :
Désert Myriam. Solidarités dans l'atelier soviétique. In: Revue des études slaves, Tome 61, Fascicule 4. pp. 419-432.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1989_num_61_4_5848DANS L'ATELIER SOVIÉTIQUE SOLIDARITÉS
PAR
MYRIAM DÉSERT
L'entreprise soviétique peut-elle devenir le terrain d'une contestation du
modèle dominant? Quelle est la probabilité de l'émergence de réseaux de
solidarité au sein de l'atelier ? Quel potentiel de forces centrifuges représentent-
ils ? Pour répondre à ces questions, le point de vue privilégié ici sera celui des
rapports entre contremaître et ouvriers. Deux raisons essentielles à cela : d'une
part, le contremaître, qui se trouve à la frontière entre deux systèmes (celui de
l'exécution et celui des décisions) et assure la liaison entre la masse ouvrière et la
hiérarchie administrative, est un des éléments révélateurs de la façon dont
s'articulent les deux logiques (ouvrière et gestionnaire)1 ; d'autre part, plusieurs
contremaîtres se trouvaient parmi les fondateurs du syndicat indépendant
soviétique (le SMOT) et il convient de s'interroger sur les raisons de cet apparent
paradoxe où la défense des ouvriers passe par des membres de la hiérarchie
administrative. Cette approche ne peut évidemment prétendre à rendre compte de
toutes les forces à l'œuvre dans l'atelier mais elle peut mettre en évidence un
certain nombre de spécificités.
Diverses sources permettent de se faire une idée de cet aspect des relations au
sein de l'atelier. Les manuels édités à l'intention des contremaîtres, complétés
par des vies exemplaires de contremaîtres, très hagiographiques (généralement
publiées par les éditions syndicales locales) illustrent le modèle préconisé. Pour
une approche moins idéelle, on dispose des témoignages des contremaîtres, tels
qu'ils apparaissent à travers les lettres qu'ils envoient à différents organes de
presse2. Les précautions d'emploi de ces sont les mêmes que pour
tout le courrier des lecteurs publié dans la presse soviétique : même si l'on ne
met pas en doute leur authenticité, il est difficile de juger de leur représentativité,
puisqu'ils sont « filtrés » et on ne sait pas s'ils représentent prioritairement les
opinions le plus souvent exprimées dans le courrier ou l'image que la presse doit
1. La position du contremaître est plus intéressante que celle du chef de brigade car ce
dernier, statutairement, n'appartient pas au personnel administratif et sa position est donc
moins susceptible de faire apparaître les problèmes liés aux relations entre travailleurs et
administration, à la confrontation des deux logiques.
2. Le Travail socialiste et le Journal économique ont eu régulièrement, au cours des
vingt dernières années, des rubriques et tables rondes consacrées aux contremaîtres.
Rev. Êtud. slaves, Paris, LXI/4, 1989, p. 419-432. 420 M. DÉSERT
donner de la réalité soviétique. Une autre source est constituée par les romans et
nouvelles dits de production, qu'il s'agisse de récits plus ou moins
autobiographiques ou de pure fiction1. Ces matériaux sont recevables dans la
mesure où la réalité reconstruite littérairement appartient elle aussi, d'une cer
taine manière, au réel. Enfin, certains psycho-sociologues soviétiques se sont
intéressés aux relations au sein des collectifs de travail et leurs enquêtes
fournissent divers éléments2. Ces différentes sources datant des années soixante-
dix, la présente étude se veut être un état des lieux des relations au sein de
l'atelier à la veille des bouleversements suscités par la perestroïka dans l'univers
de la production.
LES AVATARS DE LA HIÉRARCHIE
Première question concernant les relations au sein de l'atelier : qu'advient-il
de la relation hiérarchique ?
L'autorité du contremaître
Statutairement, le contremaître est défini comme « dirigeant de plein droit et
organisateur immédiat de la production » et le principe qui régit son autorité au
sein de l'atelier est le même que pour le directeur au niveau de l'entreprise :
celui de la direction unique (edinonačalie). L'une des nombreuses expressions
qualifiant le contremaître est d'ailleurs celle de « directeur de l'atelier 3.»
Cette appellation est néanmoins souvent récusée par les intéressés qui se
plaignent d'un manque de pouvoir. En effet, même gratifiés de l'épithète de
« figure centrale de la production », c'est surtout de complaintes de « mal aimés »
que les contremaîtres nourrissent la presse. On pourrait penser que cette très large
prépondérance des témoignages négatifs est le fruit du filtrage des travailleurs du
front idéologique que sont les journalistes, ceux-ci devant privilégier plutôt une
mise en scène où l'ouvrier n'est pas livré pieds et poings liés au contremaître.
Néanmoins les résultats des enquêtes des psycho-sociologues, plus confidentielles
1. Cf. notamment A. Kryvonosov, «Гори, гори ясно», Новый мир, 1974, 3 et 4 ;
A. A. Blinov, «На то ты и мастер», Оперативка, М., 1984 ; V. A. Kozyrin, «Записки
заводского мастера», Наш современник, 1973, 8; S.Antonov, «Карьера», Наш
современник, 1975, 1, 2 et 3.
2. Cf. notamment A. G. Kovalev, Коллектив и социально-психологические
проблемы руководства, М., 1975 ; Социалистический рабочий коллектив, М., 1978 ;
A. L. Svencickij, Социально-психологические проблемы управления, L., 1975. Spéci
fiquement sur les problèmes des contremaîtres: V. P. Klimonov, «Производственный
мастер», in Научное управление обществом, série 10, et Социологические исследования,
1981, 2 ; G. M. Fomin, «Пути повышения социальной активности мастеров», in
Социальные проблемы труда на промышленном предприятии, М, 1976 ;
V. A. Zargorov, «Руководители производственных коллективов как социальная группа», in
Социальная структура населения Сибири, Novosibirsk, 1970 ; A. A. Zimin, Мастер в
системе управления предприятия, М., 1978.
3. Il y a une abondance de métaphores pour qualifier les contremaîtres. Désignés dans
les années trente le plus souvent comme « maillon essentiel de la production », ils sont surtout
appelés aujourd'hui « figure centrale de la production ». On rencontre aussi des images
militaires (commandant de l'industrie, par exemple). Les contremaîtres quant à eux se
désignent souvent comme « garçons de courses ». DANS L'ATELIER SOVIÉTIQUE 421 SOLIDARITÉS
et donc en principe moins soumises aux besoins de mise en scène d'une classe
ouvrière triomphante, ne donnent pas une image tellement différente1. Reste à
savoir si cette absence de pouvoir relève de l'objectif ou bien du subjectif, les
contremaîtres estimant que le dont ils disposent n'est pas en rapport avec
les responsabilités qu'on leur fait endosser. Si l'on analyse la réglementation qui
régit l'activité des contremaîtres, on constate qu'elle leur octroie bon nombre de
droits, mais la pratique montre qu'ils sont pour la plupart neutralisés par divers
facteurs. Prenons par exemple le droit de sanctionner les ouvriers : il est exercé
« sous tutelle », celle du chef de production, et pour l'appliquer, le contremaître
doit obtenir une audience de son supérieur hiérarchique, le persuader de la
recevabilité de sa requête, la justifier par écrit, éventuellement la justifier
également devant le responsable syndical. Tout cela, non seulement prend du
temps, mais, de plus, diffère la sanction, ce qui diminue d'autant sa pertinence.
Généralement le contremaître renonce donc à exercer ce droit, d'autant plus que
l'usage qu'il en fait peut jouer en sa défaveur. La logique administrative veut en
effet que plus il y a de sanctions dans un atelier, plus il y a de manquements à la
discipline, et donc plus le contremaître est loin de réaliser ses fonctions
d'éducateur. Un contremaître qui sanctionne abondamment est donc un mauvais
éducateur, ce qui joue contre lui lors de

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