Un rite agricole en Pologne - article ; n°1 ; vol.10, pg 10-20
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Description

Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris - Année 1919 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 10-20
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1919
Nombre de lectures 23
Langue Français

Extrait

Bugiel
Un rite agricole en Pologne
In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, VI° Série, tome 10, 1919. pp. 10-20.
Citer ce document / Cite this document :
Bugiel . Un rite agricole en Pologne. In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, VI° Série, tome 10, 1919.
pp. 10-20.
doi : 10.3406/bmsap.1919.8865
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0037-8984_1919_num_10_1_886510 société d'anthropologie de paris
un rite agricole en pologne
Par M. lb Dr Bugiel.
{Séance du 20 mars 1919.)
I.
On a observé jusqu'à ces derniers temps en Pologne pendant la fenai
son une coutume qui, au premier abord, semble d'un caractère assez banal,
mais qui; étudiée du près, apparaît comme une survivance très curieuse
de la période reculée de la vie des sociétés humaines.
Cette coutume porte le nom du « loup » et se présente de la façon sui
vante :
Dès qu'un jeune homme a appris à bien manier la faulx (il faut pour
cela être âgé de 17 à 18 ans, car la faulx est un outil lourd et embarrass
ant) les habitants adultes de la commune décident de l'agréer parmi
eux. Ils l'en préviennent ne fût-ce que pour cette raison que la dite agré
gation est accompagnée d'un banquet dont le jeune homme paiera les
frais.
Cette cérémonie se passe souvent la veille d'une fête et toujours en
pleine période de travail. Le jeune homme la subit tantôt dès le premier
jour de sa collaboration avec les autres, tantôt au bout de plusieurs
semaines.
La veille du jour désigné par la communauté on choisit parmi les vil
lageois un ou plusieurs des plus posés et des plus intelligents. Ceux-là
porteront le nom de «juges »(Bodzantowo en Couïavie, Korytnica près de
Wegrow), de « curés » (Korytnica, Mlociny, près de Varsovie), de « chefs »
(Kosino près de Plock).
Le lendemain à la première heure on se met au travail. Le jeune
homme est placé à la tête des faucheurs et reçoit le nom de loup. A
Dziécmiarki, en Posnanie, tout ceux qui passent à côté du groupe qui fait
la fenaison crient après lui : loup ! loup! A Mystki, dans la même région,
à tout instant les camarades demandent : « qui est là »? Et les autres
de répondre : « le loup, le loup » et de crier : a hou ! ha ! hou ! ha ! »
Ce loup doit travailler très activement pour prouver sa valeur. Mais
malgré cela pendant la journée on lui. fait des brimades. Les faucheurs
les plus adroits se- placent à côté de lui, le devancent, dérangent avec
leurs faulx l'herbe qu'il a coupée. A Puzniki, en Galicie, ils tachent de
l'encercler et dès que ceci est arrivé, ils le saisissent, le jettent par terre
et le rouent de coups. Là dessus il est condamné par les « juges » à
payer le soir des tournées.
Dans l'après-midi les choses se corsent. — UN RITE AGRICOLE EN POLOGNE 11 BUGIEL.
Le loup feint la fatigue, la faulx lui glisse plus d'une fois des mains.
Alors les camarades organisent la cérémonie proprement dite.
On fixe une perche et au sommet on attache un mouchoir rouge. C'est
le drapeau. Quelquefois 4 perches ou 4 faulx sont rapprochées l'une de
l'autre et forment un dais. Le ciel du dais est constitué par une gerbe de foin.' Sous le dais s'asseyent les « juges », et le « curé ». On va amener
devant eux le loup.
Mais celui-ci ne s'y rend qu'âr contre cœur. Il se sauve, des camarades
le poursuivent et criblent de horions.
Une fois empoigné, il est forcé d'approcher les juges. Sur l'étendue
de plusieurs mètres devant ces derniers on a répandu des chardons. Le
loup doit avancer sur ces chardons à genoux nus. Tout en sang il
arrive enfin au tribunal. Il s'agenouille auprès du curé et se confesse.
La confession consiste en ceci que le curé lui jette sur le cou une étole,
encore en chardons bien piquants et qu'il lui caresse le menton avec
des orties. Ce dernier acte s'appelle raser le jeune homme. Pendant ce
temps les camarades continuent à lui faire pleuvoir dès horions dans le
dos.
Ensuite le loup passe devant le juge qui lui reproche ses méfaits et le
condamne * à une amende en eau-de-vie et bière.
Maintenant on lui barbouille le visage avec du charbon, on met sur sa
tête une couronne de fleurs des champs, on lui assujettit une queue de
loup. (Rodeczkalny en Couïavie), on lui jette sur le cou une courroie en
paille et on forme le cortège. Surtout à Bodzanowo bachorne en Couïavie
ce cortège était, vers 1865, très soigneusement formé. Les « juges » et les
« cosaques » habillés en pelisses retournées marchaient devant avec les
drapeaux, puis venait le loup, puis le gros des camarades. Le loup saut
ait, hurlait, mordait tous ceux qu'il rencontrait. Le cortège fustigeait
avec des fouets toutes les femmes et tous les enfants qui accouraient pour
les voir. Toute cette foule criait: « le loup marche ! le loup marche ! »
A Mystki on chantait une chanson appropriée :
« Le loup n'a ni dimanche ni fêtes ;
On le harcèle pour les pourceaux qu'il a dévorés. »
Le cortège se rend d'abord auprès du seigneur, à qui on présente le
loup. Tous les faucheurs arrivés devant la demeure seigneuriale tournent
leurs faulx d'une telle façon, que le dos du fer regarde la maison, la
pointe la route qui se dirige vers cette maison.
Le seigneur offre à boire, toutefois au loup on ne cause pas. II lui est
défendu de parler, de rire ni de prendre un petit verre de qui que ce soit.
On place son petit verre devant lui par terre et de là il le monte à ses
lèvres. (Bodzanowo).
De chez le seigneur, le cortège se rend à l'auberge. Chemin faisant le
loup fait des siennes et le entonne à Kolaczkowo une chanson de
circonstance :
« Sous la forêt, sous le bois, le loup gambade.
Empêchez-le de venir, arrêtez ce monstre forestier*. » société d'anthropologie de paris 12
A l'auberge les chefs soumettent le loup à un examen oral. Il lui mont
rent les différents ustensiles; il en explique l'usage. Ils tâchent de l'em
brouiller el s'il se trompe on le met sur une herse couverte de paille et
de drap et on le frappe de nouveau. Ensuite on lui donne (Arkuszewo,
province de Lublin) une chemise propre qu'il revêt. Là commence le
banquet.
Au milieu du banquet un des chefs monte sur le toit de la maison et
prononce souvent un discours. Dans ce dernier il fait d'abord l'éloge du
loup, et déclare qu'il est digne d'être un camarade des hommes adultes.
Il lui expose ensuite ses devoirs de politesse et de dévouement envers la
communauté. Puis il Je déclare bon à danser avec n'importe quelle fille
et même à se marier.
La question de la femme joue dans cette dernière partie un rôle consi
dérable. Déjà pendant qu'on le fustige sur la herse, ses tribulations peu
vent s'arrêter si une jeune fille lui lance son mouchoir comme signe
qu'elle le choisit comme son danseur.
Parfois en route, plus souvent à l'auberge, on chante des couplets qui
font ressortir la virilité du néophyte, qui se rapportent au mariage ou
bien au travail commun avec .une femme. A' Giwartowo (province de
Kalisz) on entend la chanson suivante :
« Là sous la forêt, sous le bois,
Un loup court,
II se marierait volontiers,
Mais n'a pas d'argent.
Il marche tout bredouille,
Cette bête cruelle ;
Ha hou, ha hou...
Cette bête cruelle. »
Une autre chanson parle déjà du mariage accompli et des malentendus
conjugaux :
« Le loup s'est marié.
Ha hou, ha hou,
II a laissé tomber sa tête,
Ha hou, ha hou »
En Posnanie la chanson concerne la fenaison :
Les faucheurs se tiennent debout
Ils craignent le travail.
. Faucheurs, remuez,
N'ayez pas peur de la prairie.
Je faucherai, je ratisserai,
Je rangerai le foin en tas
Avec ma bien aimée. — UN RITE AGRICOLE EN POLOGNE 13 ÛTJGIEL.
Ou bien :
« Dès que je rencontre cette jeune fille
Je la prends dans mes bras;
11 n'y a ici aucune qui la vaille
Qui ait un jupon beau comme des pavots. »
Ajoutons que d'autre part en deux endroits sur quatorze, d'où sont par
venues les descriptions du « loup », les femmes sont au contraire exclues
de la fête: 11 e

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