Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 3. Réduction des intrants : quelles alternatives ? Produits alternatifs et SDN pour protéger la vigne ...
iter les traitements (itinéraires tech- délivrées par l’Etat français. L’homologa-
niques, recherche de variétés résis- se les produits alternatifs est leur profil tion d’un produit phytosanitaire est un
tantes…), mais aussi en aval sur la façon de plus respectueux de l’environnement et travail de longue haleine, avec des dos-
traiter elle-même. Elles consistent à traiter : de la santé, qui en fait une solution inno- siers lourds en investissements financiers
Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 2009 3et temporels, parfois difficiles à soutenir
pour les petites firmes qui développent
les produits alternatifs.
La majorité des produits alternatifs se
retrouvent de ce fait dans une autre caté-
gorie : les fertilisants, qui respectent aussi
une norme (NFU), beaucoup moins stricte
et onéreuse que l’homologation phytosa-
nitaire. Légalement, l’utilisation de ces
produits ne se fait donc qu’à des fins de
fertilisation, mais officieusement ils sont
souvent distribués et utilisés pour lutter
contre les maladies avec plus ou moins de
succès.
Ce contournement de la réglementation
n’est pas sans risque : en effet l’homolo-
gation garantit une évaluation approfon-
die des produits au niveau de la toxicolo-
gie, de l’éco-toxicologie mais aussi en
termes d’efficacité et d’usage. Des
réflexions sont en cours quant à l’allége-
ment de la Directive au niveau européen
Figure 1 : Classement des produits alternatifs : nature, statuts et usage en France. Par(projet Rebeca) et au niveau français et à
exemple, le phosphite de potassium est un produit d’origine minérale, aul’instauration d’un statut particulier (Far-
mode d’action d’inhibition directe et SDN, certaines spécialités commercialesdeau & Jonis 2003) pour certains types de
sont homologuées en tant que fertilisants, et parfois utilisées officieusementproduits afin de faciliter leur inscription
en protection de la vigne en viticulture conventionnelle.sans perdre ces aspects importants de
connaissance du produit (Grosman 2008).
L’usage des PA peut se faire en Agricultu-
re Biologique, s’il est mentionné dans la – la génération de formes actives de l’oxy- On peut considérer que la majorité des
liste positive française (en tant que pro- gène (toxiques pour les micro-organismes) SDN fait partie de la famille des produits
duit phytosanitaire ou en tant que fertili- alternatifs par leur origine qui est sou-– la synthèse de composés antimicrobiens
sant).
(polyphénols, phytoalexines…) vent naturelle (oligosaccharides, extraits
Cette complexité est spécifique à la Fran- naturels, facteurs de régulation végé-– l’activation d’enzymes qui dégradent les
ce. Au niveau européen, de nombreux
taux…) et leur moindre toxicité pourpathogènes (chitinases, glucanases… etc)
pays voisins ont créé des statuts ou des
l’environnement et la santé. Néanmoins,Ces moyens de défense généralistes sontclassements de produits alternatifs et de
il existe aussi des SDN de synthèse chi-ceux que l’on trouve chez les variétésproduits naturels (Tomasi 2008). En Alle-
résistantes (Gindro et al 2007). mique pure. magne par exemple, il existe une liste
actualisée fournie par le Ministère de
l’Agriculture sur les SDN. La constitution
de dossiers est parfois même aidée ou
financée dans certains pays.
Le schéma ci-dessous (figure 1) décrit la
complexité des notions qui gravitent et
qui se croisent autour du terme “produits
alternatifs”.
La stimulation des défenses
Les stimulateurs des défenses naturelles
sont des produits alternatifs avec un
mode d’action très particulier (voir figure
2) : il s’agit de substances capables d’élici-
ter les défenses propres de la vigne pour
qu’elle résiste à une attaque ultérieure
d’un pathogène (Klarzynski & Fritig
2001). Cette stratégie de protection s’ap-
parente dans son concept à la vaccina-
tion. En dehors de ses défenses spéci-
fiques “gène pour gène” (Postulat de
Flor), la vigne dispose de moyens de
défense généralistes pour se protéger des
maladies et des ravageurs. On peut citer
principalement :
– l’épaississement des parois végétales Figure 2 : Schéma simplifié de la stratégie de stimulation des défenses de la vigne.
Les Entretiens Viti-Vinicoles Rhône Méditerranée 20094La stimulation des défenses est une stra- Une utilisation actuelle limitée champ et dans des conditions de produc-
tégie bien différente des stratégies clas- tion est particulièrement saisissant : deEn l’état actuel des connaissances et des
siques de protection. La cible à atteindre nombreux résultats prometteurs obtenusproduits disponibles, aucun produit alter-
en laboratoire ont été publiés, les articlespar le SDN est la vigne elle-même et non natif ne peut se substituer simplement et
le pathogène. L’efficacité de la protection scientifiques sont légion sur plusieursdirectement aux produits conventionnels.
maladies de la vigne : mildiou (Daire et alréside donc dans la réussite de l’activa- Leur utilisation en remplacement arbi-
2002, Dagostin et al ), oïdium (Belhadj ettion des défenses, qui indirectement inhi- traire ou sur toute la saison n’apparaît
al 2006, Constant 2008) et botrytis (Elmerberont le développement et la pénétra- pas comme pertinente.
& Reglinski 2006, Trotet Aziz et al 2006).tion du parasite au sein du végétal.
Mais appliqués au vignoble, les résultatsLes réponses
obtenus sont décevants alors qu’ils ontProblématiques actuelles et les axes de recherche
été concluants en serre (Chovelon 2006 ;concernant les produits
BIVB 2008).Vers une nouvelle logique d’utilisation
alternatifs
Influence du milieu Une évaluation adaptée
Manque de références
Il est certain que les conditions exté-Les PA ne peuvent pas être simplement
A propos des PA on dispose de peu de rieures et la physiologie même de laévalués exclusivement selon les méthodes
références qui font état de résultats posi- CEB classiques. Ces dernières sont intéres- vigne influencent fortement l’activation
tifs et efficaces contre un pathogène au santes pour connaître le potentiel intrin- des défenses. Si les connaissances théo-
vignoble et dans des conditions de pro- sèque du produit, mais elles ne sont pas riques dans le domaine ont beaucoup
duction. On trouve souvent des articles suffisantes. D’autres expérimentations avancé ces dix dernières années, les tra-
isolés qui présentent un résultat intéres- doivent être menées pour définir précisé- vaux appliqués au vignoble sont inexis-
sant pour un millésime donné, dans des ment leurs propriétés face au pathogène tants. De nombreuses questions restent
conditions bien particulières. Mais bien (mode d’action, stades clés, rémanence et posées sur :
souvent, les résultats restent décevants : renouvellement des applications…). Cet-
– la physiologie de la vigne et la mise en
par exemple, sur plus d’une vingtaine te approche passe par des méthodologies
place de ses défenses tout au long du
adaptées débouchant sur des protocolesd’années d’essais, des dizaines de pro- cycle végétatif
et des outils complémentaires d’évalua-duits commerciaux ou en voie de com-
– l’influence du matériel végétal (variété,tion.mercialisation ont été testés à l’IFV
âge, type de conduite…)contre l’oïdium et le mildiou. Quelques Une connaissance affinée des éléments
produits seulement ont donné des effica- – l’influence des conditions agro-clima-influençant les PA
cités intéressantes mais partielles (B. tiques.
L’influence des facteurs extérieurs est un
Molot 2007).
Les défenses de la vigne au vignobleélément primordial dans l’efficacité des
L’efficacité partielle PA. On connaît peu de choses sur : Le développement d’indicateurs et d’ou-
La caractéristique principale des produits tils complémentaires (biochimiques, bio-– l’influence directe ou indirecte des
alternatifs en termes de protection réside moléculaires) permettant de visualiser laconditions agro-climatiques sur ce type
dans le phénomène d’efficacité partielle. de traitement mise en place des défenses de la vigne
Contrairement aux produits phytosani- dans des conditions de production peut
– les seuils d’efficacité précis par rapport
être une voie d’investigation. Le dévelop-taires classiques qui présentent une effi- à la pression parasitaire
cacité de protection avoisinant les 90-100 pement de certaines méthodes (article
– la possibilité d’association avec d’autres%, les PA confèrent des efficacités de suivant de Katia Gindro) sur la visualisa-
produits (alternatifs ou conventionnels) tion ou la mesure des réponses de défen-protection très variables et partielles (40
se chez la vigne vont dans ce sens.%-80 %). Cette efficacité partielle peut – le mode d’application (type, concentra-
Actuellement, les SDN sont évalués sur leêtre expliquée par la composition des PA tions, cadences…)
terrain en mesurant leur efficacité dequi contiennent des substances diverses Une utilisation intégrée
protection contre un pathogène donnéet des modes d’action plus généraux que
Actuellement, l’utilisation des PA ne peut (étape 6 du schéma). Compte tenu descertaines molécules classiques qui vont
se faire qu’en intégration au sein d’un résultats peu convaincants, il serait judi-cibler des cycles métaboliques ou des
programme incluant le recours à d’autres cieux de se focaliser sur des étapes enorganites précis chez les pathogènes.
méthodes de protection dont l’applica- amont pour comprendre ces échecs de
La variabilité interannuelle et l’influence tion de produits conventionnels. Des stra- protection et identifier les réels verrous
des conditions extérieures tégies d’emploi sont à définir pour utili- de transfert, comme par exemple :
ser les PA de façon optimale et sansLes efficacités partielles et variables - est-ce que le SDN a été reconnu par la
risque. La création de règles de décisionconstatées selon les millésimes laissent
vigne ? (étape 2)spécifiques PA pourrait en faciliter l’utili-supposer que l’emploi des PA est très lié
sation stratégique. - est-ce que les mécanismes de défensesaux conditions extérieures et au système
ont été activés ? (étape 5) milieu/pl