TADDEOSCOPE ITALIE #7 | 9 mai 2014 : Une démocratie impuissante
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La série de réformes à laquelle Matteo Renzi soumet l’Italie ébranle habitudes et certitudes. Dans le même temps, elle remet en cause le fonctionnement de l’État italien et interroge son autorité, sa capacité à affirmer le pouvoir du peuple sur les puissants. Plus que jamais (comme on l’a vu à la suite des incidents qui ont troublé la finale de la Coupe d’Italie) la nécessité d’un État efficace, et donc d’une démocratie vigoureuse, se fait sentir. L’aspiration universelle à une métamorphose de l’Italie est sans doute plus forte encore que la capacité de réformes de Matteo Renzi. En effet, si la clarté et l’unité de sa vision n’apparaissent pas toujours clairement, et s’il donne l’impression de courir sans cesse, c’est aussi parce qu’il sait que les attentes sont immenses et difficilement traduisibles en un programme politique. Le Président du Conseil utilise lui-même le mot de « révolution ». Car c’est bien par le paradigme révolutionnaire, récurrent en Italie depuis le début des années 1990, que l’on peut le mieux comprendre les enjeux actuels. Comment Matteo Renzi conçoit-il sa révolution de la démocratie italienne ?

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Publié le 15 mai 2014
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Langue Français

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TADDEOSCOPE ITALIE #7En direct de la presse italienne, saisir les enjeux de la mutation politique en cours. 9 mai 2014 : Une démocratie impuissante La série de réformes à laquelle Matteo Renzi soumet lItalie ébranle habitudes et certitudes. Dans le même temps, elle remet en cause le fonctionnement de lÉtat italien et interroge son autorité, sa capacité à affirmer le pouvoir du peuple sur les puissants. Plus que jamais (comme on la vu à la suite des incidents qui ont troublé la finale de la Coupe dItalie) la nécessité dun État efficace, et donc dune démocratie vigoureuse, se fait sentir. Laspiration universelle à une métamorphose de lItalie est sans doute plus forte encore que la capacité de réformes de Matteo Renzi. En effet, si la clarté et lunité de sa vision napparaissent pas toujours clairement, et sil donne limpression de courir sans cesse, cest aussi parce quil sait que les attentes sont immenses et difficilement traduisibles en un programme politique. Le Président du Conseil utilise lui-même le mot de  révolution ». Car cest bien par le paradigme révolutionnaire, récurrent en Italie depuis le début des années 1990, que lon peut le mieux comprendre les enjeux actuels. Comment Matteo Renzi conçoit-il sa révolution de la démocratie italienne ?
LES CORPS INTERMEDIAIRES» COURT-CIRCUITES
Pour Matteo Renzi, rénover la démocratie signifie vider les corps intermédiaires» de leur pouvoir. Bien que lexpression  corps intermédiaires » ne fasse pas partie du lexique renzien, les observateurs notent quasi unanimement la désinvolture, le mépris, voire lantagonisme affiché à légard des syndicats des travailleurs et de la Confindustria. Selon Roberto Mania (La Repubblica, 4 mai), cest là que se trouverait la véritable rottamazione», mise à la 1 casse. Le refus du Président du Conseil de se rendre au congrès de la CGILa été largement commenté, et a donné loccasion à Susanna Camusso, sa secrétaire générale, dattaquer
1 Confédération générale italienne du travail (Confederazione Generale Italiana del Lavoro)
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directement le chef du Gouvernement en défendant les idéaux de la gauche contre lexercice autoritaire du pouvoir, mais aussi en présentant un véritable projet politique alternatif (Dario Di Vico,Corriere della Sera, 7 mai). Le fait dignorer et de court-circuiter les syndicats est perçu comme un véritable déni de démocratie. Quelques jours auparavant en effet, le Président du Conseil avait annoncé que la réforme de ladministration se ferait sans concertation, mais que les travailleurs pourraient envoyer directement leurs propositions au Gouvernement, et que les syndicats, sils le souhaitaient, pourraient également les faire connaître avant le 13 juin, sans préséance particulière. La volonté de sadresser directement aux citoyens, et de susciter leur participation directe est lun des piliers de la communication cross-médiatique de Matteo Renzi, qui vise à prouver au peuple que le Gouvernement est décidé à sen prendre à tous les pouvoirs qui sopposent au changement. Ainsi, le plan de réforme de ladministration publique, objet de lannonce la plus récente, combine rajeunissement du personnel (par une politique dembauche et de départs à la retraite), mobilité obligatoire (avancement déterminé par des missions plutôt que par lancienneté), possibilité de licencier les dirigeants publics, limitation du nombre des préfectures (Alberto dArgenio parle dune  révolution antibureaucratique »,La Repubblica, er 1 mai).Des mesures qui visent à contenter lélectorat tenté par le populisme, mais qui entendent aussi replacer le citoyen au cœur de la mission de lÉtat. Une nouvelle conception de la démocratie est en jeu, non plus fondée sur des mécanismes de représentativité et de décision permettant lexpression de la volonté du peuple, mais sur leffectivité, limpartialité et la rapidité du service public offert au citoyen-contribuable. Renzi conçoit cette qualité comme le gage dun pacte social renouvelé et durable, quitte à donner une vision quelque peu consumériste du service public. Lenjeu, en campagne électorale, est de siphonner »lélectorat de Beppe Grillo, ce qui, pour le moment, semble bénéficier à Matteo Renzi (cf. Claudio Cerasa,Il Foglio, 7 mai).
VERS UN REGIME PRESIDENTIEL ?
Comme nous lavons déjà souligné, Matteo Renzi parie sur le soutien de lopinion. Or sa capacité à réellement transformer la démocratie italienne dépend de deux facteurs, lun politique, lautre lié à sa méthode de gouvernement. Dun point de vue politique en effet, la campagne pour les élections européennes bat son plein. Matteo Renzi cherche à corriger limage dun PD (Parti Démocrate) dominé par sa personne (Francesco Bei,La Repubblica, 4 mai). Daprès les sondages, le PD disposerait dune avance confortable et atteindrait les 33%, loin devant FI (Forza Italia) qui obtiendrait 19-20%. Daprès Matteo Renzi, cette proportion est idéale, FI se trouvant contrainte de maintenir lalliance conclue avec le PD pour les réformes. Néanmoins, Silvio Berlusconi a su récemment montrer à Matteo Renzi quil restait incontournable (lexcavaliereest  affaibli mais encore indispensable », selon les termes de Roberto dAlimonte,Il Sole 24 ore, 8 mai 2014), dautant plus quil existe un risque non négligeable que laile anti-Renzi au sein de FI prenne le pas sur les partisans de lalliance (Ugo Magri,La Stampa, 4 mai). Dernière manœuvre : en guise de contrepartie à la réforme du Sénat, FI exige la mise en place dun régime présidentiel, ce à quoi Matteo Renzi se serait dailleurs montré favorable (Corriere della sera, 5 mai). Cette revendication du présidentialisme »,vieux cheval de bataille de lexcavaliere, souligne en réalité un véritable point faible de la méthode Renzi». Finement analysée par Enrico Marro dans leCorriere della Sera (5mai), cette méthode est essentiellement
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composée dexpédients visant à accélérer la machine incroyablement complexe du parlementarisme italien : annonce des réformes quelques semaines avant leur adoption par le Conseil des ministres, savant dosage de décrets (majoritaires) et de projets de loi, usage important du vote de confiance. Or dans lemare magnumdes réformes, seul le bonus de 80 euros mensuels pour les bas salaires a été définitivement adopté. La réforme de ladministration, la réforme constitutionnelle, la réforme de la loi électorale, le remboursement de la dette aux entreprises, sont encore dans les rouages du Parlement. Silvio Berlusconi a donc beau jeu daffirmer que les réformes risquent dêtre un château de cartes ». Par conséquent, plus FI retardera ladoption de certains textes (comme la réforme du Sénat), plus les lenteurs du système parlementaire seront apparentes, et plus la question du présidentialisme sera pertinente.
UN SYMBOLE DESASTREUX
Les soubresauts qui traversent lItalie sont-ils lindice dune mue salvatrice? En début de semaine, les images dramatiques de la finale de la Coupe dItalie occupaient encore les unes des quotidiens. La fusillade à lextérieur du stade et ses conséquences à lintérieur. Lorsque les deux clubs se sont mis daccord pour tenir »leurs troupes, M. Hamsik, joueur du SSC Naples,entouré de policiers et de dirigeants, est venu en avertir les supporteurs napolitains. Limage du fort peu recommandable chef desazzurri, assis sur sa barrière, indiquant dun pouce levé quil acceptait la décision, est devenue dans les journaux le symbole dun État soumis au bon vouloir des hooligans. Les commentateurs exprimaient un pessimisme empreint de colère et dénonçaient le retard de lItalie en termes de lutte contre la violence dans les stades, mais également le lien entre clubs de supporteurs et mafia. Une honte à effacer» titrait leCorriere della Sera du5 mai; Roberto Saviano, auteur de Gomorra, véritable icône antimafia de lItalie contemporaine, dénonçait dans un éditorial enflammé  lo stato nel pallone », cest-à-dire  lÉtat dans les cannes », en italien  dans le ballon » (La Repubblica, 5 mai).FI et Grillo ont de leur côté dénoncé la passivité de Matteo Renzi présent au stade. Même si certains analystes soulignent linstrumentalisation électoraliste de cet épisode dramatique (Maria Teresa Meli,Corriere della Sera, 5 mai),laffaire conduit inévitablement à porter un regard désabusé sur les réformes, désespérément insuffisantes.
A SUIVRE La mise en place de réformes rapides et radicales semble le seul capital politique viable aujourdhui en Italie. Droite et gauche sont liées par cette forme de nécessité politique qui simpose à tous, de plus en plus. Il existe néanmoins une guerre dusure, chacun des acteurs essayant de tirer les réformes à son avantage. Sil y a un vainqueur dans cette guerre dusure, ce sera celui qui maintiendra le plus longtemps possible limpression (ou lillusion) quil estle véritable moteur des réformes et quil est prêt à aller plus loin que les autres.
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