La lecture à portée de main
Description
Informations
Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 21 |
EAN13 | 9782824711386 |
Langue | Français |
Extrait
RA YMON D ROUSSEL
CH IQU ENA U DE
BI BEBO O KRA YMON D ROUSSEL
CH IQU ENA U DE
1897
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1138-6
BI BEBO OK
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.Chiquenaude
la doublur e dans la piè ce du Forban talon rouge ,
avaient été comp osés p ar moi.L C’ est v ous dir e qu’un intérêt tout p articulier m’airait, ce
soirlà , à la grande fé erie de mes amis Gauffr e et F lamb e au.
Un v o yag e m’avait empê ché d’assister à la pr emièr e , et dès mon r
etour je v oulais v oir l’ effet que pr o duisaient les quelques rimes dues à ma
collab oration.
Par malheur l’illustr e Cadran v enait de tomb er malade . Un inconnu
le doublait dans le p er sonnag e de Méphistophélès.
T out le long de son rôle , Méphisto ne cessait d’av oir des duels dont
il sortait toujour s vainqueur , grâce à son costume en gr osse étoffe é
carlate ; cee étoffe était fé e et l’ép é e la plus solidement tr emp é e ne p ouvait
p ar v enir à l’ entamer . Pourtant les v o yag es, les fatigues et les intemp éries
finissaient p ar l’user à la longue . Heur eusement Méphisto en avait une
réser v e en enfer , et quand un endr oit menaçait de se dé chir er , il meait
un mor ce au. Le costume g ardait ainsi éter nellement sa v ertu magique .
Méphisto se savait si bien inv ulnérable , qu’avant de se bar e il ne
manquait p as de ré citer jo y eusement une o de victorieuse .
C’ est cee o de que mes cher s Gauffr e et F lamb e au m’avaient demandé
1Chiquenaude Chapitr e
d’é crir e . La v oici telle que je m’ en souviens :
el est l’insensé qui se flae
De percer l’étoffe écarlate
Dont je suis tout entier vêtu ?
A te voir mon cœur se dilate
De joie ! Ignorant, ne sais-tu
e mieux que l’épaisse cuirasse
D’un batailleur de vieille race
Portant une plume au chapeau,
Cee étoffe sans nulle trace
De trous me protège la peau ?
Ne sais-tu que pour rendre l’âme
Sous ce drap plus ardent que flamme,
Il me faudrait mourir de faim ?
Mais que jamais aucune lame
Ne sera cause de ma fin ?
J’ai beau jeu pour être intrépide ;
Essaye une boe rapide
Et si je me trompe en parant
Tu verras mon rire insipide
Demeurer, car aucun parent
A moi, pas même le plus proche,
Ne sentira son cœur de roche
Aendri par un récent deuil
Grâce à ton fer. . . car s’il m’accroche
Pendant l’espace d’un clin d’œil,
Il se brisera comme verre
Sur mon costume. Persévère
Maintenant, audacieux fol,
Dans ton projet, et je t’enferre
Comme une mouche sur le sol.
2Chiquenaude Chapitr e
D’habitude , l’adv ersair e était fort tr oublé p ar ces p ar oles. Mais la
honte l’ emp ortait sur la p eur et il se baait quand m ême . Infailliblement
son ép é e se brisait sur le complet magique du diable qui le tuait ensuite
av e c un é clat de rir e .
La lor gnee aux y eux, je suivais aentiv ement de ma baignoir e les
p érip éties de l’action, et jusqu’au milieu du tr oisième acte Méphisto avait
toujour s été vainqueur , et mes str ophes n’avaient p as eu à mentir . Mais
ici tout allait chang er .
Le hér os du drame était un certain Panache , grand cour eur de filles et
grand sp adassin. Il n’hésitait p as à o ccir e un brav e g entilhomme p our lui
v oler sa b our se , mais il ne le frapp ait p as en traîtr e , p ar der rièr e ; il
l’aaquait bien en face et lui laissait le temps de tir er l’ép é e p our se défendr e .
Cee délicatesse , jointe à une g alanterie sans b or nes av e c les femmes, lui
faisait mériter le sur nom qui ser vait de titr e à la fé erie .
Panache avait p our mar raine une vieille fé e , nommé e Chiquenaude ,
mé chante comme la p este , mais qui adorait son filleul. A l’aide d’un mir oir
magique elle suivait tous ses faits et g estes et se tenait prête à lui p orter
se cour s à l’heur e du dang er .
Or , certain soir , Méphisto , p assant de vant la maison de Panache , ap
erce vait sur le seuil la b elle Foir e , maîtr esse idolâtré e du sp adassin.
Comme Panache de vait êtr e o ccup é toute la nuit p ar un assassinat
imp ortant, Foir e v o yant un b e au seigneur habillé de r oug e , et le tr ouvant
à son g oût, n’hésitait p as à l’accueillir , afin qu’il r emplaçât son amant
absent.
Méphisto faisait son entré e dans le ré duit du bandit. Partout c’était
un fouillis bizar r e d’ objets v olés ; sur les mur s, les ép é es des victimes de
Panache for maient de nombr eux tr ophé es.
Méphisto et Foir e étaient vite aux bras l’un de l’autr e . Ils soup aient
g aiement tous les deux, et, le r ep as fini, Méphisto légèr ement aviné de v
enait très audacieux. . . Si audacieux que Foir e l’ entraînait doucement v er s
une lar g e alcô v e au fond de laquelle un grand lit semblait fait p our des
g ens heur eux. Les ride aux de l’alcô v e se r efer maient sur eux et la p
énombr e envahissait la scène .
Bientôt une vieille femme entrait à p as de loup en s’appuyant sur un
bâton. C’était Chiquenaude .
3Chiquenaude Chapitr e
En r eg ardant dans son mir oir magique la chambr e de son filleul
bienaimé , elle v enait de v oir le soup er coup able et, furieuse de l’affr ont fait
au courag eux bandit, elle avait résolu de l’av ertir et de l’ e xhorter à la
v eng e ance .
Mais elle avait connaissance de la gr osse étoffe fé e dont le diable était
habillé et de son p ouv oir mer v eilleux. Elle avait donc cher ché un mo y en
de combar e ce p ouv oir et l’avait tr ouvé .
La sor cièr e racontait tout cela sur le de vant de la scène d’une v oix
che v r otante et sourde .
« Où sont-ils, maintenant ? » disait-elle après av oir ter miné son
histoir e .
Et elle se dirig e ait v er s l’alcô v e en mar chant sur la p ointe des pie ds. Du
doigt elle é cartait légèr ement les ride aux et jetait un coup d’ œil à trav er s
la fente .
« Oh !. . . » mur murait-elle scandalisé e , en r e v enant v er s le milieu de
la scène .
Puis sa vieille face avait un affr eux sourir e .
« Ils sont si. . . o ccup és, disait-elle en minaudant, que je vais p ouv oir
pr endr e les vêtements magiques sans qu’ils me v oient. »
Elle r etournait v er s l’alcô v e et, cee fois, p assant son maigr e bras
entr e les deux ride aux elle tirait à elle le complet charb on ardent de
Méphisto .
« V oilà donc ce drap qui r end inv ulnérable quiconque en est vêtu,
dé clamait-elle av e c rag e , ce drap plus résistant qu’une cuirasse ou qu’une
coe de maille . . . Nous v er r ons bien si ce ci n’ en viendra p as à b out. »
A ces mots elle sortait de dessous son mante au un coup on de vieille
flanelle gr enat toute sale et tout usé e .
Elle avait p osé les habits du diable sur une table et p endant qu’ elle
dépliait sa flanelle elle s’adr essait tout bas d’étrang es félicitations.
« Comme j’ai bien fait de ne mer e ni camphr e ni p oiv r e . . . A présent
v oici la flanelle toute mang é e et le contact seul suffira, j’ en suis sûr e .
En effet, la flanelle était p a