Sur les dimensions de l histoire militaire - article ; n°4 ; vol.18, pg 625-638
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1963 - Volume 18 - Numéro 4 - Pages 625-638
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Piero Pieri
Sur les dimensions de l'histoire militaire
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 18e année, N. 4, 1963. pp. 625-638.
Citer ce document / Cite this document :
Pieri Piero. Sur les dimensions de l'histoire militaire. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 18e année, N. 4, 1963. pp.
625-638.
doi : 10.3406/ahess.1963.421032
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1963_num_18_4_421032ÉTUDES
Sur les dimensions
de l'Histoire militaire
Une histoire en chapitres sagement séparés, consacrés successivement
aux événements politiques, à l'agriculture, au progrès industriel, au
commerce, voire à l'histoire militaire — une telle histoire ne se conçoit
plus guère aujourd'hui. C'est l'enchaînement de tous les phénomènes
entre eux qui, seul, permet de saisir en profondeur et d'éclairer le processus
puissant de l'histoire. Ceci dit (et qui va de soi), je crois, en conséquence,
qu'il n'est jamais possible de considérer la guerre en soi comme une réalité
fermée sur elle-même, qu'il faut, au contraire, pour l'étudier, la relier
aux autres activités, à toutes les activités des hommes, bref, l'organiser
dans la masse entière d'actions et réactions en chaîne. Pour elle, tout sera
donc mis en cause : politique, économie, société, évolution de la civilisation,
marche des techniques, esprit des hommes... Une «histoire militaire»
valable reste à ce prix. Il lui faut déborder largement sur les autres
domaines de l'histoire. Par suite, la connaître ou la définir, c'est esquisser,
ce que je voudrais faire à de très larges traits et en prenant quelques
exemples, ses limites raisonnables et nécessaires, ses vraies dimensions.
Histoire militaire et histoire générale
Tout est à mettre en cause, répétons-le. L'État bien sûr, lui d'abord : la
politique, au sens large, est le premier personnage du drame, non le seul.
Puis, non moins, la masse de ces réalités multiples que saisit le mot
commode de civilisation. Que seraient la ou les civilisations sans tant de
novations et de progrès issus de la guerre elle-même ? Celle-ci n'est pas
seulement, on le sait, le champ d'action de la force brutale ou de la violence
aveugle (celles-ci, bien sûr, ayant leur mot à dire, et le disant de plus en
plus).
1. Conférence faite à l'Ecole des Hautes Etudes, le 17 mai 1Q62.
625
Annales (18e année, juillet-août 1963, n° 4) 1 ANNALES
Toute guerre implique aussi la mise en œuvre de souffrances, de dévoue
ments, d'énergies spirituelles, de « forces morales » comme on l'a souvent
dit hier. La guerre n'est jamais, sans plus, le relais d'une politique qu'elle
prolongerait en lui substituant brusquement l'action rude des armes ;
elle est souvent la mobilisation des forces d'un peuple entier, comme
Clausewitz l'a pressenti et comme l'époque récente ne Га que trop démont
ré.
En outre, la guerre implique toutes les tensions sociales imaginables ;
celles-ci la soutiennent, celles-là la freinent et finalement, dans toute
société, la guerre jaillit de ce qu'il y a toujours en elle de plus vif.
Réalités économiques, réalités techniques, enfin, sont également
présentes, incluses.
Au total, économie, politique, société en mouvement, évolution des
techniques, tout à mes yeux se ramène aux manifestations simultanées
d'un seul, d'un même et puissant processus. La guerre n'est pas une
annexe, un épiphénomène de telle ou telle activité,, et l'histoire militaire
une branche ou de l'économie, ou de la sociologie, voire de la psychologie
collective... Elle est, pour avancer une formule claire, une certaine façon
de voir, de considérer, d'expliquer l'histoire générale des hommes. Une
certaine façon de voir, car l'histoire militaire a sa propre sphère d'appli
cation, ses lignes, ses règles d'observation affinées par une série de pré
ceptes, d'expériences, de réflexions méditatives. Naturellement il n'est pas
facile de distinguer entre ces éléments divers d'une vision qui tend à
saisir et doit saisir, au delà d'elle-même, toute la masse de l'histoire
vécue, ou peu s'en faut.
Masse de réalités en mouvement, modifiables, et qui ne cessent de se
modifier, d'être modifiées. Tel événement politique (j'y reviendrai) peut
bouleverser les systèmes de recrutement en place et changer l'équilibre ou
l'ossature d'une armée... Tel progrès technique permettra des déplacements
plus aisés et à plus large rayon, ou fournira des armes plus perfectionnées
que les anciennes. Mais, nouvelle complication, le changement ne s'en suit
pas aussitôt irréversible. Car, en dernier lieu, c'est l'intelligence de l'homme
de guerre qui choisit parmi ce qu'offre le progrès technique, ou l'occasion
politique.
La stratégie et la tactique ne constituent pas seulement un problème
de nombre, d'espace, de temps ; elles sont essentiellement un art, une
intuition. La guerre c'est l'action d'hommes sur d'autres hommes, sur
leurs passions — courage et crainte — , sur leurs résistances morales ou
physiques. Sans compter que stratégie et tactique ont leurs règles propres,
leurs préceptes, leurs traditions, et que la nouveauté, là comme ailleurs,
pas plus que dans l'économie par exemple, ne se fraie un chemin facile
du jour au lendemain.
626 HISTOIRE MILITAIRE
Politique d'abord !
Ces liaisons, ces interférences, les hommes les ont très tôt remarquées.
Certes le problème n'est pas nouveau. Dans son douzième chapitre du
Prince, Machiavel, que hantent les rapports, dialectiques dirions-nous,
de la Politique et de la Guerre, affirme par exemple : « II ne peut pas y
avoir d'institutions bonnes, là où les bonnes armes manquent et là où
il y a de bonnes armes, il y aura de institutions ». Voilà qui a des
allures de théorème... A l'État mal gouverné, mal assis, correspond obl
igatoirement une mauvaise organisation militaire. La réflexion se trouve
déjà identique dans ses si importants Discorsi sopra la prima decade di
Tito Livio (I, 4) : « Dove è buona milizia conviene che sia buon ordine. »
Ce sont là affirmations, non pas démonstrations, et même des affirmations
elliptiques.
Par la suite le problème Guerre-Politique réapparaîtra dans la pensée
des théoriciens avec un éventail de plus en plus large. C'est le cas dans
l'admirable Trattato délia Guerra (1639-1642) de Montecuccoli x (1609-
1681). Là, dans une première partie, sont envisagés tous les antécédents
et préalables de la guerre : la préparation politique à la faveur de traités
soit d'alliance, soit de neutralité ; les actions qui visent à séparer l'ennemi
de ses alliés, à porter chez lui, enfin, une propagande effective qui y
sèmera la désunion, les actions aussi en vue d'accumuler les moyens
financiers (car sans eux, rien ne serait possible). Ensuite seulement,
Montecuccoli examine le meilleur système de recrutement militaire,
compte tenu de l'organisation de l'État. Il y a là un progrès sur les auteurs
précédents. Mais il s'en faut que tout soit lié solidement dans cette théorie
de Montecuccoli et surtout bien saisie l'ampleur entière des problèmes.
C'est le préalable à la guerre qui est compris, avec quoi le chapitre sur le
recrutement a si peu de liaisons que Montecuccoli l'omettra dans la
tranformation qu'il fera subir à son Traité 2.
Il serait possible, utile même, de s'arrêter à quelques pages et remar
ques du Comte de Guibert (1743-1790) dans ses ouvrages bien connus
(ou qui devraient l'être) : Essai de tactique générale (1772) et Défense du
Système de guerre moderne (1779) ; mais le problème guerre-politique
(avec les prolongements immédiats qu'il comporte) n'a été vraiment posé
et vu que par Clausewitz (1780-1831), lui encore. Ses idées fondamentales
1. Le texte original (conservé à la Bibl. Estense de Modène) est encore inédit en
italien. Il existe une traduction allemande faite sur un manuscrit postérieur, comportant
quelques variantes (conservé à Vienne), par A. Veltzé, Ausg

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