Vers une nouvelle orientation pour l agriculture cubaine ? - article ; n°171 ; vol.43, pg 579-598
21 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Vers une nouvelle orientation pour l'agriculture cubaine ? - article ; n°171 ; vol.43, pg 579-598

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
21 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Tiers-Monde - Année 2002 - Volume 43 - Numéro 171 - Pages 579-598
Pierre Raymond — Towards a new orientation for Cuban agriculture ?
The typical character of pre-revolutionary Cuba was the agricultural worker, and not the peasant. The latter proved unable to affirm himself as the connoisseur of the milieu that he happens to be elsewhere. After 1959, the gigantism of State farms was preferred to the detriment of locally rooted peasant agriculture. This has not helped the country to free itself from external food dependency. An overview of the crisis of the 90s thus led to the transformation of State-farms into cooperatives, but the evolution toward veritable peasant agriculture, as wished by the author, still remains limited and incomplete.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Raymond
Vers une nouvelle orientation pour l'agriculture cubaine ?
In: Tiers-Monde. 2002, tome 43 n°171. Trajectoires latino-américaines. Regards sur Cuba. (sous la direction de
Rémy Herrera). pp. 579-598.
Abstract
Pierre Raymond — Towards a new orientation for Cuban agriculture ?
The typical character of pre-revolutionary Cuba was the agricultural worker, and not the peasant. The latter proved unable to
affirm himself as the connoisseur of the milieu that he happens to be elsewhere. After 1959, the gigantism of State farms was
preferred to the detriment of locally rooted peasant agriculture. This has not helped the country to free itself from external food
dependency. An overview of the crisis of the 90s thus led to the transformation of State-farms into cooperatives, but the evolution
toward veritable peasant agriculture, as wished by the author, still remains limited and incomplete.
Citer ce document / Cite this document :
Raymond Pierre. Vers une nouvelle orientation pour l'agriculture cubaine ?. In: Tiers-Monde. 2002, tome 43 n°171. Trajectoires
latino-américaines. Regards sur Cuba. (sous la direction de Rémy Herrera). pp. 579-598.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2002_num_43_171_1624VERS UNE NOUVELLE ORIENTATION
POUR L'AGRICULTURE CUBAINE?
par Pierre Raymond*
Le personnage caractéristique des campagnes cubaines pré-révo
lutionnaires était l'ouvrier agricole, pas le paysan. Ce paysan n 'a pas pu
s'affirmer comme le connaisseur du milieu qu'il est ailleurs. Après 1959, le
gigantisme des fermes d'État est favorisé au détriment d'une agriculture
paysanne proche du terrain, ce qui n 'aide pas le pays à se dégager de la
dépendance à l'égard de l'extérieur en matière alimentaire. Un bilan tiré
au cours de la crise des années 1990 mène à la transformation des fermes
d'État en coopératives, mais l'évolution vers une véritable agriculture pay
sanne souhaitée par l'auteur reste encore limitée et incomplète.
Cuba a cru pouvoir définir son avenir au sein du bloc dit « social
iste ». L'effondrement de celui-ci la conduit maintenant à se réinventer
dans un environnement hostile : agressivité belligérante des États-Unis ;
inimitié larvée de la majeure partie du reste du monde qui rejette les va
leurs du socialisme cubain, et cherche à le ramener dans le troupeau plus
ou moins docile d'un Tiers Monde soumis aux puissances mondiales.
Ce texte présente quelques inquiétudes nées d'un premier contact
avec les réalités agraires cubaines. Il devrait servir de point de départ à
une recherche plus détaillée.
1. L'AGRICULTURE CUBAINE, DE LA RÉVOLUTION
À LA CRISE DES ANNÉES 1990
Une économie obstinément dominée par le sucre
L'économie rurale cubaine hérite d'un passé dont elle peine à se
libérer. Après s'être dédiée à diverses activités utiles aux colonisateurs
* Enseignant à Г Universidad Javeriana à Bogota, Colombie. L'auteur remercie Rémy Herrera, Isaac
Joshua et Alain Bunge pour l'aide apportée dans l'élaboration de cet article.
Revue Tiers Monde, t. XLIII, n° 171, juillet-septembre 2002 580 Pierre Raymond
espagnols, Cuba devient sucrière vers le milieu du xvnr siècle, et
confirme cette orientation avec l'indépendance de Haïti : elle prend
alors sur le marché sucrier mondial la place qu'occupait cette colonie
française.
Le sucre est produit dans des plantations esclavagistes. Sur les
mêmes latifundia, on trouve aussi de l'élevage extensif, qui permet de
disposer de viande et de cuirs, ces derniers étant exportés sur le mar
ché mondial.
Une fois arrivé le temps de sa tardive indépendance, Cuba passe
d'une domination à une autre. Désormais, l'économie, en particulier la
production sucrière, se définit en fonction des besoins des Etats-Unis et
se trouve en partie sous le contrôle de capitaux nord-américains. Ainsi,
à la veille de la révolution, 60 % des terres cultivées l'étaient en canne à
sucre sur de gigantesques domaines où le salariat avait remplacé
l'esclavage. Une des premières ambitions de la révolution est donc de
secouer ce joug. Des projets de diversification sont alors élaborés.
Mais les circonstances, les forces de rappel du marché ainsi que la
résistance des structures héritées du passé viennent faire obstacle à
cette intention. En 1961-1962 commence une crise due aux effets d'une
sécheresse prolongée, d'une baisse du prix du sucre, de certaines
erreurs que les dirigeants cubains, jeunes et inexpérimentés, ne pou
vaient guère éviter et, surtout, des débuts de l'embargo imposé par les
États-Unis. L'effet de cet embargo est décisif, car Cuba se fournissait
quasi exclusivement aux États-Unis en carburants, semences, engrais,
machines agricoles, etc. Les pièces détachées ne tardèrent pas à man
quer ; en 1962, un tiers des tracteurs étaient immobilisés.
Cette situation conduit à une crise du commerce extérieur et de la
balance des paiements, face à laquelle la seule solution semble être les
revenus du sucre. Fidel Castro explique que la diversification serait
une erreur, car en cultivant du riz on perd la possibilité sur une même
surface de produire du sucre, qui rapporte six fois plus que ce riz :
mieux vaut assurer l'approvisionnement alimentaire avec les revenus
du sucre. Cette solution est favorisée par la proposition de l'Union
soviétique d'acheter cette denrée à un prix favorable, à l'abri des fluc
tuations du marché mondial.
Les dirigeants cubains conçoivent alors un projet de développe
ment fondé sur une accumulation de capital reposant sur les revenus
du sucre. Le pays se lance dans une frénésie sucrière et oriente ses
énergies à la réalisation d'une zafra (récolte sucrière) de dix millions de
tonnes en 1970. La population est invitée à se détourner de la consom
mation immédiate des revenus du sucre pour construire une base
industrielle qui sera le fondement de sa prospérité future. Vers une nouvelle orientation pour l'agriculture cubaine ? 581
Au lieu d'élaborer une stratégie qui aurait compris un lent désen
gagement du sucre, le pays renforce sa spécialisation : en 1982, la sur
face dédiée à la canne est de 30 % supérieure à celle de 1959 ; 75 % des
terres cultivées sont alors plantées en canne à sucre, alors qu'en 1947,
cette proportion n'était «que» de 66%, et, en 1958, de 60%. Cette
production se réalisera sur les grandes fermes d'État qui se mettent sur
pied. Ces fermes et le sucre recevront une part énorme de l'effort
d'investissement que réalise alors le pays, car tout doit concourir à
l'expansion sucrière.
Les résultats ne seront cependant pas à la hauteur des efforts réali
sés. Alors que la surface plantée a augmenté de 30 %, la production
n'a progressé que de 36 %, ce qui révèle une médiocre amélioration de
la productivité. Cela nous renvoie au problème des difficultés des fe
rmes d'État, et nous montre que le sucre-roi a coûté bien cher à Cuba.
Alors que les programmes de diversification des premières années
envisageaient la culture du soja, celui-ci doit, encore aujourd'hui, être
principalement acquis à l'étranger, tandis que le pouvoir d'achat du
sucre a baissé de 33 à 43 %, entre 1958 et 1989, en termes de soja ou
de ses sous-produits (Figueras, 1994, p. 162).
Le poids de l'héritage du latifundium
En 1959, un recensement indique que 2,8 % des propriétaires pos
sèdent 73,3 % des terres tandis que la petite propriété n'est représentée
que par 20 200 propriétaires de moins de cinq caballerias (une cabal-
leria correspond à 13,43 ha). D'ailleurs, la majorité des paysans ne
sont même pas : ce sont des occupants sans titre, des
locataires ou des métayers sans contrat-
La révolution brise ce monopole foncier sur les terres. C'est bien ce
qui lui aliène immédiatement les États-Unis, tout en lui assurant le
soutien populaire. C'est une véritable réforme agraire, à la différence
de la plupart de celles que connaîtra l'Amérique latine, car elle est
rapide et effective. Elle assure la propriété de tous les occupants pré
caires et nationalise les

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents