Le Crime des Vieux
110 pages
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Description

Victor MéricLe crime des vieuxHistoire extravagante1927Messieurs, j'ai à vous raconter des merveilles. Je vous raconterai toutexactement, comme cela s'est passé.BOTTOMÀ EUGÈNE MERLEEn mémoire d'une lointaine soirée où, parmi le heurt tumultueux des couleurs etdes bruits, nous soufflions, dans l'air tiède, de frêles bulles d'hypothèses.Avec ma vieille amitié.V. M.En guise de prologuePremière partie — Les Vieux ont soif !Deuxième partie — Dans les glandesTroisième partie — Place aux jeunesPost scriptumLe Crime des Vieux : 0Rien ne demeure ; tout s'use... tout s'éteint.MASSILLON.Alléluia !Voici que ce dernier jour de mars de l'an 2070, je franchis le seuil de mon centsoixante cinquième printemps. J'ai dit : cent soixante-cinq. C'est exactement, trèsexactement, ce nombre d'années qui s'appesantit, pas trop lourdement encore, surmes épaules d'homme.Je supplie qu'on veuille bien accepter cette affirmation, si plaisante ou témérairequ'elle puisse paraître. Quand j'écris : cent soixante-cinq années, c'est bien centsoixante-cinq années. Et des années totalisant cinquante-deux semaines, desannées de trois cent soixante-cinq jours, des années exprimant autant de voyagescirculaires autour du soleil — cette Âme flamboyante de notre univers rétréci.Des années, enfin, qui sont de véritables années. Et il y en a cent soixante-cinq.Cent soixante-cinq qui sont venues l'une après l'autre. Cent soixante-cinq qui serontsuivies de plusieurs autres.Oh ! ...

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Nombre de lectures 105
Langue Français
Poids de l'ouvrage 8 Mo

Extrait

Victor Méric
Le crime des vieux
Histoire extravagante
1927
Messieurs, j'ai à vous raconter des merveilles. Je vous raconterai tout
exactement, comme cela s'est passé.
BOTTOM
À EUGÈNE MERLE
En mémoire d'une lointaine soirée où, parmi le heurt tumultueux des couleurs et
des bruits, nous soufflions, dans l'air tiède, de frêles bulles d'hypothèses.
Avec ma vieille amitié.
V. M.
En guise de prologue
Première partie — Les Vieux ont soif !
Deuxième partie — Dans les glandes
Troisième partie — Place aux jeunes
Post scriptum
Le Crime des Vieux : 0
Rien ne demeure ; tout s'use... tout s'éteint.
MASSILLON.
Alléluia !
Voici que ce dernier jour de mars de l'an 2070, je franchis le seuil de mon cent
soixante cinquième printemps. J'ai dit : cent soixante-cinq. C'est exactement, très
exactement, ce nombre d'années qui s'appesantit, pas trop lourdement encore, sur
mes épaules d'homme.
Je supplie qu'on veuille bien accepter cette affirmation, si plaisante ou téméraire
qu'elle puisse paraître. Quand j'écris : cent soixante-cinq années, c'est bien cent
soixante-cinq années. Et des années totalisant cinquante-deux semaines, des
années de trois cent soixante-cinq jours, des années exprimant autant de voyages
circulaires autour du soleil — cette Âme flamboyante de notre univers rétréci.
Des années, enfin, qui sont de véritables années. Et il y en a cent soixante-cinq.Cent soixante-cinq qui sont venues l'une après l'autre. Cent soixante-cinq qui seront
suivies de plusieurs autres.
Oh ! j'entends d'ici les ricanements et les gloussements heureux. Il me semble voir
les haussements d'épaules, les sourires de pitié, les grimaces dédaigneuses...
Cependant, qu'on s'étonne, ou qu'on s'indigne, ou qu'on s'esclaffe, je prétends
poursuivre un récit que d'aucuns ne manqueront point d'estimer fantastique. Je le
sens tout embroussaillé de difficultés, vêtu d'étrangeté. J'assure néanmoins, que je
saurai le tremper dans la pure et claire vérité, l'étayer sur des faits, rien que des
faits, vécus, observés, aisément contrôlables.
*
* *
Si je poussais la présomption jusqu'à me considérer comme un écrivain — au sens
que l'on accordait, naguère, à ce mot — j'insisterais volontiers sur cette matinée
bruineuse où la tristesse d'hier le dispute mollement à la splendeur de demain et
par quoi doit débuter une histoire aussi véridique qu'inadmissible. D'un pinceau
hardi, je vous brosserais le ciel bas duveté de flocons gris perle frangés de rose. À
moins que vous ne le préfériez pommelé de petits nuages rougeâtres rayés de vert
tendre, avec des reflets mauves ou dorés... La lumière, naturellement, jouerait
derrière ce rideau de nuées éclectiques et, dans l'air limpide, des vols d'hirondelles
composeraient un amusant fouillis de traits capricieux, comme en un croquis
d'écolier.
Tant il est vrai qu'on atteint à de faciles effets en tripatouillant les couleurs et en
chiffonnant les phrases. Il est même extraordinaire qu'on ne soit point fatigué,
jusqu'à l'écœurement, depuis des siècles et des siècles qu'on puise au même
stock d'images poussiéreuses et qu'on emprunte à l'éternelle palette barbouillée où
s'essorent les tons et les nuances.
Mais je ne suis pas un écrivain. J'aime autant décliner ma qualité de simple
narrateur. Un piteux, timide et très embarrassé narrateur. Mon ambition se borne à
conduire logiquement un récit terriblement ardu et compliqué qu'aggraverait encore
toute ostentation de vaine littérature. Puissé-je m'en tirer avec quelque bonheur et,
dans l'avenir indécis qui s'élabore, rencontrer des esprits assez sagaces pour me
concéder quelque crédit.
Les hommes qui viennent, si toutefois ils daignent s'attarder à consulter ces pages,
manifesteront quelque scepticisme.
Le vrai, nous enseignait-on autrefois, peut n'être pas vraisemblable. Quand la
sublime et criminelle aventure aura touché à sa conclusion, elle entrera dans la cité
des fables et des légendes. Elle ira rejoindre, dans la pénombre du passé,
l'épopée burlesque des Titans dressés contre l'Olympe, l'orgueil immense de
Prométhée, voleur de feu céleste, la folie d'Icare, fils trop inconséquent de Dédale
ou, encore, la douceur fade de Jésus, triste volaille de Golgotha...
*
* *
De mon cabinet de travail où, sollicité par le rêve, volontiers je cours me réfugier,
les rires des enfants me parviennent. On dirait une tambouninade de grêle sur du
cristal. Ils se poursuivent dans le jardin. Leurs cris de petits oiseaux candides
criblent le silence.
Les enfants !... Mes enfants !... Ou les enfants de mes enfants ?... Car je n'ignore
point, je ne puis ignorer que s'ils ont jailli du ventre maternel — n'y cherchez pas
malice ! — et si je suis fondé à m'enorgueillir d'être ce qu'on appelle, dans le style
ancien, l'auteur de leurs jours, il n'en reste pas moins qu'ils résultent d'individus
fondus dans ma propre individualité. Ici, je sens qu'on ne comprendra point. C'est la
faute des mots dont nous disposons. Les mots, les faibles mots demeurent
impuissants. Mais pourquoi faut-il que j'aie entrepris de révéler un peu du mystère,
de ce mystère qui, en somme, n'est, comme tous les mystères, qu'un phénomène
naturel et laisse loin derrière lui les hypostases hilarantes du vieux bon Dieu des
chrétiens ?
*
* *
Mon aîné vogue, avec certitude, vers ses quinze ans. Je le veille, le soigne, le couve
avec toute l'affection du créateur pour la créature issue de lui, et aussi, avec l'intérêtdu monsieur qui a réussi un bon placement. Un peu de patience et le divin sacrifice
sera consommé. L'enfant réintégrera le sein de son père, lui apportant l'étincelle qui
ranimera Ia flamme vivante, s'incorporant à son être, s'habillant de lui-même,
mariant son moi à peine éclos à un autre moi qui s'étiole, perpétuant le devenir
sous la même enveloppe charnelle...
Mon petit Simon !... Je l'aime, certes. Je l'aime pour son intelligence prompte, ses
yeux qui sont deux caresses, ses boucles d'un blond doré... Ses muscles accusent
une souplesse et une vigueur dont je suis friand. Son corps est d'un jeune dieu.
Mais qu'importe le vêtement périssable dont il est paré et que guette la vétusté. Son
âme seule est en cause, ce qu'il peut offrir de son âme... Il est, devant moi, comme
une fleur merveilleuse dont j'absorberai, d'une aspiration, tout le parfum pénétrant
pour rejeter, ensuite, les pétales vidés de leur essence
Le cadet, mon tout mignon Horace ? Il a du temps encore devant lui. Que sa
magnifique innocence s'épanouisse dans les jeux ! Mais je ne songe point sans
amertume à Hélène. La malheureuse est condamnée par son sexe. Elle subira le
sort de la femme.
*
* *
C'est étrange. Chaque fois que les années me rapprochent de l'indispensable
opération, ma pensée bondit irrésistiblement vers des lectures d'antan qui
bercèrent mon enfance, en un siècle de barbarie. Il m'arrive d'évoquer le lamentable
Isaac traîné par le patriarche vers l'horreur du bûcher. Seulement, dans la légende
biblique, le père sacrifiait son fils à une divinité cruelle qui, d'ailleurs, n'existait que
dans son imagination. Plus tard, aussi, des pères firent don de leur progéniture au
Dieu sanglant de la guerre. Qu'y a-t-il de commun entre nous, qui portons le
flambeau de la vie, et ces sauvages semeurs de mort et de souffrance ?
L'inquiétude me taraude. Faut-il le proclamer, hautement, crûment ? Eh bien ! il y a
des instants où je ne suis pas certain que nous ayons absolument le droit de capter
la vie à notre profit et que nous servions ainsi la cause même de la vie. Des doutes
se précipitent sur moi, semblables à des cavaliers armés de lances. Quelle
faiblesse m'envahit ? Allons ! voyons les choses sans timidité ni crainte. Ugolin ne
peut s'abuser. Ugolin règne. Ugolin est Dieu.
J'ai foi, j'atteste ma foi, mon inaltérable, mon indestructible foi en Ugolin.
Je jette un défi au ciel et à la terre.
Et, pourtant, quel instinct obscur m'a conduit, cette nuit, à ouvrir mes tiroirs, à fouiller
mes paperasses, jaunies, à compulser mes notes de jadis, — d'un jadis si éloigné !
— griffonnées rageusement sur des feuillets épars en des jours de sombre doute et
d'infernales angoisses ? Tout un passé aboli ressuscite. Oh ! mon ancêtre de l'an
mil neuf cent trente-cinq, qui fut moi, qui reste moi tout

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