Une grande propriété en Vénétie au XVIIIe siècle : Anguillara - article ; n°3 ; vol.23, pg 483-519
38 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Une grande propriété en Vénétie au XVIIIe siècle : Anguillara - article ; n°3 ; vol.23, pg 483-519

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
38 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1968 - Volume 23 - Numéro 3 - Pages 483-519
37 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean Georgelin
Une grande propriété en Vénétie au XVIIIe siècle : Anguillara
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 23e année, N. 3, 1968. pp. 483-519.
Citer ce document / Cite this document :
Georgelin Jean. Une grande propriété en Vénétie au XVIIIe siècle : Anguillara. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations.
23e année, N. 3, 1968. pp. 483-519.
doi : 10.3406/ahess.1968.421929
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1968_num_23_3_421929ÉTUDES
Une grande propriété en Vénétie
au XVIIIe siècle : Anguillara
L'achat de propriétés en Terre Ferme, par les Vénitiens, est un
phénomène ancien, signalé dès le xue siècle x. Il semble s'être accentué
au delà du milieu du xvie 2. Mais c'est aux xvne et xvine siècles qu'il
prend vraiment son ampleur et le fait est bien connu grâce aux
recherches exemplaires de Daniele Beltrami 3.
En 1617, la République créait le campatico, impôt foncier, auquel
les nobles vénitiens eux-mêmes furent assujettis. Mais leurs terres
étaient dégrevées des autres contributions. L'administration des
finances de Venise dut en tenir compte, et c'est même à partir de ses
archives que D. Beltrami a étudié l'accaparement des terres par les
Vénitiens dont les trois quarts sont nobles.
A la fin du xvie siècle, ceux-ci possèdent de 150 000 à 160 000 hec
tares en Terre Ferme, soit 11,7 % de la superficie totale. En 1740, le
chiffre s'élève à 366 000 hectares, soit 20,2 % du territoire. Mais ces
pourcentages sont en réalité trompeurs. Dans la province de Padoue,
c'est-à-dire dans la plaine, les Vénitiens possèdent 50 % des terres.
L'accaparement a parfois été poussé très loin. Certaines familles
patriciennes possèdent 6 000 hectares (les Manin), 3 000 (les Contarini),
des dizaines d'autres plus d'un millier. Qu'en ont-elles fait ? Jusqu'à
ce jour, peu d'études ont été consacrées à la gestion de ces propriétés
nobiliaires.
Le beau fonds d'Anguillara que nous avons trouvé au Museo Correr
permet de connaître l'une d'entre elles4. Il contient des centaines et des
centaines de lettres adressées par les intendants du domaine à la famille
1. Mostka, II commercio veneto e V Oriente. Catalogo Archivio di Stato. Venise,
1954, 32 p., pp. 17-18. En 1168 et 1181, les fils de Sebastiano Pietro et Giacomo Ziani,
marchands vénitiens, achètent des terres « Oltre Brenta ».
2. Aldo Stella, « La crisi economica veneziana délia seconda meta del secolo 16 »,
Archivio Veneto (93-94), 1956, pp. 17-69. Sur les investissements en Terre Ferme,
pp. 18-36 et F. Braudel, La Méditerranée (1949), p. 276.
3. Daniele Beltrami, Forze di lavoro e proprieta fondiaria nette campagne venete
dei secoli 17 e 18. Roma, 1961, 236 p. (Belles cartes, nombreux tableaux).
4. Musée Correr (Venise). Manuscrits, série P.D. Anguillara.
483
Annales (23e année, mai-jvin 1968, n° 3) 1 ANNALES
Tron à Venise, en moyenne deux par semaine'1. Y sont joints quelques
documents comptables fort intéressants, eux aussi. La graphie est malad
roite, le style parfois rugueux, les venezianismes ne manquent pas,
mais nous avons le secours du Boerio 2,
La correspondance s'étend de 1714 à 1800 3. Elle ne devient régu
lière qu'à partir de 1734. Après 1765, les lettres présentent moins
d'intérêt. En fait, elles ne donnent plus de renseignements que sur le
prix des céréales (une seule lettre, en 1793). Du reste, rien ne permet
d'affirmer que le fonds contienne toutes les lettres adressées à Venise.
Anguillara est un village de la province de Padoue, séparé de Rovigo
par l'Adige. La propriété semble être un peu à l'écart du village.
La propriété.
Elle est fort étendue, encore qu'il soit malaisé de connaître sa
superficie exacte. En 1747, 239,4 hectares sont mis en culture 4, en
1762 : 415,34 Б. Mais à plusieurs reprises, il est fait allusion à des champs
de luzerne, de sarrasin, de seigle e, à des plantations de mûriers qui ne
figurent pas sur ces deux listes. Et entre ces deux dates le domaine
utile s'est agrandi grâce aux bonifications. Les terres sont d'un seul
tenant ainsi qu'il résulte d'un croquis, assez médiocre d'ailleurs, joint
au fonds Anguillara. En 1748, l'intendant a fait dresser un plan en trois
couleurs lors d'un nouveau drainage des terres 7. Mais ce dernier a
disparu.
Anguillara est soumis au régime du faire-valoir direct. Un inten
dant dirige des équipes d'ouvriers et d'ouvrières en nombre imposant.
Un document permet de les mieux connaître pour deux années au
moins e. En 1750, 177 personnes sont au service de Tron et 183 sont
embauchées comme salariati (salariés), soit en tout : 860. L'année sui-
1. Le 12 janvier 1779, l'intendant félicite Andrea Tron qui vient d'accéder à une
nouvelle charge. Il fait sans doute allusion à son élection à la dignité de Procurateur
de San Marco, une des plus considérées à Venise. Quels sont les liens de parenté
d'Andréa Tron avec Niccolo qui lance la manufacture de Schio ? Sur Niccolo, voir
M. Bruno Caizzi, Commercio e industria a Venezia nel Settecento, Milano 1965, 284 p.
Sur Andrea Tron, Giovanni Tabacco : Andrea Tron (1712-1785) e la crisi delV aristo-
crazia nel Settecento a Venezia, Trieste, 1957 (consacré à l'action politique d'Andréa
Tron).
2. Giuseppe Boerio, Dizionario dél dialetto veneziano, Venise 1867.
3. La première lettre est du 27 septembre 1714.
4. Lettre du 28-7-1747. 630 campi : 30 en chanvre, 200 en froment, 200 en maïs,
200 en lin et pastel. 1 campo vaut très exactement 0,38 hectare. Qu'il soit entendu
que lorsqu'une date est mentionnée, il s'agit de la lettre écrite ce jour-là et qui fait
partie du fonds Anguillara.
5. PD С 1907. 204 campi en froment, 712 en maïs, 158 en lin, 6 en chanvre, 13 en
rizière (cette cote PD est celle des documents annexes).
6. 10-5-1736 : « segala bellissime » (seigles magnifiques).
7. 23-3-1748.
8. PD С 1908, Personále, 1750-1751.
484 UNE GRANDE PROPRIÉTÉ EN VÉNÉTD3
vante, la première catégorie compte 189 membres dont : 48 hommes,
42 femmes — celles-ci mariées selon toute vraisemblance — , 9 veuves
et 90 enfants ou adolescents. Ces derniers se répartissent ainsi :
garçons filles en tout :
1 à 6 ans ....... 15 12 27
6 à 11 ans 14 9 23
11 à 18 ans 24 16 40
53 37 90
La seconde catégorie — les salariati — comprend 166 personnes
dont 64 enfants et adolescents :
garçons filles en tout :
1 à 6 ans 16 10 26
6 à 11 ans 4 10 14
11 à 18 ans 10 14 24
30 84 64
Le groupe des adultes comprend 43 hommes, 36 femmes mariées,
7 veuves et 16 personnes dénommées « famiglie e serve » (familles et
servantes).
On remarquera que le nombre d'enfants par famille est vraiment
faible.
Que conclure de ces sèches enumerations sinon qu'il semble y avoir
un noyau de ruraux qui habitent en permanence autour du « palais »
du maître (palazzo) et un autre qui vient travailler de l'extérieur.
L'imprécision du vocabulaire ne permet pas d'en savoir plus : « brac-
centi », « opérai », « salariati », autant de termes employés indifférem
ment. Ces chiffres de travailleurs ont été dépassés à plusieurs reprises.
En 1763, 171 hommes sont occupés en même temps — pour des travaux
de drainage г — et en 1762, 700 hommes a.
On aimerait savoir comment a été réalisé l'encadrement de ces
grandes masses de travailleurs, mais les lettres sont muettes sur ce
point. Peut-être n'y a-t-il aucun problème ? Une seule fois, en 1747, il
est dit que l'on travaille par compagnies de 15 hommes et plus 3.
Bref, nous avons affaire à une exploitation capitaliste au vrai sens
1. 31-10-1763.
2. 26-3-1762 : « sette cento uomini ».
3. 7-7-1747.
485 ANNALES
du mot 1. Nous n'avons pas trouvé trace du plus petit droit seigneurial
et bien entendu féodal. La famille Tron n'a pas même le droit de basse
justice sur ses terres. Lorsqu'un larcin est commis, ce sont les « fante »
du village d'Anguillara qui viennent perquisitionner dans les « case »
des braccenti ». Il n'est pas jusqu'au « Pensionatico » — le droit de va

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents