Mesurer les préférences individuelles à l égard du risque - article ; n°1 ; vol.374, pg 53-85
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Economie et statistique - Année 2004 - Volume 374 - Numéro 1 - Pages 53-85
Measuring Individual Time Preferences
Microeconomic theory makes a saver’s choices dependent on the lifecycle of his discount rate, or on the subjective discount rate he uses to anticipate his future gratifications. The higher this rate, the lower the savings level. This time preference, characteristic of the agent’s life expectancy, needs to be differentiated from the parameters that govern his decisions as regards other timeframes: his extent of shorter-run impatience, but also his intergenerational altruism. Just as the discount rate compares a deferred gratification with gratification today, the extent of altruism indicates the relative weight placed on the welfare of one’s children - or the welfare of future generations - compared with one’s own welfare. A specific questionnaire has been put to a sub-sample of the 1998 INSEE Patrimoine survey on personal wealth to evaluate these individual preferences. To avoid the problems encountered by previous measurement attempts, the questionnaire contains the usual choices - between pleasures assumed equivalent on different dates -, but also puts a range of simpler and more concrete questions seeking to better identify what the time preference really represents in terms of decisionmaking period and life plans”. By covering a large number of areas and situations, we hope to limit context effects and better control the other factors involved in intertemporal choices: interest rates, attitude to risk under a necessarily uncertain future, liquidity constraints, etc. The discount rate, impatience and extents of altruism - family and non-family related - are then evaluated by scores, ordinal measures that summarise the interviewee’s responses to all the questions attributed to each preference. Who is provident - low short-run time preference - impatient or altruistic? The explanatory regressions on the different scores generally produce the expected findings. Time preference appears to be transmitted through the mother. It is lower among seniors, qualified individuals, those in couples and those with children. In effect, most of the interviewees whose time preference is found to have changed consider that they have become more prudent as they have got older. A high level of education is positively correlated with both forms of altruism - family and non-family related. However, short-run impatience, an indicator we knew to be composite, does not depend on household characteristics. The only surprise is that women do not appear to be more provident or even more altruistic than the men as regards their children.
Mesurer les préférences individuelles à l’égard du risque
Sensibles aux dimensions plurielle et variées des comportements face au risque, les développements récents de la microéconomie de l’incertain multiplient à l’envi le nombre de paramètres individuels de préférence - aversion au risque, prudence, tempérance, aversion à la perte, etc. - pour en rendre compte. De même, les études expérimentales ou de terrain cherchent à cerner cette diversité en distinguant différents types de risques - à petits ou gros enjeux, de gains ou de pertes, aux conséquences irréversibles ou non - et décrivent des comportements qui dépendent du domaine concerné (financier, professionnel ou de la santé, par exemple) et des effets de contexte. À partir d’un questionnaire spécifique, posé à un souséchantillon de l’enquête de l’Insee Patrimoine 1998 et qui balaie un large éventail de domaines de la vie, de situations ou de contextes, et de type de risques, on propose, paradoxalement, de rendre compte de cette richesse des attitudes vis-à-vis du risque de chaque individu par un indicateur unique, purement ordinal: à l’ensemble des réponses apportées par chaque enquêté, on fait correspondre un score, mesure synthétique supposée représentative de la palette de ces préférences à l’égard du risque. Plusieurs éléments ont permis de vérifier le bien fondé de cette approche. Si l’on se fie à leurs propres déclarations en les invitant à se positionner sur des échelles entre 0 (prudent) et 10 (aventureux), on constate que les enquêtés acceptent de prendre davantage de risques en matière de consommation et de loisirs ou sur le plan professionnel que par rapport à la santé ou la famille, mais que les écarts demeurent limités, avec des corré- lations des échelles par domaine avec l’échelle globale supérieures à 0,5. Surtout, le haut degré de cohérence interne du score atteste, ex post, la pertinence d’une mesure globale en dépit de la diversité des attitudes à l’égard du risque pour un même individu. Lorsqu’il s’agit de déterminer le profil-type de ceux qui prennent le plus de risque (variable dépendante) ou, à l’inverse, d’expliquer des comportements risqués, et notamment les choix patrimoniaux, le score s’avère beaucoup plus pertinent que des indicateurs partiels, telle la mesure plus conventionnelle de l’aversion relative pour le risque, obtenue à partir de choix statiques entre des loteries concernant le seul domaine professionnel. Si l’on en croit les informations fournies par le score, les jeunes, les célibataires, les hommes, les hautes rémunérations et les enfants d’indépendants aisés - ou de cadres non enseignants - sont prêts à prendre davantage de risque que les autres; les personnes âgées, en couple, les femmes, les moins diplômés, les enfants de parents prudents, d’ouvriers ou d’agriculteurs ont, au contraire, tendance à en prendre moins. Les résultats relatifs aux effets de l’âge et du genre sont communs à l’ensemble des indicateurs - échelles, sous-scores, mesure de l’aversion relative pour le risque - et partagés par la plupart des études empiriques.
Messung der individuellen Präferenzen gegenüber dem Risiko
Die jüngsten Entwicklungen der Mikroökonomie des Ungewissen, die die vielfältigen und verschiedenen Dimensionen der Verhaltensweisen gegenüber dem Risiko widerspiegeln, führten zu einer Zunahme der individuellen Präferenzparameter (Risikoaversion, Umsicht, Mäßigung, Verlustaversion usw.), um diese zu erklären. Des Gleichen versuchen die experimentellen Untersuchungen oder Feldstudien, diese Vielfalt durch die Unterscheidung verschiedener Risikotypen - kleine oder große Risiken, Gewinn-oder Verlustrisiko, irreversibles oder nicht irreversibles Risiko - zu analysieren, und beschreiben Verhaltensweisen, die vom betreffenden Bereich (beispielsweise finanzieller, beruflicher oder gesundheitlicher Bereich) und von den Effekten des Kontexts abhängig sind. Anhand eines speziellen Fragebogens, der einer Unterstichprobe der Insee-Erhebung Vermögensverhältnisse
des Jahres 1998 vorgelegt wurde und der eine breite Palette von Lebensbereichen, Situationen oder Kontexten und Risikotypen abdeckt, wird paradoxerweise vorgeschlagen, diese Vielfalt an Einstellungen zum Risiko eines jeden Individuums mittels eines einzigen, eines rein
ordinalen Indikators zu analysieren. Jeder Antwort eines jeden Befragten wird ein Score zugeteilt; eine synthetische Messung, die für die Palette dieser Präferenzen gegenüber dem Risiko repräsentativ sein soll. Mit mehreren Elementen konnte die Relevanz dieses Ansatzes überprüft werden. Werden die Befragten aufgefordert, sich selbst auf den Skalen zwischen 0 (umsichtig) und 10 (abenteuerlich) zu positionieren, und verlässt man sich auf ihre eigenen Erklärungen, lässt sich feststellen, dass sie beim Konsum und bei der Freizeit oder auf beruflicher Ebene mehr Risiken zu übernehmen bereit sind als im Hinblick auf die Gesundheit oder die Familie. Die Abweichungen sind aber begrenzt, wobei Korrelationen zwischen den Skalen pro Bereich und der globalen Skala von über 0,5 zu beobachten sind. Insbesondere bescheinigt der hohe Grad der internen Kohärenz des Scores im Nachhinein die Relevanz einer globalen Messung trotz der Vielfalt der Einstellungen gegenüber dem Risiko bei ein und demselben Individuum. Soll das Standardprofil derjenigen, die das größte Risiko eingehen (abhängige Variable), ermittelt oder umgekehrt die risikobehafteten Verhaltensweisen, insbesondere die Entscheidungen im Hinblick auf die Vermögensbildung, erklärt werden, ist der Score viel relevanter als partielle Indikatoren, wie die konventionellere Messung der Risikoaversion, die man anhand statischer Entscheidungen zwischen Lotterien betreffend den beruflichen Bereich erhält. Glaubt man den Informationen des Scores, sind Jugendliche, Ledige, Männer, Bezieher hoher Einkünfte und Kinder von wohlhabenden Selbständigen - oder von Führungskräften, die nicht im Unterrichtswesen tätig sind - zur Übernahme größerer Risiken als die anderen bereit. Dagegen neigen ältere Menschen, Ehepaare, Frauen, weniger qualifizierte Personen, Kinder von umsichtigen Eltern, von Arbeitern oder Landwirten dazu, weniger Risiken auf sich zu nehmen. Die Ergebnisse betreffend die Effekte des Alters und des Geschlechts sind bei allen Indikatoren gleich - Skalen, Unterscores, Messung der Risikoaversion - und gelten für die meisten empirischen Studien.
Medir las preferencias individuales respecto al riesgo
Atentos a las dimensiones plural y variadas de los comportamientos frente al riesgo, los últimos desarrollos de la microeconomía de lo incierto multiplican con creces el número de parámetros individuales de preferencia - aversión al riesgo, prudencia, templanza, aversión a la pérdida, etc. - para definirlo. Del mismo modo, los estudios experimentales o de terreno tratan de abarcar esa diversidad al distinguir diferentes tipos de riesgos - pequeños o grandes, riesgos de ganancias o de pérdidas, de consecuencias irreversibles o no -y describen unos comportamientos que dependen de cada ámbito (financiero, profesional o de sanidad, por ejemplo) y de los efectos de contexto. A partir de un cuestionario específico, presentado a una infra muestra de la encuesta del Insee Patrimonio
1998, que abarca un amplio abanico de ámbitos de la vida, de situaciones y de contextos, y de tipo de riesgos, se propone aquí paradójicamente dar cuenta de esta riqueza de actitudes de cada individuo frente al riesgo mediante un indicador único, meramente
ordinal: a la totalidad de las respuestas hechas por cada encuestado se le hace corresponder un tanteo,
medición sintética presuntamente representativa de todas sus preferencias respecto al riesgo. Varios elementos han permitido averiguar la legitimidad de este enfoque. Si nos basamos en sus propias declaraciones invitándoles a situarse en unas escalas entre 0 (prudente) y 10 (arriesgado), observamos que los encuestados aceptan tomar más riesgos en cuanto a consumo y ocios o a nivel profesional que en cuanto a la salud o a la familia, aunque esas diferencias son mínimas con unas correlaciones de las escalas por ámbito con la escala global superiores en un 0,5. Además el fuerte grado de coherencia interna del tanteo demuestra, ex post, la pertinencia de una medición global pese a la diversidad de las actitudes frente al riesgo de un mismo individuo. Cuando se trata de determinar el perfil tipo de los que se arriesgan más (variable dependiente) o a la inversa de explicar unos comportamientos arriesgados y sobre las opciones patrimoniales, el tanteo es mucho más pertinente que unos indicadores parciales, como por ejemplo la medición convencional de la aversión por el riesgo, obtenida a partir de unas opciones estáticas entre unas loterías que sólo conciernen al ámbito profesional. Según las informaciones proporcionadas por el tanteo, los jóvenes, los solteros, los hombres, las fuertes remuneraciones y los hijos de independientes favorecidos - o de ejecutivos no docentes - están dispuestos a tomar más riesgos que los demás; las personas mayores, en pareja, las mujeres, los menos diplomados, los hijos de padres prudentes, de obreros o de agricultores tienden por lo contrario a arriesgarse menos. Los resultados relacionados con los efectos de la edad y del género son comunes a todos los indicadores - escalas, infra tanteos, medición de la aversión por el riesgo - y compartidos con la mayor parte de los estudios empíricos.
33 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2004
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Langue Français

Extrait

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RISQU
Luc Arrondel, André Masson et Daniel Verger*
Mesurer les préférences individuelles à l’égard du risque
Sensibles aux multiples dimensions des comportements face au risque, les développements récents de la microéconomie de l'incertain multiplient les paramètres individuels de préférence (aversion au risque, prudence, tempérance, aversion à la perte, etc.). Pour rendre compte de cette diversité, les études expérimentales ou de terrain distinguent différents types de risques (à petits ou gros enjeux, de gains ou de pertes, aux conséquences irréversibles ou non) et décrivent des comportements dépendant du domaine concerné (financier, professionnel ou de la santé, par exemple) et des effets de contexte. On propose ici de rendre compte de cette richesse des attitudes vis-à-vis du risque de chaque individu par un indicateurunique, purementordinal. À partir d'un questionnaire spécifique, posé à un sous-échantillon de l'enquête de l'InseePatrimoine1998 et qui balaie un large éventail de domaines de la vie et de situations à risque, on fait correspondre à l'ensemble des réponses apportées par chaque enquêté une mesure synthétique ouscorequi s'avère représentatif de la palette de ses préférences à, l'égard du risque. Si l'on se fie à leurs propres déclarations en les invitant à se positionner sur deséchelles 0 entre (prudent) et 10 (aventureux), on constate en effet que les enquêtés acceptent de prendre davantage de risques en matière de consommation et de loisirs ou sur le plan professionnel que par rapport à la santé ou la famille, mais que les écarts demeurent limités, avec des corrélations des échelles par domaine avec l'échelle globale supérieures à 0,5. Et le haut degré de cohérence interne du score atteste,ex postdiversité des attitudes à l'égard du, la pertinence d'une mesure globale en dépit de la risque pour un même individu. Qu'il s'agisse d'expliquer des comportements risqués ou de déterminer le profil-type des individus les moins prudents, le score s'avère de fait beaucoup plus performant que les autres indicateurs retenus. Les jeunes, les célibataires, les hommes, les hautes rémunérations et les enfants d'indépendants aisés (ou de cadres non enseignants) seraient prêts à prendre davantage de risque que les autres. Les personnes âgées, en couple, les femmes, les moins diplômés, les enfants de parents prudents, d'ouvriers ou d'agriculteurs ont, au contraire, tendance à en prendre moins. Les résultats relatifs aux effets de l'âge et du genre sont communs à l'ensemble de nos indicateurs et partagés par la plupart des études empiriques.
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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 374-375, 2004
* Luc Arrondel appartient au CNRS et à PSE (ex-Delta), André Masson au CNRS, à l’EHESS et à PSE (ex-Delta), Daniel Verger à l’Unité Méthodes statistiques de l’Insee. Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article. Les auteurs remercient, pour leurs remarques précieuses, Jean-Marc Robin et deux rapporteurs anonymes qui leur ont notamment permis de mieux justifier le choix d’une mesure unique des préférences individuelles à l’égard du risque.
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our certains sociologues notamment (1), la Pmultiplication des aléas donnerait corps à une société nouvelle, la « société du risque », dont la perception, l’évaluation, les inégalités, l’empreinte sur les comportements constitue-raient autant de domaines de recherche pouvant éclairer notre vision du social. D’autres auteurs relèvent le paradoxe existant entre l’observation d’une société qui n’a jamais été autant sécurisée et la demande d’une protection collective tou-jours plus forte, qui s’expliquerait par un seuil de tolérance à l’insécurité de plus en plus bas chez les individus (2). D’autres intellectuels encore, pensent que le risque manifeste-« est ment au centre de la morale moderne» et vont jusqu’à proposer de séparer la société française en deux mondes, non pas entre riches et pauvres, mais entre « risquophiles » et « risquophobes » (Ewald et Kessler, 2000) : les premiers, porteurs de l’esprit d’entreprise, accepteraient d’affronter les défis d’aujour-d’hui ; les seconds, trop « frileux », cherche-raient au contraire à s’en protéger. À l’origine,risque, de l’italienrisco,est un terme marin qui désigne l’écueil qui menace un navire. Le terme est particulièrement bien choisi pour ceux qui aujourd’hui, à la recherche de sensations fortes, traversent les mers, en bateau, en planche à voile, à la rame, voire à la nage. La mer n’est certes pas la seule à accueillir ces aventuriers des temps modernes : escalades des faces nord, tra-versées de déserts, courses de dragsters, etc. Et ces gens de l’extrême sont de plus en plus nom-breux à descendre des fleuves en raft, à pratiquer le canyonning, ou à faire du ski hors-piste. Mais la prise de risque ne se résume pas à ces conduites extrêmes et se rencontre dans des domaines plus courants : créer son entreprise, changer d’emploi, déménager, gérer son portefeuille, etc. sont autant de décisions comportant des aléas. Et l’observation de certaines pratiques de consommation : « mener une vie de bâton de chaise », « fumer comme une cheminée », « boire comme une éponge », « conduire à tom-beau ouvert », montre que les risques encourus sont parfois davantage désirés que subis. Si ces considérations générales ne doivent pas être perdues de vue, on se concentre ici, toute-fois, sur la figure del’épargnant. À la lumière des développements récents de la théorie micro-économique, on cherche à mesurer, à partir de données d’enquête, les paramètres de préfé-rence qui déterminent ses décisions d’investis-sement et ses choix financiers en univers incer-tain, afin de déterminer si l’hétérogénéité des préférences entre les agents contribue à expli-
quer les disparités de patrimoine et dans le sens prédit par les modèles d’épargne de précaution ou de choix de portefeuille. Le point de départ de cette analyse concerne ainsi le concept d’aversion au risque développé par Arrow (1965) et Pratt (1964) au milieu des années 1960 dans le cadre de l’espérance de l’utilité de Von Neumann et Morgenstern. Les extensions – à un cadre intertemporel – et les dépassementsuti-lité non espérée – de ce modèle de comportement ont cependant conduit à faire dépendre les choix en incertain d’une série de préférences hétérogè-nes, plus difficiles à identifier et ont mis en lumière, d’autre part, les problèmes de gestion de multiples aléas : la prise de risque dans le domaine financier, par exemple, va ainsi dépendre de manière complexe du degré, mais aussi du carac-tère plus ou moins subi ou désiré de l’exposition au risque dans les autres domaines (professionnel, familial, etc.). Ces développements amènent à se poser deux questions préalables :(1) (2) - faut-il se contenter d’un seul indicateur de préférence, correspondant à une attitude géné-rale à l’égard du risque ou de l’incertain – non probabilisable –, ou chercher à estimer indépen-damment, pour chaque individu, les différents paramètres distingués par la théorie : aversion au risque, prudence, aversion à la perte, etc. (cf.infra) ? - peut-on considérer que les individus ont des réactions homogènes face aux situations risquées, qui révèlent donc un trait caractéristi-que de sa personnalité, ou doit-on évaluer les préférences à l’égard du risque domaine par domaine, en reconnaissant ainsi qu’un même individu puisse être particulièrement vigilant en ce qui concerne sa santé mais se livrer pourtant à des placements financiers risqués (3) ? Les réponses apportées à ces deux questions conditionne la méthodologie empirique adop-tée, qui dépendra encore de la manière dont on traite des effets de contexte et autres éléments perturbateurs qui polluent les choix ou réactions des enquêtés et dont les études de laboratoire ont souligné l’importance. 1. Beck (2001), par exemple. 2. Notamment Castel (2003). 3. Soit l’exemple caricatural du champion français de dragster – pratique professionnelle sportive particulièrement risquée – qui déclarait récemment ne prendre aucun risque dans ses choix patri-moniaux, cette sage conduite étant une condition indispensable à la poursuite de sa passion rémunératrice. De la mesure de ses préfé-rences à l’égard du risque dans le seul domaine professionnel, on déduira à tort qu’il devrait se livrer à des investissements financiers hautement risqués.
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l’ensemble des réponses apportées par l’enquêté : si les questions sélectionnées comportent bien une dimension commune relative aux préférences à l’égard du risque, la mesure agrégée devrait cap-ter cette dimension en éliminant ou minorant les effets de contexte ou perturbateurs comme autant « d’erreurs de mesure » (Spector, 1991) (5). La méthode de construction de ce score global est décrite dans l’encadré 1. Chaque question – R1, R2, etc. – est codée le plus souvent en trois moda-lités (- 1 ; 0 ; + 1), du moins au plus risquophobe », comme l’indique le tableau de « cet encadré. La valeur initiale du score est la somme des « notes » ainsi obtenues par l’enquêté. On élimine ensuite les questions trop peu corré-lées avec l’ensemble des autres, c’est-à-dire avec le score recalculé sans chacune d’elles. Le score final ne concerne que les questions finalement retenues. On dispose encore d’un indicateur, le coefficient alpha de Cronbach, pour mesurer son degré de cohérence interne, c’est-à-dire jusqu’à quel point les questions retenues comportent bien une dimension commune (cf.infra).(4) (5) Au-delà de la technique statistique, l’enjeu appa-raît clairement. On construit au départ unseul indicateur des préférences à l’égard du risque, qui permettrait de qualifier les enquêtés de manière globale – et seulement les uns par rapport aux autres – : l’hypothèse provisoirement émise est que la diversité des comportements d’un même individu face à l’incertain ne serait pas telle qu’elle ôte toute pertinence à ce score unique. Mais on laisse ensuite aux données le soin de trancher, autrement dit de jugerex post du bien fondé de l’hypothèse. Si trop de questions s’avè-rent insuffisamment corrélées avec les autres et doivent être éliminées, on doit s’interroger sur la fiabilité et la pertinence même du questionnaire. Si le score final retient la plupart des questions mais présente une cohérence interne limitée, on peut chercher à construire plusieurs « sous-scores » plus cohérents, en groupant les ques-tions par domaine, selon la taille des enjeux – petits ou gros risques –, ou encore en distinguant les choix anecdotiques et de longue portée. Enfin, si le score final inclut la plupart des questions et présente d’emblée un degré de cohérence élevé – qu’aucune décomposition en divers sous-scores ne parvient, en outre, à améliorer –, l’hypothèse de départ peut être conservée : l’analyse statisti-que montrera qu’il en est bien ainsi. 4. Voir le questionnaire recto verso décrit dans l’article [Présenta-tion] et reproduit dans son encadré 1. 5. Le lecteur trouvera dans l’article [Théorie] une présentation plus formalisée des modèles de comportement en incertain et une justification plus rigoureuse de l’approche empirique suivie.
Barskyet al.(1997) proposent une mesure cardi-nale de l’aversion relative pour le risquestricto sensu, en confrontant les individus à des choix entre un montant de revenu certain et des loteries d’espérance de gain supérieure (4) ; sous certai-nes hypothèses, la question posée identifie bien le paramètre de préférence recherché en éliminant, a priorieffets de contexte, mais présente à, les l’évidence un caractère très artificiel. Enfin, parce qu’ils tablent sur une certaine homogénéité des comportements face à l’incertain, ces auteurs suggèrent que leur indicateur, bien que partiel et limité au seul domaine professionnel, peut s’avé-rer pertinent pour expliquer nombre de compor-tements, en matière de santé (fumer, boire) comme de placements risqués. L’approche retenue ici prend, dans une certaine mesure, le contre-pied de l’étude de Barsky et al. qui constitue la référence dans (1997), cette littérature récente. Elle ne vise qu’à classer les individus selon une mesure purementordi-nalede leurs préférences face à l’incertain, sans trop savoir ce que représente exactement cet indicateur correspondant à ce qu’on peut appe-ler, faute d’un meilleur terme,l’attitude à l’égard du risque : l’idée est qu’un individu plus averse qu’un autre sera également plus prudent, et de même plus averse à la perte. Parallèlement, elle considère qu’il n’est guère possible de for-muler des questions pertinentes permettant d’éliminer les effets de contexte et cherche à éviter les situations trop abstraites. Enfin, elle écarte en principe les mesures trop partielles – limitées à un type de choix, à un seul domaine de l’existence – au profit d’une vision globale des comportements de l’agent face à l’incertain, à tout le moins lorsqu’il s’agit d’expliquer un phénomène comme l’accumulation patrimo-niale, qui résulte de décisions en environnement risqué dans de multiples champs (choix de car-rière, décision matrimoniale, projet d’enfants, investissements dans la santé, comportements financiers, arbitrage en matière de retraite). C’est pourquoi on a, au contraire, multiplié les questions concrètes ou réalistes, de différente nature – opinions, intentions ou pratiques effecti-ves, choix anecdotiques ou vitaux –, et qui cou-vrent un large éventail de domaines – consommation ou loisirs, santé, métier, gestion financière, famille, retraite – : le questionnaire méthodologique, reproduit intégralement en fin de dossier, comporte ainsi plus de 80 questions dont 56 – notées R1, R2, etc. – ont été affectées, par décisiona priori, à l’évaluation des préféren-ces à l’égard du risque. On construit alors unscore global, indicateur supposé représentatif de
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