Tristes topiques - article ; n°1 ; vol.2, pg 32-42

Claude Grignon

Description

Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1976 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 32-42
Il faut replacer l'essai d'André Glucksmann sur Le marxisme, l'état et les camps de concentration que célèbre aussi bien la presse de gauche ou d'extrême-gauche que la presse de droite dans la tradition des faux paradoxes des révolutionnaires conservateurs et dans la série des ouvrages fin de siècle qui expriment l'humeur idéologique désabusée d'un nouvel establishment intellectuel incliné à substituer à l'opposition vulgaire entre la droite et la gauche l'opposition entre la gauche chic et la gauche vulgaire.
Tristes Topiques Man muss den Essai von André Glucksmann Der Marxismus, der Staat und die Konzentrationslager, der von der Linkspresse und der Presse der extremen Linken genauso gelobt wird wie von der Rechtspresse, in die Tradition der falschen Paradoxe konservativer Revolutionare einordnen, sowie in die Reihe der Veröffentlichungen in der Art des fin de siècle die die ver brauchte ideologische Stimmung eines neuen intellektuellen Establishments ausdrücken das die vulgäre Gegenüberstellung zwi schen rechts und links durch eine Gegenüberstellung zwischen der duften Linken und der vulgären Linken ersetzen will.
Tristes Topiques André Glucksmann's essay on 'Marxism, the State and Concentration Camps' -fêted as it has been by the left-wing or extreme left and right-wing press alike- must be situated within the tradition of false paradoxes presented by conservative revolutionaries, in the series of 'fin de siècle' works which expresses the disillusioned ideological mood of a new intellectual 'establishment' inclined to substitute for the vulgar opposition between right and left the opposition between the 'chic' left and the vulgar left.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: Actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales
• Publié le: 01 janvier 1976
• Nombre de lectures: 56
• Langue: Français

Extrait

Claude Grignon
Tristes topiques
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 2, n°1, février 1976. pp. 32-42.
Résumé
Tristes topiques
Il faut replacer l'essai d'André Glucksmann sur "Le marxisme, l'état et les camps de concentration" que célèbre aussi bien la
presse de gauche ou d'extrême-gauche que la presse de droite dans la tradition des faux paradoxes des révolutionnaires
conservateurs et dans la série des ouvrages "fin de siècle" qui expriment l'humeur idéologique désabusée d'un nouvel
"establishment" intellectuel incliné à substituer à l'opposition vulgaire entre la droite et la gauche l'opposition entre la gauche
"chic" et la gauche vulgaire.
Zusammenfassung
"Tristes Topiques"
Man muss den Essai von André Glucksmann "Der Marxismus, der Staat und die Konzentrationslager", der von der Linkspresse
und der Presse der extremen Linken genauso gelobt wird wie von der Rechtspresse, in die Tradition der falschen Paradoxe
konservativer Revolutionare einordnen, sowie in die Reihe der Veröffentlichungen in der Art des "fin de siècle" die die ver
brauchte ideologische Stimmung eines neuen intellektuellen Establishments ausdrücken das die vulgäre Gegenüberstellung zwi
schen rechts und links durch eine Gegenüberstellung zwischen der duften Linken und der vulgären Linken ersetzen will.
Abstract
"Tristes Topiques"
André Glucksmann's essay on 'Marxism, the State and Concentration Camps' -fêted as it has been by the left-wing or extreme
left and right-wing press alike- must be situated within the tradition of false paradoxes presented by conservative revolutionaries,
in the series of 'fin de siècle' works which expresses the disillusioned ideological mood of a new intellectual 'establishment'
inclined to substitute for the vulgar opposition between right and left the opposition between the 'chic' left and the vulgar left.
Citer ce document / Cite this document :
Grignon Claude. Tristes topiques. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 2, n°1, février 1976. pp. 32-42.
doi : 10.3406/arss.1976.3382
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1976_num_2_1_338232
CLAUDE GRIGNON
Tristes topiques
l'humanité comme l'autre son sexe") et les effets saint-
sulpiciens d'une éloquence du tremendum empruntée à
L'essai et à projet occasion un les objet camps improbable d'André de entièrement montrer de Glucksmann concentration" d'appliquer les constitué difficultés sur la (1) "l'Etat, comme méthode fournit que rencontre enjeu le une scientifique marxisme bonne de pole la tradition des philosophes et des mystiques ("là-bas
l'enfer", "au fond de cet abîme", "l'horreur extraordi
naire des camps", "les blessures parlent aux blessu
lémiques intellectuelles et politiques, et de mesurer res. Etrangement. Horriblement. Brutalement. ") ; par
la différence entre un essai d'objectivation (cf. ci- un procédé classique, déjà utilisé par Albert Camus,
dessus l'article de Moshe Levdn) et des discours de entre autres, l'auteur se retranche derrière des témoi
circonstance ou des évocations sacralisantes qui ont gnages ; en choisissant son terrain, celui de l'indigna
pour effet d'entretenir et de renforcer le caractère tion morale, et en disqualifiant l'examen et la critique,
tabou des faits qu'ils prétendent dévoiler. transformés en attaques d'autant plus inadmissibles que
le malheur des victimes est plus insupportable, il in
terdit à la polémique de la raison scientifique de faire Glucks mann parle pour dire qu'il faut se taire ;
("cette aventure d'au-delà l'espoir nous confronte au usage de ses outils et de ses armes.
silence", "n'interrompons pas ce témoignage", "nous
n'avons pas à prêter notre voix au silence des camps').
En dénonçant à l'avance comme concession, comproEn constituant l'objet du scandale en objet sacré, i
mission et trahison tout effort pour comprendre, ntouchable et inconnaissable, il vise à interdire comme
Glucksmann retrouve les poncifs de l' anti -intellectua - sacrilèges le discours qui pourrait rendre raison des
lis me et de l'anti -rationalisme, communs à la pensée faits scandaleux qu'il évoque (et qu'il exploite) et l'es
conservatrice et à la variante intellectuelle de l'anar- poir de maîtriser des mécanismes qu'il présente impli
chisme. Tout en étant suffisamment prudent pour mécitement comme une fatalité de l'histoire ; constam
nager les intellectuels consacrés dont il invoque à ment sommé de penser à l'impensable, le lecteur est
l'occasion la caution (voir index) et suffisamment haconstamment dissuadé de l'objectiver et de le penser
bile pour distinguer quand il le faut entre ses adverréellement. Témoin les différentes figures d'une rhé
saires, réservant l'anathème et l'insulte aux théoritorique de l'intimidation qui combine les procédés du
ciens officiels ("le crétinisme militant de Francis roman populiste ou de la presse à sensation ("les la
Cohen"), le sarcasme aux commentateurs de "seconde rmes et le sang dont ruisselle notre présent", "le gré
viste de la faim jette ses viscères sur la table de zone" ("qu'on ne s'y trompe pas, Charles Bettelheim
n'est pas un méchant homme") et l'ironie aux grands
premiers rôles ("l'étoile du matérialisme dialectique
parisien, Althusser"), Glucksmann, procédant par
amalgame, par allusion, et par contamination, dénonce
le ridicule, la vanité et la sottise de toute tentative
d'analyse ("lorsque nous parlons en érudits de l'Union (1) André Glucksmann, La cuisinière et le mangeur d'hommes,
soviétique, qu'est-ce donc qui nous rend sourds à la Paris, Ed. du Seuil, 1975. 33
franche rigolade des générations futures devant nos ALTHUSSER (l_.), 28, 122, 168.
débats théoriques ?", "les discussions d'experts en
ARON (R.)z 24 ; voir Brejnev. marxisme ou en sociologie. . . les commentaires éclai
rés des soviétologues, toutes ces minutieuses pesées Atlantique, 9, 206 ; voir Occident ; voir sur des balances en toiles d'araignées fatiguent") ; aussi Europe, Oural. évoquant la "faillite des idéologies" et "le danger des
systèmes" ("libéralisme, marxisme, à les supposer Billancourt, 102 ; désespérer -, 79, 208.
innocentes, ces idéologies n'ont rien empêché"), il
BREJNEV CL.)/ 38, 40, 67 ; à la droite de condamne la complicité éternelle de la science et du
R. Aron, 34 ; voir Occident. pouvoir, l'aliénation par le savoir ("quand on a voulu
faire taire à nouveau la plèbe, dans le silence revenu Campagne, par opposition à la ville, 112, le discours scientifique a retenti plus fort que jamais"). 120, 122, 126, 127 ; l'insurrection L'opposition entre le savoir des puissants et la "sageslatente de la contre la ville et
se" de la "plèbe", entre la "folie raisonnable" des grandes pauvres contre les riches, 110, 112;
voir ouvrier, paysan, technique ; voir des fêtes populaires (carnavals médiévaux, Commune
aussi centralisation, industrialisation, de Paris, Front populaire) et la déraison de la raison
province (par opposition à Paris ou à d'Etat est une transposition des plus tristes lieux comMoscou) . muns que les programmes de philo-lettres vont puiser
dans Pascal, Bergson, Kierkegaard ou Heidegger pour CAMUS (Ai), 25 ; voir révolte.
instruire le procès de la raison.
Chien-loup, voir moujik, paysan, plèbe ; Pour dire pendant deux cents pages qu'il n'y a rien à voir aussi cosaque.
dire, il suffit à Glucksmann de se laisser porter par
Classes sociales, voir plebe. le langage philosophique, langage spécialisé qui permet
de dire l'indicible, de nommer l'innommable et auquel Commune (de Paris), 51, 52, 216 ; fausse les allusions au "grand renfermement", à l'hôpital géet fosses communes, 218 ; voir néral ou aux "workhouse" de "l'âge classique" (chapiMai 68 ; voir aussi fête, folie. tre deux) confèrent un minimum de modernité et d'al
lure scientifique ; dénoncer, au nom d'une vision "réCrétinisme, militant, 175 ; parle
volutionnaire" de l'histoire, l'oppression uniforme que mentaire, 83 ; théorique, 82, 85,
87 ; voir doctes. les "puissants" font peser, en tous temps et en tous
lieux, sur la "plèbe" tout en int