Insécurité de l emploi : le rôle protecteur de l ancienneté a-t-il baissé en France ? Suivi d un commentaire de Fabien Postel-Vinay - article ; n°1 ; vol.366, pg 3-29
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Economie et statistique - Année 2003 - Volume 366 - Numéro 1 - Pages 3-29
Insécurité de l’emploi: le rôle protecteur de l’ancienneté a-t-il baissé en France?
L’insécurité de l’emploi, mesurée par le taux de transition annuel des hommes de l’emploi vers le nonemploi, a considérablement augmenté entre 1975 et 2000 en France. Mais au contraire de ce qui a été observé aux États-Unis, les salariés anciens d’âge médian ont été remarquablement épargnés. La hausse de l’insécurité s’est concentrée sur les salariés de moins de dix ans d’ancienneté et sur les salariés de plus de 55 ans. Ces résultats ne peuvent s’interpréter uniquement par des chocs technologiques, par la hausse de l’incertitude ou par l’évolution de la protection de l’emploi. L’hypothèse d’un déclin des contrats de long terme sans rupture des contrats existants est compatible avec les principaux faits observés; elle permet en particulier d’interpréter la différence constatée avec les États-Unis et offre une piste d’explication du maintien des préretraites sur la période en France.
Job Insecurity: Has the Protective Role of Seniority Diminished in France?
Job insecurity, measured by the annual male rate of transition from employment to non-employment, rose sharply in France from 1975 to 2000. Yet, contrary to the observation in the United States, long-standing employees of median age were remarkably spared. The rise in insecurity was concentrated among employees with less than ten years’ seniority and employees over 55 years old. These findings cannot be explained solely by technological shocks, the increase in uncertainty and the development of employment protection. The assumption of a decrease in long-term contracts without terminating existing contracts is compatible with the main facts observed. This can, in particular, explain the observed divergence from the United States and offer a way of explaining the continued use of early retirement in France over the period.
Inseguridad del empleo: ¿ Ha disminuido en Francia el papel protector de la antigüedad?
La inseguridad del empleo medida por la tasa de transición anual de los hombres del empleo hacia el desempleo ha aumentado con creces entre 1975 y 2000 en Francia. Pero al contrario de lo registrado en los Estados Unidos, los asalariados con bastante antigüedad y de edad mediana han sido muy protegidos. El alza de la inseguridad se ha concentrado en los asalariados con menos de diez años de antigüedad y en los asalariados de más de 55 años. Estos resultados sólo pueden interpretarse por unos choques tecnológicos, por el alza de la incertidumbre o por la evolución de la protección del empleo. La hipótesis de un declive de los contratos de largo plazo sin ruptura de los contratos existentes es compatible con los principales hechos observados; ésta permite interpretar en particular la diferencia registrada con los Estados Unidos y brinda una pista de explicación del mantenimiento de las prejubilaciones en el periodo en Francia.
Unsicherheit des Arbeitsplatzes: hat die Betriebszugehörigkeit in Frankreich noch die gleiche Schutzfunktion?
Die Unsicherheit des Arbeitsplatzes, die durch die Quote des jährlichen Übergangs von der Erwerbstätigkeit zur Erwerbslosigkeit gemessen wird, hat zwischen 1975 und 2000 in Frankreich erheblich zugenommen. Im Gegensatz zu der in den Vereinigten Staaten beobachteten Entwicklung wurden dabei aber die Arbeitnehmer mit medianer Dienstzugehörigkeit bemerkenswert geschont. Der Anstieg der Unsicherheit konzentriert sich auf die Arbeitnehmer mit einer Betriebszugehörigkeit von weniger als zehn Jahren und die Arbeitnehmer von über 55 Jahren. Diese Ergebnisse lassen sich nicht nur mit technologischen Schocks, dem Anstieg der Unsicherheit oder der Entwicklung des Beschäftigungsschutzes erklären. Die Hypothese einer Abnahme der langfristigen Arbeitsverträge ohne Kündigung der bestehenden Verträge ist mit den wichtigsten festgestellten Sachverhalten vereinbar; insbesondere ermöglicht sie eine Interpretation des Unterschieds gegenüber den Vereinigten Staaten und bietet einen Ansatz für die Erklärung, weshalb in diesem Zeitraum in Frankreich die Vorruhestandsregelungen beibehalten wurden.
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 28
Langue Français

Extrait

EMPLOI
Insécurité de l’emploi :
le rôle protecteur de l’ancienneté
a-t-il baissé en France ?
Luc Behaghel*
L’insécurité de l’emploi, mesurée par le taux de transition annuel des hommes de
l’emploi vers le non-emploi, a considérablement augmenté entre 1975 et 2000 en France.
Mais au contraire de ce qui a été observé aux États-Unis, les salariés anciens d’âge
médian ont été remarquablement épargnés. La hausse de l’insécurité s’est concentrée sur
les salariés de moins de dix ans d’ancienneté et sur les salariés de plus de 55 ans.
Ces résultats ne peuvent s’interpréter uniquement par des chocs technologiques, par la
hausse de l’incertitude ou par l’évolution de la protection de l’emploi. L’hypothèse d’un
déclin des contrats de long terme sans rupture des contrats existants est compatible avec
les principaux faits observés ; elle permet en particulier d’interpréter la différence
constatée avec les États-Unis et offre une piste d’explication du maintien des préretraites
sur la période en France.
* Luc Behaghel appartient à l’Université de Marne-la-Vallée, au Centre d’études de l’emploi et au Crest-Insee.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 366, 2003 3es années 1980 au début des années 1990, Hausse de l’insécurité
les États-Unis ont connu une forte hausseD et maintien du rôle protecteur de l’insécurité de l’emploi des salariés anciens
de l’anciennetédans leur entreprise. Entre 1976 et 1992, le rôle
protecteur de l’ancienneté (1) face au risque de
départ involontaire de l’emploi aurait baissé en
e diagnostic empirique est établi à partir
moyenne de 60 % et cela rendrait compte de
des données de l’Enquête Emploi, entreLl’essentiel de la hausse de l’insécurité consta-
1975 et 2000, en restreignant l’échantillon aux
tée sur cette période dans ce pays (Valletta,
hommes salariés de 30 à 58 ans (les principales
1999). Cette baisse du rôle protecteur de
caractéristiques de l’échantillon sont données
l’ancienneté peut s’expliquer, au moins en par-
en annexe). L’insécurité de l’emploi est mesu-
tie, par la rupture de contrats implicites de long
rée par le taux de transition annuel entre emploi
terme qui liaient certains salariés à leur
et non-emploi (cf. encadré 2 pour les avantages
employeur : aux États-Unis, de telles ruptures
et les limites de cette mesure).
ont été mises en évidence dans les secteurs
industriels en déclin ou dans les entreprises
changeant de direction à la suite d’une prise de Le cas de la France s’oppose au cas américain à
contrôle hostile (OPA). en juger par l’évolution entre 1975 et 2000 du
risque de perte d’emploi pour les hommes sala-
riés de 30 à 49 ans en fonction de leur ancien-
Le rôle protecteur de l’ancienneté a-t-il aussi neté dans l’entreprise (cf. graphique I et
baissé en France ? Plusieurs études ont montré tableau 1). Au-delà des fluctuations cycliques,
la hausse de l’insécurité parmi les salariés ce risque moyen est resté remarquablement sta-
récents dans leur emploi et établi le lien avec le ble pour les salariés de plus de cinq ans
développement des contrats à durée déterminée d’ancienneté, alors qu’il a connu une nette ten-
(Cahuc et Postel-Vinay, 2002 ; Goux et al., dance à la hausse pour les salariés de moins de
2001 ; Blanchard et Landier, 2000). Des travaux cinq ans d’ancienneté. (1)
plus récents montrent que cette insécurité crois-
sante touche aussi les salariés de plus d’un an
On va tester la robustesse de ce résultat brut. Ond’ancienneté (Germe, 2003 ; Givord et Maurin,
vérifie d’abord qu’un tel résultat agrégé ne2003). Cependant, on constate aussi que la part
résulte pas de simples effets de composition. Onde salariés atteignant 30 ans d’ancienneté a crû
regarde ensuite si ce résultat moyen ne masqueentre 1982-1985 et 1998-2001, passant de 1,8 %
pas des disparités significatives : il se peut queà 2,5 % parmi les actifs de plus de 30 ans de car-
le rôle de l’ancienneté soit resté stable enrière, ce qui pourrait indiquer une certaine pré-
moyenne, mais ait décliné pour certaines caté-gnance du rôle protecteur de l’ancienneté
gories de travailleurs (les ouvriers de l’indus-(Amossé, 2003).
trie, comme aux États-Unis, par exemple). Pour
ces analyses désagrégées, on envisage successi-
L’étude sur longue période (1975-2000) du pro- vement deux groupes dont les évolutions sont
fil d’insécurité de l’emploi selon l’ancienneté clairement distinctes : les salariés d’âge médian
permet de concilier ces résultats et d’engager la (30-49 ans) et les salariés âgés (plus de
comparaison avec les États-Unis. On montre 50 ans) (2).
d’abord que, contrairement au marché améri-
cain, la hausse globale de l’insécurité s’est
accompagnée d’un remarquable maintien du
rôle protecteur de l’ancienneté pour les salariés
d’âge médian. Cela contraste avec la forte
hausse des transitions vers le non-emploi pour
1. Il s’agit toujours dans ce qui suit de l’ancienneté dans l’entre-les salariés anciens de moins de cinq ans ou âgés
prise. L’ancienneté sur le marché du travail est plutôt appelée
de plus de 55 ans. Ces résultats sont ensuite con- expérience. Par ailleurs, par facilité de langage et dans tout ce qui
suit, on utilise le terme « rôle protecteur de l’ancienneté » sansfrontés aux différentes explications théoriques
préjuger d’une relation causale entre ancienneté et taux de perte
de la hausse de l’insécurité de l’emploi. L’hypo- d’emploi : il faut entendre simplement par là une relation négative
entre ancienneté et risque de perte d’emploi. Enfin, pour la défi-thèse d’un déclin des contrats de long terme,
nition théorique et la mesure empirique de l’insécurité desans rupture des contrats existants contraire- l'emploi, voir l’encadré 2.
ment aux États-Unis, constitue le scénario le 2. Les salariés de 50-54 ans connaissent une évolution intermé-
diaire. Les rattacher aux 55-58 ans permet de simplifier l’exposi-plus directement compatible avec les évolutions
tion des résultats. Cependant, ces deux catégories d’âge seront
observées (cf. encadré 1). souvent distinguées dans la présentation détaillée des résultats.
4 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 366, 2003de contrôler ces effets de compositionLa stabilité du rôle protecteur
(cf. encadré 3).de l’ancienneté ne tient pas
à des effets de composition
Les profils des transitions de l’emploi vers le
non-emploi sont donnés pour deux périodesOn peut s’attendre à des effets de composition
(1976-1980 et 1997-1999) (3), nets des effets dedans quatre dimensions en particulier : le capital
humain du travailleur (niveau de formation ini-
tiale), le secteur et la taille de l’entreprise, et les
3. Les périodes choisies correspondent à des périodes decaractéristiques de l’emploi (catégorie socio-
reprise économique, afin de limiter l’impact de fluctuations cycli-
professionnelle). Un modèle logit est utilisé afin ques sur la comparaison.
Graphique I
Taux de transition annuel de l’emploi vers le non-emploi selon l’ancienneté (ensemble des hommes
salariés de 30 à 49 ans)
En %
16
14
12
10
8
6
4
2
0
75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99
Année
< 2 ans 2-5 ans 5-10 ans > 10 ans Total
Source : Enquêtes Emploi, Insee.
Tableau 1
Taux de transition de l’emploi vers le non-emploi selon l’ancienneté et la période (hommes salariés
de 30 à 49 ans)
En %
Ancienneté dans l’entreprise Croissance annuelle
Période
moyenne du PIB réel
Moins de 2 ans 2 à 5 ans 5 à 10 ans Plus de 10 ans
1976-1981 4,5 2,5 1,6 1,1 3,1
1981-1985 8,4 3,9 2,5 1,3 1,7
1985-1988 11,2 4,1 2,7 1,7 2,1
1988-1991 10,4 3,4 1,9 1,2 3,8
1991-1994 13,6 5,4 2,4 1,6 0,5
1994-1997 13,4 4,9 2,5 1,2 1,6
1997-2000 12,4 4,4 2,2 1,0 2,7
Lecture : en 1976-1981, un salarié de moins de 2 ans d’ancienneté avait en moyenne chaque année 4,5 % de risque de se retrouver sans
emploi l’année suivante.
Source : Enquêtes Emploi, Insee, calculs de l’auteur.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 366, 2003 5
Taux de transition vers le non-emploicomposition (cf. graphiques II-A à II-D). Plus ge

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