Une révolution dans le goût musical au XVIIIe siècle : l apport de Diderot et de Jean-Jacques Rousseau - article ; n°1 ; vol.18, pg 20-43
25 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Une révolution dans le goût musical au XVIIIe siècle : l'apport de Diderot et de Jean-Jacques Rousseau - article ; n°1 ; vol.18, pg 20-43

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
25 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1963 - Volume 18 - Numéro 1 - Pages 20-43
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Georges Snyders
Une révolution dans le goût musical au XVIIIe siècle : l'apport de
Diderot et de Jean-Jacques Rousseau
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 18e année, N. 1, 1963. pp. 20-43.
Citer ce document / Cite this document :
Snyders Georges. Une révolution dans le goût musical au XVIIIe siècle : l'apport de Diderot et de Jean-Jacques Rousseau. In:
Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 18e année, N. 1, 1963. pp. 20-43.
doi : 10.3406/ahess.1963.420943
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1963_num_18_1_420943Une révolution dans le goût musical
au XVIIIe siècle :
L'APPORT DE DIDEROT
ET DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU
On trouvera, ici, quelques pages extraites d'une étude qui se propose
de considérer l'évolution du goût musical en France aux xvne et
xvine siècles, plus particulièrement l'opéra et les problèmes qu'il soulève.
Une première partie a voulu montrer que, pris dans son ensemble, le
xvne siècle rencontre une grande difficulté à donner à la musique place
et valeur. L'idée dominante est celle de la musique comme langage imi-
tatif ; on veut qu'elle ait une signification comme le mot, le cri, le geste,
qu'elle se modèle sur eux, qu'elle les rehausse simplement par ses accents
et ses rythmes. Une musique qui n'exprimerait pas un contenu précis
paraîtrait aussi vaine aux contemporains de Louis XIV que paraît dérai
sonnable à beaucoup d'hommes d'aujourd'hui une peinture dont on ne
peut trouver le sujet et la ressemblance directe. Mais alors, en fait, le
domaine de la musique se trouve singulièrement restreint : elle ne peut
pas se joindre aux idées, elle ne peut pas atteindre la grandeur histo
rique, ni pénétrer jusqu'à l'unité d'un caractère ; elle semble condamnée
au monde mythologique et galant. Et l'on prendra très au sérieux les
paroles du Maître à chanter de M. Jourdain : « lorsqu'on a des person
nages à faire parler en musique, il faut bien que, pour la vraisemblance,
on donne dans la bergerie. Le chant a été de tout temps affecté aux ber
gers, et il n'est guère naturel en dialogue que des princes ou des bour
geois chantent leurs passions ».
A plus forte raison, et malgré des chefs-d'œuvre effectifs, le goût musi
cal a eu beaucoup de mal à admettre comme un art essentiel la musique
purement instrumentale. Les plus grands écrivains du Grand Siècle sont
extrêmement réticents à l'égard de la musique ; et les éloges que certains
lui adressent sont ambigus, car on félicite souvent l'opéra d'être un
spectacle facile, bien adapté aux récits mythologiques.
Un grand retournement, une véritable révolution du goût musical
va s'opérer peu à peu au xvine siècle, sous deux influences prédomin
antes. Celle de Rameau d'abord : on commence alors à comprendre que
les accords, même s'ils évoquent tel sentiment, y parviennent par des
20 UNE RÉVOLUTION
moyens entièrement originaux, propres à la musique même, qui tend,
par là, à conquérir son autonomie ; en elle, peuvent se réconcilier, selon
les vœux de l'époque, raison et sensibilité.
La seconde influence décisive est celle des Philosophes : on a trop
souvent rappelé leurs erreurs (imputables d'ailleurs à la tradition régnante)
et leurs injustices, notamment à l'égard de la musique française. Il ne
peut s'agir de les nier, mais il faut d'autant plus insister sur l'aspect
positif et neuf de leur apport.
Faute de place, nous n'avons pu publier, ici, l'ensemble du chapitre
qui leur est consacré. Chez tous les philosophes du xviuie siècle, en effet,
le problème est posé. Tous réagissent contre l'opéra traditionnel, tous
pressentent que la musique a une richesse d'expression qui dépasse celle
qui lui est assignée. Voltaire a surtout raillé les sujets de l'opéra de son
temps. « Par quel honteux usage faut-il que la musique, qui peut élever
l'âme aux grands sentiments, et qui n'était destinée, chez les Grecs et
les Romains, qu'à célébrer la vertu, ne soit employée chez nous qu'à
chanter des vaudevilles d'amour ! Il est à souhaiter qu'il s'élève quelque
génie assez fort pour corriger la Nation de cet abus et pour donner à un
spectacle devenu nécessaire la dignité et les mœurs qui lui manquent » x.
Il rêve d'un opéra qui fasse renaître, dans le monde moderne, ce que la
tragédie a été dans l'Antiquité.
Chez Grimm et d'Alembert, la discussion va plus loin, car il s'agit
déjà de préciser la spécificité du langage musical. C'est le langage « qui
rend avec énergie les impressions vives, les sentiments profonds, les
passions violentes » 2, c'est « la langue des et des passions » *.
Ils n'admettent guère, ni l'un ni l'autre, que la musique ne soit pas
soutenue, précisée par autre chose qu'elle-même, parole ou action, mais
l'idée qu'elle possède une signification propre, qu'elle est l'expression
particulière et presque naturelle de la passion, de l'enthousiasme, les
met déjà sur le chemin de la révolution du goût musical qui finira par
affirmer le rôle de la musique purement instrumentale.
Mais dans cette voie, c'est Diderot et Rousseau qui ont été les pré
curseurs les plus conscients et les moins hésitants. Et ce sont les pages
qui les concernent que nous avons choisies pour les publier ici.
Deux univers musicaux : nous appellerons ainsi l'univers de Diderot
et l'univers de Rousseau, non seulement à cause de la valeur et de la
signification que la musique y reçoit, mais encore parce que, sans la
musique, certains aspects essentiels ne pourraient pas s'exprimer, ne
pourraient pas exister.
1. Voltaire, Connaissance des Beautés et des défauts de la poésie et de V éloquence,
dans la langue française. Article : opéra.
2. D'Alembert, De la liberté de la musique, p. 532.
3. Grimm, Du Poème lyrique, p. 365.
21 ANNALES
Pour Diderot, la confiance en la nature, l'exaltation de l'énergie et
de la passion constituent un univers éminemment musical : la musique г
a un rôle réel, essentiel à jouer — et inversement l'on peut aller jusqu'à
soutenir que Diderot aurait eu besoin de la musique pour exprimer
jusqu'au bout son univers. Au « plus violent des beaux-arts » x, il appar
tient de rendre présent l'extrême de la violence ou de la tendresse — et
même ce qui n'en pourrait passer dans la poésie, une sorte d'appel imméd
iat : « c'est au cri animal de la passion à dicter la ligne qui nous con
vient » a. En un sens, la musique s'inspire de la déclamation, mais avec
une intensité, une immédiateté qui débarrasse la passion de ses entraves,
de ses attitudes — et lui laisse le jaillissement spontané de la nature.
On avouera sans peine que cette énergie de la musique apparaît sou
vent chez Diderot sous une forme un peu simple, un peu mécanique,
lorsqu'elle semble avant tout soucieuse de découper la phrase en « excla
mations, interjections, suspensions, interruptions, affirmations, néga
tions » 3. Mais le mérite de Diderot est de sentir que la musique révèle
la passion dans toute sa franchise, de l'aimer pour cette impétuosité
même qu'elle prête aux élans de l'homme, de comprendre qu'en inten
sifiant ainsi l'image de l'homme, elle le recrée dans sa réalité profonde.
Il n'est plus question de se défier des séductions de la musique comme
d'une tentation ; la musique peut et doit se proposer une autre carrière
que le madrigal, les traits d'esprit et leur aboutissement dans la féerie
mythologique.
En particulier, l'opéra doit être, comme tous les arts, consacré à
l'imitation de la nature — et grâce à la présence de la musique, à « l'imi
tation de la nature la plus forte » l. C'est dire qu'il doit se proposer « la
tragédie réelle » : supprimer les machines et la puérilité du merveilleux,
renoncer aux personnages mythiques, traiter les grands thèmes tragiques,
dans une action unie, rapide et simple, — non par une suite de tableaux,
lâchement cousus l'un après l'autre, mais par de vraies scè

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents