Tragédie et opéra - article ; n°1 ; vol.24, pg 187-199
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1972 - Volume 24 - Numéro 1 - Pages 187-199
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 17
Langue Français

Extrait

Melle Marie NAUDIN
Tragédie et opéra
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1972, N°24. pp. 187-199.
Citer ce document / Cite this document :
NAUDIN Marie. Tragédie et opéra. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1972, N°24. pp. 187-199.
doi : 10.3406/caief.1972.1009
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1972_num_24_1_1009TRAGÉDIE ET OPÉRA
Communication de Mme Marie NAUDIN
{Université du Connecticut)
au XXIIIe Congrès de Г Association, le zS juillet 1971.
On répète trop souvent que les grands législateurs et
créateur? français ďceuvres dramatiques au XVIIe siècle se
trouvaient opposés à l'intrusion de la musique au théâtre.
« La musique ne saurait narrer » (1), aurait déclaré Boileau.
« Le bon comédien ne doit jamais chanter » (2), aurait ren
chéri La Fontaine. Pour Saint-Evremond, il serait inimagi
nable « qu'un maître appelle son valet ou qu'il lui donne une
commission en chantant », et « que mélodieusement on tue
les hommes à coup d'épée et de javelot dans un combat » (3).
Ce serait uniquement contraints par les circonstances que
Corneille, Molière et Racine auraient intercalé des chants,
des danses, de la musique dans certaines de leurs œuvres :
commande de Mazarin à Corneille pour le carnaval de 1648
donnant lieu à Andromède7 tragédie à machines avec chœur
et musique, réjouissance publique du mariage de Louis XIV
incitant le dramaturge à écrire La Conquête de la toison d'or
rythmée des chants d'Orphée. Molière aurait introduit,
pour la première fois, les danses accompagnées de musique
dans les entr'actes des Fâcheux pour rendre service à un
trop petit nombre de danseurs incapables à eux seuls de
donner un ballet (4). Les chœurs mis par Racine dans Esther
(1) Boileau-Desprêaux, « Fragment d'un prologue d'opéra », Œuvres
complètes, vol. 2, éd. Léon Thiessé, Paris, 1832, p. 47.
(2) Jean de La Fontaine, « A M. de Niert sur l'Opéra »,
diverses, éd. Pierre Clarac, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1942, p. 71.
(3) Saint-Evremond, t Sur les opéras », Œuvres en prose, vol. 3, éd. René
Ternois, Paris, 1966, p. 151.
(4) Molière, « Avertissement » des Fâcheux. ' MARIE NAUDIN 1 88
seraient là pour utiliser les compétences des élèves de Saint-
Cyr entraînées au chant (5).
En fait, la réalité est beaucoup plus complexe. Bien qu'il
soit exact que la tragédie française soit, dans son ensemble,
dépourvue de chants et d'accompagnements musicaux, je
voudrais démontrer combien le courant classique aussi bien
que les théories néo-platoniciennes ont défié le théâtre
a-musical, l'ont amené à accueillir la musique et ont justifié
la présence de cette dernière.
Rappelons brièvement que les arts poétiques du xvne
siècle traitant de la tragédie sont élaborés à partir de deux
textes de base : la Poétique d'Aristote et VÉpitre aux Pisons
d'Horace. Dans les six parties constitutives de la tragédie,
Aristote distingue l'élocution, le spectacle et le chant. Les
sources de l'intrigue peuvent être l'imagination du poète,
la fable traditionnelle ou les événements qui se sont réell
ement passés. Le déroulement de l'action s'accomplit en trois
étapes : le Prologue, l'Épisode et l'Exode. Le chœur est intro
duit après le se développe entre ses chants
qui ne suivent pas l'Exode. Les chœurs sont exécutés soit à
l'unisson soit sous forme de dialogue avec la scène. Certains
d'entre eux n'ont pas la même métrique que le reste de
l'œuvre. Horace réprouve l'intervention des dieux tolérés
par Aristote. Il ne parle pas du décor. Il morcelle l'action
en cinq actes. Entre les actes interviennent les chants du
chœur traitant des sujets abordés dans l'acte immédiatement
précédent.
Les deux théoriciens français qui établissent la jonction des
XVIe et XVIIe siècles, Pierre Laudun d'Aygaliers et Vauquelin
de la Fresnaye, étudient le problème de la tragédie et font
valoir l'importance des chœurs. D'Aygaliers insiste notam
ment sur leur caractère chanté, leur versification différente,
leur rôle entre chaque acte (6).
Au moment où se forment les premières tragédies régul
ières, Chapelain rend compte de la présence sur le théâtre
(s) Racine, « Préface » d'Esther.
(6) Pierre de Laudun d'Aygaliers, L'Art poétique français, éd.
Joseph Dedieu, Genève, 1969, p. 163-165. TRAGÉDIE ET OPÉRA 1 89
contemporain de musique et d'intermèdes. Il recommande
l'emprunt à l'antiquité de « ses chœurs, ses messagers, ses
musiques », ses danses expressives. Il insiste sur l'effort à
accomplir pour ajouter à la pièce toute autre partie suscept
ible de rendre la juste intention des anciens.
Dans le même temps, le Mémoire de Mahelot mentionne
des objets musicaux dans maintes pastorales et tragi-comédies
jouées à l'Hôtel de Bourgogne. Ce sont de « petits oiseaux
faisant de doux ramages », des rossignols, des vents, des
tonnerres, des guitares, des tambours, des trompettes. Nomb
reuses sont les esquisses de décors variés particulièrement
riches en rochers, fontaines et forêts. Toutefois, il convient
de dire que la troupe de l'Hôtel de Bourgogne ne recevra pas
de subvention avant 1639. Elle ne dispose, pour les entr'actes,
que de deux instruments : deux violons ou une trompette
et un tambour.
Dans ces conditions, et malgré les préceptes des théori
ciens précités, l'on n'est pas trop surpris que Le Cid, Horace
et Cinna paraissent sans chœur. Corneille doit tabler sur les
moyens matériels qui lui sont offerts. Formé dans un collège
jésuite aux spectacles récités, il ne peut se permettre les
intermèdes dont la Compagnie de Jésus pimente les entr'actes.
Après la querelle du Cid, il tentera de se borner au décor
unique et d'éviter pour un temps les stances, facteur de diver
sion au sein de la régularité alexandrine. Néanmoins, la
question des chœurs préoccupera Corneille. Il tâchera de
justifier leur absence, d'abord par un plus grand nombre
d'épisodes dans l'action dramatique, ensuite par un délass
ement pour les spectateurs. Il mettra en valeur l'importance
des violons : leur musique simple et brève se prête à la ré
flexion nécessaire entre chaque fraction de la tragédie (8).
La Mesnardière et d'Aubignac sont d'un avis différent.
Tous deux déplorent que les morceaux des fameux violons
n'aient aucun rapport avec l'action. L'un suggère qu'ils
(7) Chapelain, «Lettre sur la règle des vingt-quatre heures », Opusc
ules critiques, éd. Alfred Hunter, Paris, 1936, p. 123-124.
(8) Corneille, iet et 3e « Discours sur l'art dramatique », Œuvres
complètes, vol. 1, coll. Napoléon Chaix, Paris, 1964, p. 17, 36, 93. I9O MARIE NAUDIN
soient désormais accommodés à la nature des pensées expr
imées dans chaque acte, l'autre montre à ses lecteurs tous les
avantages du chœur antique (9). Ils s'accordent encore au
sujet de la beauté des stances, de l'utilité de décors variés
adaptés aux circonstances, du recours éventuel à la fable
et aux divinités gréco-latines sans pour cela souhaiter la pré
sence des machines (10). Une divergence d'opinion existe en
revanche entre les deux hommes : La Mesnardière voudrait
un retour de la tragédie à son essence musicale ; d'Aubignac,
lui, estime comme un progrès l'ampleur prise par le discours
parlé. Il oppose une fin de non-recevoir à cette Alexiade
italienne prônée par son confrère (11) et mariant étroitement
la poésie et la musique. Il fait allusion, non sans aigreur, à
l'opéra italien — on en a présenté à Paris quatre spécimens,
La Finie Pazzà, L'Egisto, L'Orfeo, Les Nozze di Peleo e di
Teti — . Il trouve « ennuyeux » le chant continu. « Le Théâtre »
dit-il, « peut bien sans doute souffrir la Musique, mais il faut
que ce soit pour r

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