Une pensée théologique est-elle possible ? Entretien avec Maria Lafitte, Françoise Smyth et Olivier Abel - article ; n°1 ; vol.74, pg 36-47
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Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 2002 - Volume 74 - Numéro 1 - Pages 36-47
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

Mohammed Arkoun
Maria Lafitte
Françoise Smyth
Olivier Abel
Une pensée théologique est-elle possible ? Entretien avec Maria
Lafitte, Françoise Smyth et Olivier Abel
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°74, 2002. pp. 36-47.
Citer ce document / Cite this document :
Arkoun Mohammed, Lafitte Maria, Smyth Françoise, Abel Olivier. Une pensée théologique est-elle possible ? Entretien avec
Maria Lafitte, Françoise Smyth et Olivier Abel. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°74, 2002. pp. 36-47.
doi : 10.3406/chris.2002.2365
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_2002_num_74_1_2365pensée théologique est- elle possible ? Une
Mohammed Arkoun *
Entretien avec Maria Lafitte, Françoise Smyth et Olivier Abel **
Maria Lafitte : Jadis, Mohammed Arkoun, vous dénonciez l'illusion
de prétendre cerner « le problème » dans la pensée islamique. Selon
les auteurs, il y aurait un politique, ou socio-économique, ou
psycho-sociologique, ou bien tout tiendrait à la capacité des personnes
à avoir de la tradition une interprétation « modérée », à séparer la
métaphore du sens littéral. En quoi le « problème », s 'il existe, est-il
alors du ressort des théologiens ?
Françoise Smith : Et qui sont les théologiens ?
Mohammed Arkoun : Justement. Je vous propose trois entrées.
D'abord, il faut s'interroger sur la possibilité d'une parole théologique en
général, dans notre contexte actuel, c'est-à-dire dans toutes les discus
sions que nous connaissons sur le plan de la religion, telle qu'elle est pra
tiquée surtout à l'intérieur du christianisme, un christianisme qui est le
seul à être confronté à un certain nombre de défis, d'ordre intellectuel et
scientifique, mais aussi d'ordre de mise en forme d'une théologie poli
tique. Parce que les régimes démocratiques se posent eux-mêmes des
questions, sont en crise — de mutation, pas de disparition. Donc, possibil
ité d'une parole théologique dans ce contexte-là. Et face aussi à l'enva
hissement de ce que l'on appelle faussement « le religieux » : « le retour
du religieux », en particulier en islam, dont tout le bruit qu'il fait est sans
cesse qualifié de « religieux ». Face à cet immense mouvement, quelle
* Mohammed Arkoun est historien. Il est l'auteur, entre autres, de Lectures du Coran
(Alif, Éd. de la Méditerranée, Tunis, 1991), Ouvertures sur l'islam (Jacques Grancher,
Paris, 1989), Pour une critique de la raison islamique (Maisonneuve et Larose, 1984), Essais sur la pensée islamique (Maisonneuve et Larose, Paris, 1973) ;
avec D. Banon, D. Miiller et J.-C. Basset, Judaïsme et islam. Dans le face à face avec
le protestantisme (Cerf-Labor et Fides, 1999) ; avec M. Borrmans et M. Arosio, L'Islam,
religion et société (Le Cerf, Paris, 1982).
** Maria Lafitte est étudiante en sociologie et intervient à la faculté de théologie protes
tante de Paris sur le thème de l'Islam. Françoise Smyth est professeur honoraire d'Ancien
Testament à la faculté de théologie protestante de Paris. Olivier Abel est professeur honor
aire de philosophie éthique à la faculté de théologie protestante à Paris et il a enseigné
quatre ans à Istanbul.
36 Mohammed Arkoun
parole théologique et quelle possibilité d'une parole théologique qui
retiendrait l'attention non seulement de ceux qui se réclament d'une foi
« définie » mais également celle des laïcs, qui, eux, fonctionnent dans
une autre orbite ? Une parole théologique -je l'appelle « parole » et non
« discours » - ne peut vraiment se faire entendre que si elle montre
qu'elle prend en charge tout cela. Et pas seulement dans le cas de l'islam.
C'est dans la mesure où l'on peut trouver une réponse positive à cette
première question que l'on en posera une seconde : quelles sont les
conditions de possibilité, aujourd'hui, à ce stade historique, d'une théolo
gie dans la tradition de pensée islamique ? Il s'agit seulement des condi
tions de possibilité parce qu'il n'est pas dit non plus que ce sera « le bou
levard ». Une troisième question apparaîtra alors, qui dépendra des
réponses aux deux premières : comment situer les discours qui se présent
ent comme « théologiques » aujourd'hui de la part de musulmans qui,
effectivement, se produisent un peu partout, sur les antennes, qui écri
vent, qui prêchent dans les mosquées en se réclamant de l'exercice de la
fonction théologique ? Pour moi, il y a un désordre tel qu'il n'est pas
question d'accueillir cela comme une théologie. Il est question d'abord
d'essayer de le situer dans la multiplicité des discours qui se tiennent au
nom d'une religion, d'une tradition, dans un contexte où n'importe qui
peut être reçu, écouté, diffusé, dire n'importe quoi, et réclamer la
fonction de théologien - et on la lui donne ! Nous avons été envahis
d'une façon tout à fait particulière depuis le 1 1 septembre, j'en ai la nau
sée ! Et je m'inflige la punition, je ne sais pas pourquoi, de lire quand
même ces discours ! Mais c'est une punition professionnelle !
M. L. : On entend toujours : pas de clergé, donc liberté d'interprét
ation...
M. A. : C'est ce qu'ils disent tous : nous, les musulmans, nous ne
sommes pas comme ces idiots de chrétiens qui subissent encore le magist
ère, la hiérarchie, nous, nous sommes libres. Ils ne se posent même pas
la question qu'ils postulent, par le fait même de prononcer cette proposit
ion, la possibilité d'exercer un magistère. Le travail à faire, c'est donc un
travail d'exploration, de clarification, d'interrogation, sur ce qu'il y a à
faire. C'est pourquoi je parle de « conditions de possibilité », à la
manière de notre père à tous, Kant, qui s'interrogeait sur les conditions de
possibilité d'exercice d'une raison théorique et d'une raison pratique, et
cette question s'élargit maintenant à autre chose.
37 Une pensée théologique est-elle possible ?
Olivier Abel : Oui, au jugement esthétique, téléologique, historique,
politique, religieux. Parce que, chez Kant, le problème c 'est de montrer la
pluralité des discours, de respecter le fait que les discours ont des
régimes différents, mais aussi de montrer les chevauchements, les
passages, les articulations. C'est-à-dire : comment juger, comment faire
des citoyens capables déjuger dans un monde à plusieurs régimes de dis
cours, capables de construire une cohérence qui sait elle-même qu'elle
ne sera jamais définitivement cohérente, une cohérence qui se cherche.
Mais restons à la première de vos trois questions : la possibilité d'une
parole théologique.
M. A. : II y a d'abord le qualificatif « théologique » qui fait problème.
Les religions asiatiques ne l'acceptent pas. Le bouddhisme refuse même
l'appellation de « religion ». Il appelle ça une « voie ». Que faire de cette
objection dès le départ, pour essayer de qualifier la posture théologique
dans la perspective d'un discours qui dépasserait la sphère du logos théo
logique qui concerne essentiellement les trois religions monothéistes en
relation avec la philosophie grecque et son appareil conceptuel ?
F. S. : C'est parce que l'on n'est pas en Inde que l'on peut dire cela.
L'hindouisme n'est pas sans discours articulé, sans orthodoxies (même
diverses), ni sans orthopraxies (même agressives).
M. A. : Oui. Mais est-ce que l'hindouisme accepte notre terminologie à
propos de la religion et de la théologie ? Vous-même, que faites-vous de
cette question ? Vous la laissez de côté en disant : on va travailler dans
notre espace monothéiste, où l'on parle de théologie ; peut-être faut-il
effectivement essayer d'introduire autre chose.
O. A. : Si j'entends ce que vous dites par rapport à ce que j'éprouve,
ce qui m'a passionné dans la théologie, c'est que c'est une discipline de
critique des religions. Et justement cette question du rapport de l'un au
multiple me semble en effet peut-être typique du monothéisme, ou du
polythéisme, je ne s

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