Devenir sans-domicile, le rester : un problème lié à l accès au logement ou à la rupture des liens sociaux et familiaux ?
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Comparés aux personnes qui occupent un logement ordinaire, les sans-domicile aidés vivent plus souvent seuls et disposent de faibles revenus. La plupart sont inactifs, au chômage ou occupent des métiers très peu qualifiés d'ouvriers ou d'employés. En outre, nombre d'entre eux ont connu des événements difficiles : immigration, séparation, décohabitation précoce, décès d'un des parents pendant l'enfance. Quant aux anciens sans-domicile qui habitent à présent un logement ordinaire, ils ne se distinguent pas particulièrement du reste de la population et leur situation familiale est comparable. Néanmoins, ils sont plus souvent locataires d'un logement HLM ou d'un logement sans confort du secteur privé et aussi plus fréquemment hébergés chez des tiers. Les personnes qui sont restées privées de domicile le plus longtemps sont les célibataires, les hommes, mais aussi ceux qui n'ont pas eu d'expérience professionnelle, les personnes dont le niveau d'étude est le plus faible et l'état de santé le moins bon, autant de caractéristiques qui ont pu entraîner des difficultés économiques. Les personnes seules, celles qui sont privées de documents administratifs ou qui sont dotées de faibles revenus ont peu de chance d'accéder rapidement à un logement du parc social. Quant au parc privé locatif, il n'est accessible qu'à ceux qui acceptent des conditions de logement très dégradées au prix de loyers élevés. La comparaison des sans-domicile et des personnes dont les conditions de logement sont voisines des leurs, soit par l'inconfort (chambre d'hôtel, logement sans équipement sanitaire), soit par la précarité du statut d'occupation, met en évidence les mauvaises conditions de logement des personnes seules, sans ressources scolaires, affectées par le chômage mais aussi la sur-représentation des hommes et des immigrés dans les formes de logement les plus atypiques. À cet égard, la situation des sans-domicile constitue un cas extrême d'un problème plus général.

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Langue Français

Extrait

PAUVRETÉ
Devenir sans-domicile, le rester :
rupture des liens sociaux ou diffi cultés
d’accès au logement ?
Cécile Brousse*
Comparés aux personnes qui occupent un logement ordinaire, les sans-domicile aidés
vivent plus souvent seuls et disposent de faibles revenus. La plupart sont inactifs, au
chômage ou occupent des métiers très peu qualifi és d’ouvriers ou d’employés. En outre,
nombre d’entre eux ont connu des événements diffi ciles : immigration, séparation, déco-
habitation précoce, décès d’un des parents pendant l’enfance.
Quant aux anciens sans-domicile qui habitent à présent un logement ordinaire, ils ne se
distinguent pas particulièrement du reste de la population et leur situation familiale est
comparable. Néanmoins, ils sont plus souvent locataires d’un logement HLM ou d’un
logement sans confort du secteur privé et aussi plus fréquemment hébergés chez des
tiers. Les personnes qui sont restées privées de domicile le plus longtemps sont les céli-
bataires, les hommes, mais aussi ceux qui n’ont pas eu d’expérience professionnelle, les
personnes dont le niveau d’étude est le plus faible et l’état de santé le moins bon, autant
de caractéristiques qui ont pu entraîner des diffi cultés économiques. Les personnes seu-
les, celles qui sont privées de documents administratifs ou qui sont dotées de faibles
revenus ont peu de chance d’accéder rapidement à un logement du parc social. Quant au
parc privé locatif, il n’est accessible qu’à ceux qui acceptent des conditions de logement
très dégradées au prix de loyers élevés.
La comparaison des sans-domicile et des personnes dont les conditions de logement
sont voisines des leurs, soit par l’inconfort (chambre d’hôtel, logement sans équipement
sanitaire), soit par la précarité du statut d’occupation, met en évidence les mauvaises
conditions de logement des personnes seules, sans ressources scolaires, affectées par le
chômage mais aussi la sur-représentation des hommes et des immigrés dans les formes
de logement les plus atypiques. À cet égard, la situation des sans-domicile constitue un
cas extrême d’un problème plus général.
* L’auteur appartenait au moment de la rédaction de cet article à la division Conditions de vie des ménages de l’Insee
et au Laboratoire de sciences sociales de l’École Normale Supérieure.
L’auteur remercie tout particulièrement Emmanuel Soutrenon, Danièle Guillemot, Christian Baudelot, Gaël de Peretti,
Maryse Marpsat et Dominique Budin pour leurs relectures et les rapporteurs de la revue pour leurs remarques.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 391-392, 2006 35ans l’univers académique, plusieurs tradi- constituerait une variable d’ajustement entre D tions de recherche s’opposent s’agissant de l’offre et la demande de logement.
la question des sans-domicile : certaines accor-
dent une grande importance aux liens sociaux
Une enfance marquée par les privationsdans l’explication du phénomène, d’autres à la
pauvreté, aux diffi cultés d’accès au logement ou
aux logiques institutionnelles. Une personne sans domicile sur cinq a dû quit-
ter le domicile de ses parents avant l’âge de 16
ans (proportion six fois plus élevée que dans
Ainsi, des auteurs raisonnent en termes de le reste de la population). Parmi eux, près des
ruptures et mettent en avant le rôle détermi- trois quarts ont été accueillis dans un foyer
nant des événements survenus dans l’enfance de l’enfance et/ou placés en famille d’accueil
et insistent sur le rôle du contexte familial. Il (cf. Firdion, 2006, ce numéro, sur les consé-
s’agirait avant tout de comprendre pourquoi la quences du placement en foyer de l’enfance).
grande pauvreté touche certaines personnes Un tiers a connu des diffi cultés économiques
plus que d’autres (Paugam et Clémenceau, avant l’âge de 18 ans, soit trois fois plus que
2003). Ils s’intéressent aux personnes qui ont chez les personnes occupant un logement ordi-
rompu ou sont susceptibles de rompre les liens naire. La moitié des sans-domicile aidés (1) a
de fi liation, d’intégration ou de citoyenneté qui été marquée par la maladie ou le décès d’au
les rattachent aux autres ou à la société dans moins un de ses parents avant l’âge de 18 ans,
son ensemble. Ces ruptures constituent des taux là encore trois fois plus élevé que dans le
expériences marquantes, mettent à l’épreuve reste de la population et 40 % des sans-domi-
l’équilibre psychologique des individus et leur cile ont vu leurs parents divorcer ou se séparer
cumul compromet leur intégration sociale. dans leur enfance, contre 20 % des personnes en
D’après eux, la rupture des relations conjugales logement ordinaire (cf. encadrés 1 et 2). Enfi n,
est celle qui est la plus souvent citée comme les les sans-domicile sont deux fois plus nombreux
ayant fait basculer, avant la perte du logement, à appartenir à une grande fratrie (six enfants ou
de l’emploi, les diffi cultés dans l’enfance, les plus) et deux fois moins nombreux à être enfant
ennuis de santé et la chute des ressources. Du unique.
point de vue des politiques publiques, ces ana-
lyses appellent des mesures compensatrices,
des politiques d’assistance voire des actions Masculin au deux-tiers, le groupe
préventives. des sans-domicile aidés se compose
principalement de personnes seules ...
Jusqu’à présent, la question des sans-domicile
Les personnes seules et sans enfant représentent n’a guère éveillé l’intérêt des économistes,
70 % de la catégorie des sans-domicile aidés notamment en France. En revanche, aux États-
contre à peine 22 % des personnes occupant un Unis, l’économiste O’Flaherty a mené des ana-
logement ordinaire. Parmi les personnes seu-lyses approfondies sur ce sujet. La présence
les, celles qui n’ont jamais vécu en couple sont d’un nombre important de sans-domicile pro-
encore plus nombreuses chez les sans-domicile. viendrait, selon lui, d’un déséquilibre entre la
Ceci est particulièrement net chez les hommes distribution des revenus et celle des logements
sans domicile dont 30 % n’a jamais vécu en (O’Flaherty, 1996). Autrement dit, les facteurs
couple alors que ce taux ne dépasse pas 4 % macroéconomiques seraient plus importants
chez les occupants d’un logement ordinaire. que les éléments d’ordre familiaux ou psycho-
Par ailleurs, les mères de jeunes enfants sont logiques, tels qu’on peut les saisir dans les bio-
une composante importante de la catégorie graphies individuelles. Le revenu devient ici
des sans-domicile aidés. Elles représentent la l’élément central, le prix du logement se fi xant
moitié des femmes sans-domicile. En outre, selon les lois du marché en fonction du degré
les sans-domicile aidés constituent une popu-de confort : à l’équilibre, les ménages doivent
lation relativement jeune comptant très peu de trouver équivalentes la qualité des logements
personnes âgées (la moitié a moins de 35 ans). sans aucun confort et la privation complète de
Si la structure par âge de la population fémi-logement. Dès lors, c’est bien la faiblesse de
leurs revenus qui empêche la plupart des sans-
domicile de s’acquitter des loyers donnant 1. Les sans-domicile aidés sont les personnes fréquentant les
services d’hébergement et distribution de repas chauds défi nis accès aux logements disponibles sur le marché
comme sans-domicile au sens de l’Insee c’est-à-dire si, la nuit (y compris les plus vétustes). Ainsi, selon ce
précédente, elles ont eu recours à un service d’hébergement ou
modèle, le nombre de ménages sans-domicile ont dormi dans un lieu non prévu pour l’habitation.
36 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 391-392, 2006Encadré 1
LES DIFFÉRENTES SOURCES MOBILISÉES
Dans un souci de comparaison, seules sont étudiées, l’enquête soit 25 000 personnes âgées de 18 ans ou
quelle que soit la source de données utilisée, les per- plus parmi lesquelles 24 000 ont répondu à l’question-
sonnes dont l’âge est compris entre 18 et 65 ans, naire auto administré.
qui sont sorties du

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