La problématique de la détention provisoire face au principe d’un procès équitable Par Anatol Clément BANNEM Août 2010 Directeur de projet ABA ROLI Projet SGBV MANIEMA INTRODUCTION Le droit à la liberté et à la sûreté est un droit fondamental inhérent à la personne, inscrit dans 1les instruments internationaux de la protection des droits de l'homme et dans la Constitution . Il prévoit la protection de l'individu contre les arrestations arbitraires et contre la détention illégale. Cependant, il est des privations de liberté qui émanent du pouvoir exécutif. Elles prennent la forme de l'internement administratif, de l'arrestation préventive ou de la rétention provisoire : par le biais de l'internement administratif, le gouvernement peut, sur le fondement d'un texte législatif ou réglementaire, priver une ou plusieurs personnes (sans intervention judiciaire) de leur liberté, pour une durée dont il est seul juge. L'arrestation préventive est utilisée par la police lors des mouvements d'agitation sociale et politique. Elle consiste à appréhender par anticipation, les meneurs présumés afin de se prémunir contre le développement des 2manifestations . Enfin, la rétention provisoire est une mesure de privation de liberté qui consiste au maintien de la personne, pour une durée n'excédant pas, en principe 48 heures d'un étranger dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.
La problématique de la détention provisoire face au
principe d’un procès équitable
Par Anatol Clément BANNEM Août 2010
Directeur de projet ABA ROLI
Projet SGBV MANIEMA
INTRODUCTION
Le droit à la liberté et à la sûreté est un droit fondamental inhérent à la personne, inscrit dans
1les instruments internationaux de la protection des droits de l'homme et dans la Constitution .
Il prévoit la protection de l'individu contre les arrestations arbitraires et contre la détention
illégale.
Cependant, il est des privations de liberté qui émanent du pouvoir exécutif. Elles prennent la
forme de l'internement administratif, de l'arrestation préventive ou de la rétention provisoire :
par le biais de l'internement administratif, le gouvernement peut, sur le fondement d'un texte
législatif ou réglementaire, priver une ou plusieurs personnes (sans intervention judiciaire) de
leur liberté, pour une durée dont il est seul juge. L'arrestation préventive est utilisée par la
police lors des mouvements d'agitation sociale et politique. Elle consiste à appréhender par
anticipation, les meneurs présumés afin de se prémunir contre le développement des
2manifestations . Enfin, la rétention provisoire est une mesure de privation de liberté qui
consiste au maintien de la personne, pour une durée n'excédant pas, en principe 48 heures d'un
étranger dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. C'est une mesure qui
est ordonnée par l'autorité administrative à l'encontre de la personne faisant l'objet,
notamment, du refus d'entrée, la reconduite à la frontière, l'expulsion etc.
Contrairement à ces mesures, la détention provisoire relève du pouvoir judiciaire. Il est donc
aisé de comprendre que la détention provisoire (II) et le procès équitable (I) dont doit
absolument jouir le détenu ont parfois des antinomies qu’il conviendra d’étudier (III) pour
arriver à une bonne application de la loi.
I- DU PROCES EQUITABLE : PRINCIPE FONDAMENTAL DE L’ETAT DE DROIT
Aucun Etat de droit ne peut s’encombrer d’une mise en œuvre du droit sans Sanction. Mais il
n’y a pas non plus de sanction sans juge chargé de prononcer ces sanctions. En effet, la
sanction n’est jamais automatique Il faut toujours vérifier que les éléments qui composent
l’infraction ont bien été réunis, et adapter la sanction au cas particulier, afin de respecter le
principe de nécessité des peines (Déclaration de 1789, art. 8). Le juge et les procès sont donc
un aspect absolument indispensable de la mise en œuvre du Droit. Et on pourrait ajouter que
1 Convention Européenne des droits de l ‘homme …..
2 e P. Bouzat et J. PINATEL : Traité de droit pénal et de criminologie, T. II. Par Bouzat, 2 éd., Dalloz 1970, P. 1216, n°1275 ; R. MERLE et A.
e eVITU : Traité de droit criminel, T. II. 4 éd., CUJAS, 1989, P.448, n°381 ; J. PRADEL : Procédure pénale, 12 éd., CUJAS, 2004.
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dans une société démocratique et respectueuse des Droits de l’Homme, le procès est soumis à
toute une série d’exigences qui font que ce procès ne portera pas atteinte aux Droits de
l’Homme, qu’il ne sera pas arbitraire, qu’il sera conforme aux exigences du Droit et de
l’esprit du Droit. Toutes ces exigences sont regroupées autour d’un seul terme : le procès
équitable qui lui-même est assis sur deux principes fondamentaux qui constituent son socle et
dont il conviendra d’étudier les contours: les principes d’organisation de la justice (A) et les
principes de procédure (B).
A. Les principes d’organisation de la justice.
Aux questions essentielles que se pose le commun des mortels à savoir qui sont les juges ?
Comment est ce que les juridictions sont constituées ? Quelles sont les garanties d’un juge
dans sa carrière ? Le juriste averti répond par deux exactitudes : l’indépendance des juges (a)
et leur impartialité (b).
a. L’indépendance des juges
Ce principe d’indépendance est absolument essentiel parce que le juge est au service du droit
(« c’est la bouche qui dit la loi »). Le juge n’est soumis à personne, il est soumis au Droit. Le
juge n’a peur de personne ; il ne doit avoir peur que « de Dieu et de la Loi » comme le dit un
éminent chef d’Etat. Si le Droit n’est pas suffisant, le juge doit en référer à sa conscience, il ne
doit pas en référer à un supérieur hiérarchique. On retrouve aussi ce principe d’indépendance
dans la Constitution, à l’article 149 qui prévoit que le pouvoir judiciaire est indépendant du
pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
Le principe d'indépendance de la justice constitue un aspect particulier du principe plus
général de la séparation des pouvoirs, prévu à l’article 16 de la Déclaration des Droits de
l’Homme français de 1789 ("Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution").
Les juges doivent donc être indépendants à la fois du pouvoir exécutif et du Parlement. Le fait
que les juges soient indépendants du Parlement peut sembler paradoxal, puisque les juges
doivent appliquer la loi, qui est votée par le Parlement. Mais le principe signifie que le
Parlement n’a pas le droit de donner des instructions à un juge dans une affaire particulière,
ou de voter une loi dont l'objet est de trancher un litige (ou de revenir sur la solution qui lui a
été donnée par un juge).
On pourrait cependant se poser une question : cette indépendance est –elle totale dans le
monde entier en général et en RDC en particulier?
- d'une part, en effet, il ne s'applique que très partiellement aux magistrats du parquet. On
oppose les magistrats du siège (qui prononcent les jugements) aux magistrats du parquet (qui
soutiennent l’accusation – on les appelle également le "ministère public"). Le principe
d’indépendance s’applique strictement aux magistrats du siège alors que les magistrats du
parquet relève d’un certain contrôle hiérarchique de la part du ministre de la Justice.
- d'autre part et surtout, les plus hauts magistrats (présidents de juridiction, membres de la
Cour de cassation) sont nommés à leurs postes par le Gouvernement (après l'avis, qui n'est pas
toujours suivi par le Gouvernement, du Conseil supérieur de la magistrature)
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Si les magistrats n’était pas indépendants, cela les pousserait peut – être à prendre partie pour
des personnes protégées par le gouvernement (ou au contraire, à nuire aux ennemis politiques
du gouvernement). Ils sacrifieraient ainsi le principe d’impartialité.
b. L’impartialité
L’impartialité implique, de manière plus générale, que le magistrat ne peut pas statuer sur le
cas de personnes proches (famille, amis) ou qu'il a des raisons de favoriser ou de défavoriser.
Il ne doit pas être suspecté de prendre partie en