L’exilée
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Description

Louis Marie Julien Viaud, dit Pierre Loti est un littérateur né à Rochefort le 14 janvier 1850, mort en 1923, d'une des anciennes familles protestantes du pays. II fit ses études à Rochefort, entra en 1867 dans la marine, et fit ses premières campagnes dans le Pacifique : aspirant en 1870, enseigne en 1873 et lieutenant de vaisseau en 1881. Il avait fait la campagne du Tonkin et fut mis en disponibilité pendant quelques mois pour avoir publié dans le Figaro une correspondance sur les actes de cruauté des soldats français lors de la prise de Hué (1883). Il a publié, sous le nom de Pierre Loti, des histoires d'amour exotiques, qui se déroulent dans les différentes parties du monde, à Tahiti, au Sénégal, en Turquie, au Maroc, au Japon, etc. La puissance de son talent descriptif et la sincérité pénétrante de son accent personnel, auquel une certaine monotonie ne fait pas tort, lui ont valu de bonne heure une très grande réputation. En 1894, il a été nommé membre de l'Académie française.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 26
EAN13 9782824711034
Langue Français

Extrait

P I ERRE LO T I
L’EX I LÉE
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
L’EX I LÉE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1103-4
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.CARMEN SY LV A
No v embr e 1887.
   ma vie er rante , il m’ est ar rivé une fois de m’ar
rêter dans un châte au enchanté , chez une fé e .A Le son lointain du cor dans les b ois a le p ouv oir de f air e r e viv r e
p our moi les moindr es souv enir s de ce séjour .
C’ est que le châte au de la fé e était situé au milieu d’une forêt pr
ofonde dans laquelle on entendait constamment des tr omp ees militair es
au timbr e grav e se rép ondr e comme de très loin. Ces sonneries
étrangèr es, inconnues, avaient une mélancolie à p art, semblaient des app els
magiques, dans l’air sonor e qu’ on r espirait là , — l’air silencieux, vif et
pur des cimes. . .
La musique a p our moi une puissance é v o catrice complète  ; des
lamb e aux de mélo die ont conser vé , à trav er s le temps, le don de me rapp eler
mieux que toutes les imag es certains lieux de la ter r e que j’ai habités,
certaines figur es qui ont trav er sé mon e xistence .
D onc, quand j’ entends au loin des tr omp es sonner , je r e v ois tout à
coup , aussi neement que si j’y étais encor e , un b oudoir r o yal ( car la fé e
1L’ e xilé e Chapitr e
dont je p arle est en même temps une r eine ), donnant p ar de hautes
fenêtr es g othiques sur un infini de sapins v erts ser rés les uns aux autr es
comme dans les forêts primitiv es. Le b oudoir , encombré de choses
précieuses, est d’une magnificence un p eu sombr e , dans des teintes sans nom,
des gr enats aénués tour nant au fauv e , des or s obscur cis, des nuances de
feu qui s’éteint  ; il y a des g aleries comme de p etits balcons intérieur s, il y
a de grandes drap eries lourdes masquant des r e coins my stérieux dans des
tour elles. . . Et la fé e me ré app araît là , vêtue de blanc, av e c un long v oile  ;
elle est assise de vant un che valet et p eint sur p ar chemin, d’un pince au
lég er et facile , de mer v eilleuses enluminur es ar chaïques où les or s
dominent tout, à la manièr e b y zantine  : un travail de r eine du temps p assé ,
commencé depuis tr ois anné es, un missel sans prix, destiné à une
cathédrale .
Le costume blanc de la fé e est de for me orientale , tissé et lamé
d’ar g ent. Mais le visag e , qui s’ encadr e sous les plis transp ar ents du v oile ,
a ce je ne sais quoi d’adouci, de nuag eux qui n’app artient qu’aux races
affiné es du Nord. Et p ourtant il règne dans tout l’ ensemble une si p arfaite
har monie qu’ on dirait ce costume inv enté pré cisément p our la fé e qui le
p orte . — Pour cee fé e qui a é crit elle-même quelque p art  : « La toilee
n’ est p as une chose indiffér ente . Elle fait de v ous un objet d’art animé , à
condition que vous soyez la parure de votre parure.  »
A v e c quels mots dé crir e les traits de cee r eine  ? Comme la chose est
délicate et difficile  ; il semble que les e xpr essions ordinair es, qu’ on
emploierait en p arlant d’une autr e , de viennent tout de suite ir ré v encieuses,
tant le r esp e ct s’imp ose dès qu’il s’agit d’ elle . L’éter nelle jeunesse est dans
son sourir e , elle est sur ses joues d’un inaltérable v elouté r ose  ; elle brille
sur ses b elles dents, clair es comme de la p or celaine . Mais ses magnifiques
che v eux, que l’ on v oit à trav er s le v oile semé de p aillees ar g enté es, sont
pr esque blancs  !. . . « Les che v eux blancs, a-t-elle é crit dans ses Pensées ,
sont les p ointes d’é cume qui couv r ent la mer après la tempête . »
Et comment e xprimer le char me unique de son r eg ard, de ses y eux
gris limpides, un p eu enfoncés dans l’ ombr e sous le fr ont lar g e et pur  :
char me de suprême intellig ence , char me d’infinie pr ofondeur , de discrète
et sy mp athique p énétration, de souffrance habituelle et d’immense pitié  !
T rès chang e ante est l’ e xpr ession de ce visag e , bien que le sourir e y soit
2L’ e xilé e Chapitr e
pr esque à demeur e . — «  Cela fait p artie de notr e rôle à nous, me dit-elle
un jour , de constamment sourir e comme les idoles. » — Mais ce sourir e de
r eine a bien des nuances div er ses  ; quelquefois c’ est tout à coup de la g aîté
fraîche , pr esque enfantine  ; très souv ent c’ est un sourir e de mélancolie
résigné e , — p ar instants même , de tristesse sans b or nes.
D es chagrins qui ont blanchi les che v eux de cee souv eraine , il en est
un que je sais, — que je puis mieux que p er sonne compr endr e , — et qu’il
m’ est p er mis de dir e  : au milieu du grand jardin d’une résidence r o yale ,
on m’a conduit p ar son ordr e au tomb e au d’une p etite princesse qui lui
r essemblait, qui avait hérité de ses traits et de son b e au fr ont lar g e .
Sur le tomb e au, j’ai lu ce p assag e de l’Évangile  : « Ne pleur ez p as, elle
n’ est p as morte , elle dort. » Et en effet, la p etite statue couché e semble
dor mir p aisiblement dans sa r ob e de marbr e .
« Ne pleur ez p as. » Pourtant la mèr e de la p etite endor mie pleur e
encor e , pleur e amèr ement son enfant unique . Et v oici une phrase d’ elle qui
souv ent me r e vient à la mémoir e , comme si une v oix la r e disait en
dedans de moi-même av e c une lenteur funèbr e  : « Une maison sans enfant
est une clo che sans baant  ; le son qui dort serait bien b e au p eut-êtr e , si
quelque chose p ouvait le ré v eiller . »
Oh  ! comme je me rapp elle les moindr es instants de ces causeries e
xquises dans ce b oudoir sombr e , av e c cee r eine vêtue de blanc. — A u
commencement de ces notes, j’ai dit une fé e . C’était une manièr e à moi
d’indiquer un êtr e d’ essence sup érieur e . A ussi bien, je ne p ouvais p as dir e  :
un ang e , car ce mot-là , on en a abusé au p oint d’ en fair e quelque chose
de suranné et de ridicule . Et il me semble d’ailleur s que ce nom de fé e ,
pris comme je l’ entends, convient bien à cee femme — jeune av e c une
che v elur e grise  ; souriante av e c une e xtrême désesp érance  ; fille du Nord
et r eine d’Orient  ; p arlant toutes les langues et faisant de chacune d’ elles
une musique  ; char meuse toujour s, ayant le don de jeter autour d’ elle ,
quelquefois rien qu’av e c son b on sourir e , une sorte de char me
bienfaisant qui r elè v e , qui rassérène , qui console . . .
D onc, je r e v ois en esprit la r eine av e c son long v oile ( je n’ ose plus
dir e la fé e , à présent que je l’ai désigné e plus clair ement). Elle est
devant son che valet et elle me p arle , tandis que les dessins ar chaïques, qui
semblent sortir tout natur ellement de ses doigts, s’ enr oulent sur le p
ar3L’ e xilé e Chapitr e
chemin du missel. A uprès de Sa Majesté sont assises deux ou tr ois jeunes
filles, ses demoiselles d’honneur , — jeunes filles br unes, dont le costume
oriental est de couleur s étrang es, tout doré et p ailleté  ; elles lisent, ou elles
br o dent sur de la soie de grandes fleur s aux nuances anciennes  ; elles r
elè v ent leur s y eux noir s de temps &#

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