Vieillissement démographique et prolongation de la vie active - article ; n°1 ; vol.1, pg 69-78

Jean Daric

Description

Population - Année 1946 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 69-78
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: POPULATION0
• Publié le: 01 janvier 1946
• Nombre de lectures: 20
• Langue: Français

Extrait

Jean Daric
Vieillissement démographique et prolongation de la vie active
In: Population, 1e année, n°1, 1946 pp. 69-78.
Citer ce document / Cite this document :
Daric Jean. Vieillissement démographique et prolongation de la vie active. In: Population, 1e année, n°1, 1946 pp. 69-78.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1946_num_1_1_1647б 'А
UNE ENQUÊTE
DE L'INSTITUT NATIONAL D'ÉTUDES DÉMOGRAPHIQUES
VIEILLISSEMENT
DÉMOGRAPHIQUE ET
PROLONGATION
DE LA VIE ACTIVE
Bien que les premiers recensements par âge remontent déjà
à plus d'un siècle, c'est à une date relativement récente
que l'on s'est attaché à étudier la structure par âge des
populations. Le phénomène le plus important des temps contem
porains est certainement le vieillissement de toutes les populations
occidentales. Il résulte, en effet, d'une évolution fondamentale,
fatale et prévisible pour une large part. С 'est en France que ce
phénomène a d'abord pris naissance et c'est en qu'il est
le plus avancé.
La répartition de 100 Français pour les groupes d'âges :
0-19 ans, 20-59 ans, 60 ans et plus, s'établit ainsi :
0-19 ans 20-59 ans 60 ans et plus
A la fin du xviii6 siècle. 45 49 8
En 1860 36 53 11
1900 35 53 12
1945 55 29 16
De tels chiffres correspondent aux proportions suivantes
A la fin du xviii® siècle : 1 vieillard pour 6 adultes,
En 1860 1 — 5 —
1900 1 — 4,5 —
1945 1 — 3,4 — 70 VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION
Une comparaison avec la situation dans quelques pays étran
gers situera mieux encore le vieillissement de la population fran
çaise :
En U.R.S.S. on compte (en 1939) 1 vieillard pour 7,3 adultes,
aux Etats-Unis — (en 1940) 1 — 5,3 —
en Allemagne — (en 1939) 1 — 4,5 —
en Belgique — (en 1938) 1 — 3,9 —
en France — (en 1945) 1 — 3,4 —
Ces chiffres permettent de mesurer un vieillissement démo
graphique qui ne fera que s'accentuer encore. En effet, selon
des calculs, qui sont les plus sûrs qu'il soit possible de faire dans
cet ordre d'idées, la proportion ne tardera pas à s'inscrire à
environ 1 vieillard pour 3 adultes (sauf immigration).
Bien plus, il convient de remarquer que, à l'intérieur d'un
même groupe d'âges, ce vieillissement se manifeste également.
Chez les adultes, il se traduit par un accroissement du nombre
des hommes de 40 à 60 ans par rapport à celui des hommes de
20 à 40 ans.
Ues causes de ce vieillissement proviennent d'un double mou
vement : un abaissement de la natalité qui a fait passer, depuis
le début du siècle, de 3 à 2 le nombre des enfants par ménage;
un allongement de la vie humaine dû au progrès de l'hygiène
et de la médecine, et l'amélioration des conditions d'existence.
Les conséquences d'un tel état de fait ont très insuffisam
ment encore retenu l'attention. Elles sont d'ordre matériel et
d'ordre moral. Si ces dernières ne peuvent être négligées, il
est bien certain que les premières sont susceptibles d'être mieux
discernées et mesurées. Elles ont pour aboutissement d'alour
dir constamment la contribution demandée à la population
active pour satisfaire aux besoins de la population âgée inac
tive.
Au delà d'un certain âge, l'homme peut cesser son activité
pour trois raisons principales : la première par incapacité de
prolonger son travail en raison du vieillissement des facultés
intervenant dans l'exercice de son métier, la seconde parce que
sa retraite ou ses rentes lui permettent d'assurer ses vieux jours,
la troisième parce que l'abandon de son travail lui est imposé
par obligation ou par convention. Mais, dans tous les différents ET PROLONGATION DE LA VIE ACTIVE 71
cas, c'est par un prélèvement sur le travail des adultes que
la subsistance du vieillard peut être assurée. Il faut bien com
prendre que les retraites ou les rentes sont prises sur une masse
collective et qu'elles supposent finalement un prélèvement —
soit par voie de cotisation ou de retenue, soit par intérêt de
capital — sur la production de la population active. Elles ne
sont, en dernière analyse, qu'une traite tirée sur la production.
Ce prélèvement se faisait autrefois directement, dans le cadre
d'une vie familiale plus resserrée et d'autant plus facilement
que le nombre des adultes sur lesquels reposait cette charge
était plus grand. La dispersion des familles, due à de multiples
causes et, pour une même famille, l'accroissement accru que
représente la responsabilité d'un vieillard dont la subsistance
repose sur un nombre moins élevé d'enfants, ont conduit à
poser le problème des retraites de vieillesse.
Mais, que la retraite provienne d'un système de capitalisa
tion (collective ou individuelle) ou mode de répartition,
son montant est fonction — et fonction seulement pour un état
économique déterminé — du nombre des retraités, du nombre
des producteurs et du prélèvement opéré sur chaque producteur.
Si, toutes choses égales d'ailleurs, le nombre des retraités aug
mente sans que croisse la population active, la répartition anté
rieure ne tient plus. Ou bien le prélèvement opéré sur le pro
ducteur doit être élevé, ou bien la retraite ou la rente de chacun
doit être diminuée. En fait, jusqu'ici, c'est par la dépréciation
monétaire (hausse des prix) que la difficulté a été dénouée. Cette
issue déplorable, conséquence directe du vieillissement, ne peut
être considérée comme une solution.
Il s'agit donc d'examiner comment le niveau d'existence peut
être maintenu, aussi bien pour le producteur que pour le vieil
lard in actif.
•
Quelles que soient la ou les solutions qui prévaudront,
toutes devront avoir pour objectif l'accroissement de la product
ion en agissant soit sur le rendement des producteurs, soit sur
leur nombre.
Les solutions susceptibles de maintenir le niveau d'existence,
malgré le vieillissement, sont les suivantes :
— amélioration du rendement de l'homme (plus précisément
de sa production par heure de travail); 72 VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION
— accroissement du nombre des producteurs (natalité, immig
ration, récupération des inaptes, mise au travail des
inactifs) ;
—de la durée de travail (nombre d'heures
par an);
— prolongation de la vie active.
L'amélioration du rendement peut être obtenue par un per
fectionnement de l'outillage technique ou des méthodes de pro
duction. Tous les techniciens, tous les économistes ont mis l'ac
cent sur cet autre vieillissement qu'est celui de notre outillage
ou celui de notre patrimoine immobilier, sans toutefois signaler
que ce vieillissement matériel résulte précisément du vieilliss
ement démographique. Mais, quelles que soient les possibilités
techniques aujourd'hui connues, leur utilisation exige au préa
lable d'énormes investissements. Sans doute, pourrait-on lutter
contre le vieillissement de notre outillage par une « immigrat
ion » importante de matériel étranger. Cependant, peut-on
compter que les investissements correspondants pourraient être
financés par des crédits extérieurs?
Par suite, la solution du progrès technique — la plus satis
faisante sans aucun doute — suppose une période pendant
laquelle l'effort doit être accru avant d'être diminué. Même dans
le cas favorable d'un progrès technique intense, resterait le
problème de la répartition. Les producteurs adultes accepte
raient-ils de subir un prélèvement plus lourd sur le fruit de leur
travail? Les expériences précédentes permettent le doute. Déjà
les assurances sociales conduisent à un prélèvement de 16 %
sur les salaires. Il n'est pas certain qu'on puisse aller beaucoup
plus loin.
On peut également accroître le rendement par une meilleure
utilisation de l'homme au cours de sa vie active normale. Nul
doute qu'il y ait un réel effort à faire dans ce sens. Toute amél
ioration du rendement sans augmentation de fatigue est émi
nemment souhaitable. Cela postule une adaptation réciproque
de l'homme au travail et du travail à l'homme par la mise en
œuvre des techniques d'orientation, de sélection et de prote