Un Excès par défaut : excision et représentations de la féminité - article ; n°3 ; vol.19, pg 171-187
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Description

L'Homme - Année 1979 - Volume 19 - Numéro 3 - Pages 171-187
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 98
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Nicole Sindzingre
Un Excès par défaut : excision et représentations de la féminité
In: L'Homme, 1979, tome 19 n°3-4. pp. 171-187.
Citer ce document / Cite this document :
Sindzingre Nicole. Un Excès par défaut : excision et représentations de la féminité. In: L'Homme, 1979, tome 19 n°3-4. pp. 171-
187.
doi : 10.3406/hom.1979.368003
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1979_num_19_3_368003UN EXCÈS PAR DÉFAUT
Excision et représentations de la féminité
par
NICOLE SINDZINGRE
L'excision et, à un degré moindre, l'infibulation sont généralement considérées
comme des rites de passage — au sens désormais classique établi par A. Van
Gennep — qui seraient l'homologue des rituels masculins, en particulier la
circoncision1. Dans la littérature ethnographique, un insistant discours du Même
a ainsi fréquemment juxtaposé excision (ou infibulation) et circoncision, postulant
leur équivalence soit explicitement, soit par effet de contiguïté. Pourtant, sur
trois plans de comparaison au moins — procédures mises en œuvre ; fonctions
localement énoncées ou déductibles ; représentations qui les sous-tendent — ces
rituels féminins échappent à l'assimilation et présentent un certain nombre de
caractères spécifiques.
Afin d'en discerner les traits généraux, une problématique axée sur une analyse
sémantique des discours légitimant ces opérations a été choisie — qui n'épuise
certes pas un thème complexe où interfèrent largement interprétations et juge
ments de valeur. Dans cette perspective, on posera une série de questions :
suffit-il, pour rendre compte de l'excision et de l'infibulation, de les inclure dans
la catégorie des rites de passage ? Quel type de rapports différentiels avec les
rituels masculins peut-on relever, au moins au niveau des représentations locales ?
Que peut-on en inférer quant aux fonctions de ces institutions ? La non-équival
ence entre l'excision et la circoncision, leur part dans la production d'une différen
ciation dissymétrique des sexes ont été examinées lors d'un travail antérieur2.
Il s'agira davantage ici de circonscrire les systèmes métaphoriques où sont
capturées des pratiques qui n'en sont pas moins réelles : la rectification sociale
d'une donnée première, le corps physiologique. Quelques références au xixe siècle
1. A. Van Gennep, Les Rites de passage, Paris, Librairie E. Nourry, 1909.
2. N. Sindzingre, « Le Plus et le moins : à propos de l'excision », Cahiers d'Études afri
caines, 1977, 65, XVII (1) : 65-75.
L'Homme, juil.-déc. 1979, XIX (3-4), pp. 171-187. NICOLE SINDZINGRE 172
occidental montreront la récurrence des catégories — dénombrables semble-t-il —
qui soutiennent l'excision et l'infibulation.
L'aire d'extension de l'excision et de l'infibulation couvre une partie impor
tante de l'Afrique (et du Proche-Orient)3 et concerne des sociétés hétérogènes
tant du point de vue de l'histoire, de l'organisation politique, du système de
parenté que de l'obédience religieuse. Il est donc a priori délicat de risquer des
énoncés sur l'excision ou l'infibulation « en général », mais, simultanément, c'est
la récurrence de ces pratiques qui, en première analyse, fait problème. Les général
isations sont pourtant monnaie courante dans des évaluations du type : ce sont
des rituels de transition, ils marquent l'accès au statut de femme adulte, ils para
chèvent la différenciation sexuelle, etc. De telles propositions sont par ailleurs
difficiles à invalider en raison de leur abstraction. Il est manifeste que l'excision
et l'infibulation relèvent d'analyses spécifiques et localisées, explicitant leurs
rapports nécessaires avec la culture matérielle, l'organisation sociale, les elabo
rations symboliques propres à chaque société. C'est pourquoi le plan des représent
ations, des discours (et, comme il apparaîtra, d'une certaine fantasmatique)
qui légitime ces pratiques est ici privilégié, car il constitue un niveau général de
comparaison relativement homogène — en cette matière, il faut se garder et de
l'analogie universelle et du relativisme culturel. Discours aussi des commentaires
ou des interprétations — de l'anthropologie, de la psychiatrie ou de la psychanal
yse — qui ont pris un relief particulier depuis que la presse s'en est largement
fait l'écho4.
Avant d'examiner les déterminations de l'excision et de l'infibulation, une
brève description montre d'emblée leur singularité à l'égard de la circoncision.
La clitoridectomie, avec ou sans ablation des petites ou grandes lèvres, suivie
d'une quasi-fermeture de l'orifice vaginal dans le cas de l'infibulation5, ne constitue
pas une opération symétrique de la circoncision : d'un point de vue embryologique,
le tégument (circoncision) et l'organe (clitoridectomie) ont des origines différentes
à partir du stade sexuel indifférencié6. Là se dessine une différence essentielle :
en termes de potentialité de plaisir, la clitoridectomie et la circoncision ne sont
3. Mauritanie, Sénégal, Gambie, Guinée-Bissau, Guinée, Sierra Leone, Libéria, Côte
d'Ivoire, Mali, Haute- Volta, Togo, Niger, Nigeria, Tchad, Soudan, Egypte, Ethiopie, Somalie,
Djibouti, Kenya, Tanzanie, Ouganda.
4. En France, surtout depuis 1977. Cf. par exemple Le Monde, Libération, Maintenant,
F Magazine, etc., ainsi que les media audiovisuels.
5. Nécessitant une réouverture forcée lors des rapports sexuels. Cf. A. de Villeneuve,
« Étude sur une coutume Somalie : les femmes cousues », Journal de la Société des Africanistes,
!937i VII (1) : 15-33. Pour la description complète de l'opération, cf. aussi R. Oldfield
Hayes, « Female Genital Mutilation, Fertility Control, Women's Roles, and the Patrilineage
in Modern Sudan : A Functional Analysis », American Ethnologist, 1975, 2 (4) : 617-633.
6. Une opération analogue à l'excision avec ablation des petites et grandes lèvres (équi
valents embryologiques du scrotum) aboutirait chez l'homme à une castration qui ne laisse
rait que les testicules (équivalents embryogénétiques des ovaires). UN EXCES PAR DEFAUT I73
pas comparables. L'excision — comme la circoncision, certes — préserve les
organes de la procréation ; mais, à l'opposé de la elle s'applique à un
organe déterminant du plaisir féminin.
Excision et rites de passage
L'ouvrage de A. Van Gennep a connu un retentissement tel que sa conceptual
isation des rites de passage n'a pas été — un demi-siècle s'étant écoulé — réell
ement mise en question. Ainsi, V. Turner, E. Leach, par exemple, utilisent le
schéma tripartite de manière inchangée pour rendre compte, entre autres, des
phénomènes initiatiques7. On se rappelle que la fonction attribuée par Van Gennep
aux rites de passage est de transférer des individus d'un statut, d'un état, d'un
être social à un autre : ainsi les rituels initiatiques pubertaires, obligatoires
pour l'un ou l'autre sexe, font accéder l'individu au statut de membre « à part
entière » de son groupe — ils inscrivent l'appartenance dans les corps et dans
les mémoires — , éventuellement à un statut sexuel déterminé ; ce transfert
s'effectue suivant une structure temporelle en trois phases ordonnées (rituels de
séparation, de mise en marge — la « liminalité » de Turner — et de réagrégation) .
La présence de cette séquence formelle vérifiée au sein des sociétés les plus
diverses a figé les explications de la circoncision et de l'excision en les réduisant
à n'en être qu'une étape — non nécessaire8 — , relevant le plus souvent de la
première phase (séparation). La réclusion consécutive à l'opération présente
les caractères de la phase liminale ; les fêtes de sortie, par exemple, ceux de la
phase de réintégration, et, ainsi, l'homologie de l'excision et de la circoncision
se trouve et postulée et confirmée du fait de l'identité de leurs places respectives
dans une même série d'événements.
L'excision est-elle néanmoins un rituel de passage ? E

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