La prise en compte des revenus du patrimoine dans la mesure des inégalités
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Description

En France, la mesure de référence des inégalités de revenus s’appuie sur une définition du niveau de vie qui prend uniquement en compte les ressources monétaires. Jusque dans un passé récent, cette mesure appréhendait mal les revenus du patrimoine financier et ignorait la contribution du logement au niveau de vie des individus. La prise en compte « élargie » des revenus du patrimoine dans la mesure des niveaux de vie modifie le paysage des inégalités en France. Qu’il s’agisse du patrimoine financier, dont la distribution au sein de la population est plus concentrée que celle des revenus, ou de la propriété de la résidence principale, les compléments de ressources estimés accroissent la mesure des inégalités globales. Les inégalités de niveau de vie entre les différentes catégories socioprofessionnelles et selon l’âge en sont également modifiées. Le niveau de vie moyen des personnes âgées est inférieur à la moyenne de la population avec la mesure standard du niveau de vie. Compte tenu du fait que le patrimoine des seniors est supérieur à la moyenne, la prise en compte des revenus du patrimoine améliore leur niveau de vie relativement au reste la population.

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Langue Français

Extrait

REVENUS / NIVEAUX DE VIE
La prise en compte des revenus
du patrimoine dans la mesure
des inégalités
Alexandre Baclet* et Émilie Raynaud**
En France, la mesure de référence des inégalités de revenus s’appuie sur une défnition
du niveau de vie qui prend uniquement en compte les ressources monétaires. Jusque
dans un passé récent, cette mesure appréhendait mal les revenus du patrimoine fnan-
cier et ignorait la contribution du logement au niveau de vie des individus. La prise en
compte « élargie » des revenus du patrimoine dans la mesure des niveaux de vie modi-
fe le paysage des inégalités en France. Qu’il s’agisse du patrimoine fnancier, dont la
distribution au sein de la population est plus concentrée que celle des revenus, ou de la
propriété de la résidence principale, les compléments de ressources estimés accroissent
la mesure des inégalités globales. Les inégalités de niveau de vie entre les différentes
catégories socioprofessionnelles et selon l’âge en sont également modifées. Le niveau
de vie moyen des personnes âgées est inférieur à la moyenne de la population avec la
mesure standard du niveau de vie. Compte tenu du fait que le patrimoine des seniors
est supérieur à la moyenne, la prise en compte des revenus du améliore leur
niveau de vie relativement au reste la population.
* Au moment de la rédaction de cet article Alexandre Baclet travaillait à la division Revenus et Patrimoine de l’Insee.
** Division Revenus et Patrimoine de l’Insee.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 414, 2008 31a connaissance en matière de concentration tique et à l’accès aux services publics partici-L des revenus et du patrimoine au sein de la pent au bien-être des individus (Cnis, 2007). De
population fait l’objet d’une très forte demande même, le logement contribue au niveau de vie
sociale, comme l’a récemment souligné le rap- des individus. Comparer les niveaux de vie des
port du groupe de travail du Conseil national propriétaires et des locataires soulève ainsi des
de l’information statistique sur les inégalités diffcultés. Les propriétaires de leur résidence
(Cnis, 2007). En France, la mesure de réfé- principale, disposant d’un patrimoine qui a une
rence des inégalités de revenus s’appuie sur une valeur d’usage, peuvent être considérés comme
défnition du niveau de vie qui prend unique- favorisés en termes de niveau de vie par rapport
ment en compte les ressources monétaires. Le aux locataires qui doivent affecter une fraction de
niveau de vie d’un individu est par convention leurs revenus au règlement d’un loyer. Prendre en
mesuré comme celui du ménage dans lequel il compte cet avantage revient à élargir la mesure
vit ; il se calcule en divisant le revenu disponi- du niveau de vie à un élément non monétaire, le
ble par le nombre d’unités de consommation de logement, traité dans cet article comme un élé-
1ce ménage (1). Il est désigné dans la suite de ment du patrimoine des individus.
cette étude par « niveau de vie standard ». Les
ressources qui constituent le revenu disponi- Il existe un consensus pour dire que la meilleure
ble comprennent les revenus d’activité salariée prise en compte des revenus du patrimoine
ou indépendante, les revenus de remplacement fnancier devrait accroître les inégalités mesu-
(allocations chômage, retraites, pensions), les rées et dans une moindre mesure le taux de pau-
revenus du patrimoine immobilier (revenus fon- vreté (Verger, 2005). Si le sens de l’effet ne fait
ciers) et fnancier, les prestations sociales, total pas de doute, il n’existe cependant que très peu
duquel sont déduits les impôts directs payés par d’études qui se sont efforcées d’en mesurer pré-
le ménage (impôt sur le revenu, taxe d’habita- cisément l’impact. Lagarenne et Lorgnet (1998)
tion) et les prélèvements sociaux (Contribution proposent ainsi une méthodologie consistant à
sociale généralisée – CSG, Contribution au
remboursement de la dette sociale – CRDS).
1. Système de pondération attribuant un coeffcient à chaque
membre du ménage et permettant de comparer les niveaux de
vie de ménages de tailles ou de compositions différentes. Avec La source de référence pour la mesure des
cette pondération, le nombre de personnes est ramené à un
niveaux de vie en France est l’enquête Revenus nombre d’unités de consommation (UC). Aussi, pour compa-
rer les niveaux de vie de ménages de taille ou de composition fiscaux (ERF), qui s’appuie sur les déclarations
différente, on utilise une mesure du revenu corrigé par unité de
fscales (cf. encadré 1). Certaines composantes consommation à l’aide d’une échelle d’équivalence. L’échelle
actuellement la plus utilisée (dite de l’OCDE modifée) retient la du concept « standard » de niveau de vie sont mal
pondération suivante : 1 UC pour le premier adulte du ménage ; appréhendées : c’est le cas des revenus du patri- 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus ; 0,3 UC
pour les enfants de moins de 14 ans.moine fnancier, en particulier, car seule une par -
tie d’entre eux est soumise à l’impôt sur le revenu
Graphique I(Legendre, 2004). Certains en sont exonérés,
Courbe de concentration du revenu disponible comme les intérêts des livrets d’épargne régle-
et du patrimoine fnancier des ménages
mentée ; d’autres sont soumis à un prélèvement
En %
100forfaitaire, libératoire de l’impôt sur le revenu.
90Ils font dans ce cas l’objet d’un prélèvement à 80
la source et n’entrent pas dans le calcul de l’im- 70
60pôt. En 2001, les revenus du patrimoine fnancier
50
dans l’ERF représentaient environ 16 % du total 40
30mesuré par la Comptabilité nationale (Legendre,
202004). Le patrimoine des ménages étant nette-
10
ment plus concentré que les revenus au sein de 0
0102030405060708090 100la population (cf. graphique I et Cordier, 2006)
Patrimoine financier Revenu disponibleet cette concentration s’étant en outre accrue
Lecture : plus la courbe s’éloigne de la diagonale, plus la dis-au cours des dernières années (Girardot, 2007),
tribution de la variable considérée est concentrée. La moitié
l’appréhension partielle des revenus du patri- des ménages les moins riches possède 27 % de la masse des
revenus disponibles tandis que la moitié des ménages les moins moine fnancier dans les enquêtes Revenus fis-
bien dotés possède environ 4 % de la masse totale de patrimoine caux entraîne une sous-estimation des inégalités. financier. Les 10 % les mieux dotés en patrimoine financier en
possèdent environ 63 %.
Champ : ménages dont la personne de référence n’est pas étu-Par ailleurs, le fait de restreindre la mesure du diante et dont le revenu déclaré est positif ou nul.
Sources : enquête Revenus fscaux 2003, Insee-DGI pour le niveau de vie à des composantes strictement
revenu disponible et enquête Patrimoine 2004, Insee, montants monétaires prête souvent à polémique puisque
de patrimoine financier recalés sur les données de la Comptabilité
le temps dédié au loisir, à la production domes- nationale.
32 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 414, 20082rapprocher les ERF de l’enquête Patrimoine, celles d’Eurostat (2) incitent à proposer une
sans toutefois en analyser les effets sur les méthodologie qui tienne compte du logement,
niveaux de vie. La mesure de cet impact reste afn d’alimenter la réfexion sur la mesure des
évidemment tributaire des choix et des hypothè- niveaux de vie. Le sens de l’effet des loyers
ses d’imputation.
2. Eurostat propose d’imputer des ressources supplémentaires
La pratique des Comptes nationaux, qui non seulement aux propriétaires de leur résidence principale,
mais aussi aux locataires du parc social, au titre de la subvention incluent des revenus supplémentaires (les loyers
implicite dont ils bénéfcient par rapport aux locataires du parc
imputés) dans la masse du revenu disponible privé. Les loyers imputés sont ici analysés comme des revenus
du patrimoine. Le cas des locataires du parc social, qui ne pos-brut des propriétaires de leur résidence princi-
sèdent pas leur logement, ne se pose pas en ces termes et n’

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