Matteo Renzi, lors de sa dernière interview télévisée, a balayé d’un revers de main les critiques des parlementaires provenant à la fois du NCD (Nouveau Centre Droit), du M5S (Mouvement 5 Étoiles) et du PD (Parti Démocrate). Le Président du Conseil a déclaré : « qu’ils discutent tant qu’ils veulent, l’important est de décider ». Matteo Renzi maintient fermement sa stratégie de communication sur un axe urgence/décision, axe qu’il a décidé d’incarner personnellement en rejetant le débat public dans la sphère du bavardage stérile et complaisant. Pourra-t-il se permettre longtemps cette attitude surplombante? Pour le moment, le consensus dont il jouit semble solide. Mais les deux piliers sur lesquels repose son assurance (le soutien croissant de l’opinion d’une part et l’alliance de fait avec le centre droit d’autre part), sont exposés, en ce début de campagne européenne, à de dangereuses turbulences.
TADDEOSCOPE ITALIE #6En direct de la presse italienne, saisir les enjeux de la mutation politique en cours. 17 avril 2014: Tirs croisés sur le consensus renzien Matteo Renzi, lors de sa dernière interview télévisée, a balayé dun revers de main les critiques des parlementaires provenant à la fois du NCD (Nouveau Centre Droit), du M5S (Mouvement 5 Étoiles) et du PD (Parti Démocrate). Le Président du Conseil a déclaré : quilsdiscutent tant quils veulent, limportant est de décider». Matteo Renzi maintient fermement sa stratégie de communication sur un axe urgence/décision, axe quil a décidé dincarner personnellement en rejetant le débat public dans la sphère du bavardage stérile et complaisant. Pourra-t-il se permettre longtemps cette attitude surplombante? Pour le moment, le consensus dont il jouit semble solide. Mais les deux piliers sur lesquels repose son assurance (le soutien croissant de lopinion dune part et lalliance de fait avec le centre droit dautre part), sont exposés, en ce début de campagne européenne, à de dangereuses turbulences.
LE SOUTIEN DE LOPINION
Daprès les sondages, le peuple appuie fortement les réformes deMatteo Renzi, son esprit de décision, sa rapidité et son efficacité. Daprès la presse, Matteo Renzi serait particulièrement fier du bonus de 80 euros mensuels accordé aux bas salaires ( Il premier contro i rosiconi : la ‘promessa mantenuta salva la sua credibilità», Fabio Martini,La Stampa, 19 avril). Ce bonus, Matteo Renzi le désigne systématiquement comme une restitution », de façonà faire apparaître un lien direct entre la réforme de lÉtat et le gain concret que peuvent en retirer les Italiens.Il suscite par ailleurs ladmiration des observateurs qui se plaisent à souligner que le climat durgence» quil a su instaurer dans le pays lui bénéficie grandement (M. Salvati,Corriere della Sera, 14 avril).Il apparaît bien conscient que sa popularité repose sur la corrélation entre réforme de ladministration et réduction des impôts, capitalisant ainsi sur la certitude bien enracinée chez les Italiens que lÉtat, pléthorique et
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inefficace, a besoin de profondes réformes pour fonctionner correctement. Il aurait ainsi affirmé : siles citoyens comprennent que ce que nous faisons, cest du sérieux, que les réformes touchent pour la première fois des centres de pouvoirs et de gaspillage jamais atteints auparavant, alors ils se remettront à investir et à consommer » (propos transcrits par Marco Galluzzo,Corriere della Sera, 20 avril). Même lorsque les observateurs sont dubitatifs sur certaines décisions, ils soulignent néanmoins que le grand mérite de Matteo Renzi est de mettre en œuvre un mouvement de transformation salvateur (Alberto Statera, La rottamazione di compromesso»,La Repubblica, 15 avril, à propos des nominations des dirigeants des entreprises publiques). Gare toutefois à lexcès de confiance, Matteo Renzi semble désormais décider à sen prendre ouvertement à la magistrature, puissant soutient de la gauche parlementaire, contre lavis de ses collaborateurs (Fabio Martini,La Stampa, 19 avril).
ELECTIONS EUROPEENNES : BERLUSCONI SORT DU BOIS
Les alliés »se tiennent tranquilles. NCD (Nouveau Centre Droit) et FI (Forza Italia) soutiennent globalement les réformes. On nobserve pas doffensive denvergure susceptible de faire chuter le gouvernement, les formations de centre droit accordant leur soutien au cas par cas. Les critiques émises sur la réforme du Sénat et sur le Jobs Act » (voir plus bas) ne semblent pas de nature à compromettre cette alliance de fait. Toutefois, le jeu des amendements et des modifications, inévitable dans le cadre dune alliance composite, risque fort, sur le long terme, déroder sensiblement la confiance du PD et celle des Italiens. Malgré cette alliance apparemment solide, la campagne des élections européennes a été lancée par SilvioBerlusconi, lequel, pour la première fois, a attaqué de front Matteo Renzi. La menace est tout sauf anodine : lancien Président du Conseil fait levier, selon une stratégie de communication maintes fois éprouvées, sur sa condamnation, pour se poser en victime et accuser lÉtat (à travers la magistrature) dêtre injuste et partial. Même si le berlusconisme semble moribond, la capacité à rebondir du leader de FI ne doit pas être négligée. Bien que Matteo Renzi parvienne encore à jouer sur les divisions de la droite (selon Francesco Verderami, Matteo Renzi dispose de trois majorités à géométrie variable», Corriere della sera, 18 avril), la moindre faiblesse pourrait lui être funeste. Les attaques de Silvio Berlusconi sont de mauvaise augure, car elles arrivent une semaine après une rencontre avec Matteo Renzi (Ugo Magri,La Stampa,15 avril) : le jeu du Cavaliere semble trouble. Par ailleurs, le M5S (qui constitue une force électorale tout sauf négligeable) entend également, daprèsLEspresso, réaffirmer clairement ses positions sur des sujets qui ont été en partie préemptés par Matteo Renzi: la jeunesse, les régions périphériques (ex soutiens de la Lega Nord), la critique de lEurope. Surtout, Beppe Grillo entendrait récupérer une partie des déçus du berlusconisme (Tommaso Cerno, Marco Damilano, operazione sorpasso»,LEspresso, 18 avril), davantage tentés par un vote de protestation que par un vote en faveur du PD. Létau entre M5S et FI semble pour la première fois menacer de mettre en difficulté Matteo Renzi, qui continue de parier sur le train des réformes» plutôt que mettre en œuvre un repositionnement politique (Marco Galluzzo,Corriere della sera, 20 avril).
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DEUX THEMES CLIVANTS : FISCALITE ET EMPLOI
Après une période où régnait une sorte dunion sacrée tacite sur les réformes, certaines lignes de fracture apparaissent. La question des impôts sannonce importante : mardi 15 avril, leSole 24 Orecritiquait déjà implicitement laugmentation des taxes sur les revenus financiers (Le imposte sulle rendite arrivano fino al 36%»). Mi-avril paraissait dans la presse la première offensive anti-Renzi de Silvio Berlusconi: Renzi si è presentato come un simpatico rottamatore. Ora a poco a poco, si sta trasformando in un simpatico tassatore » ( Renzi sest présenté comme un sympathique ferrailleur [c-à-d quil envoyait à la casse les vieux débris], aujourdhui, peu à peu, il se transforme en sympathique taxateur»), déclaration prononcée lors de lenregistrement de lémissionPorta a porta.Berlusconi tente ainsi derenvoyer Renzi sur sa gauche et de désamorcer sa stratégie dempiètement sur le centre droit. Autre sujet clivant, le décret sur lemploi, qui porte à 36 mois la durée légale dun contrat à durée déterminée sans justification (ou de plusieurs renouvellements de contrat), dans les limites de 20% de la masse salariale employée à durée indéterminée. Lapprentissage est également simplifié, même sil reste dans le cadre de la formation professionnelle régionale (voir le dossier duSole 24 Ore, 22 avril). Or le décret a fait lobjet dun débat houleux en commission et a été modifié sans laccord des membres du nouveau centre, à tel point que M. Alfanoaurait rappelé à lordre ses troupes pour quelles ne fassent pas chuter le Gouvernement (Francesco Verderami,Corriere della Sera, 23 avril). Le centre droit juge en effet les conditions de renouvellement du contrat trop contraignantes et la simplification de lapprentissage insuffisante, tandis que de son côté, une partie de la gauche dénonce une précarisation dangereuse.
A SUIVRE −La semaine du 14 avril a constitué une séquence positive car Matteo Renzi, qui peut se valoir dune promesse tenue », jalon indispensable dans sa stratégie de confiance. −Des tentatives de recomposition sobservent, aussi bien à droite quà gauche, ainsi que dans le M5S. −tre audible » dans lopinion ne signifie pas nécessairement se démarquer de Matteo Renzi.Certaines positions de Matteo Renzi jouissent en réalité dun consensus quasi universel, y compris en dehors de son électorat. Les bénéfices dune lutte contre les défaillances de lÉtat constituent un thème important. Renforcer ou approfondir ce thème, formuler dautres propositions, adopter un positionnement différent sont des options envisageables. −Le pouvoir dachat rendu aux familles apparaît également comme un thème fédérateur à approfondir. −Les thèmes qui sont apparus comme les plus clivants »du point de vue de la bipolarité droite/gauche, les impôts et le travail, ne constituent pas nécessairement des pistes prometteuses, du moins pour le moment, car lactualité semble saturée par les thèmes imposés par le Gouvernement.