L inflation perçue
30 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
30 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Depuis plusieurs années, les opinions personnelles sur l'inflation (OPI) des consommateurs, mesurées par l'enquête de conjoncture auprès des ménages, surestiment en moyenne le niveau de l'inflation tel que l'évalue l'indice des prix à la consommation (IPC). Deux types d'explications sont d'abord envisagés. Une première approche est de nature socio-politique : l'opinion des consommateurs sur le niveau d'inflation ne serait pas la résultante de leurs propres observations des prix des biens et des services, mais une construction collective, suivant le modèle de la rumeur, suscitée par une défiance envers les informations officielles et la nourrissant, et amplifiée par le traitement médiatique des évènements économiques. La seconde approche postule, au contraire, que les consommateurs observent bien les évolutions des différents prix et, à l'instar des instituts statistiques, construisent leur appréciation de l'inflation comme la moyenne de ces évolutions. L'écart entre l'OPI et l'IPC proviendrait alors soit de différences dans les pondérations utilisées (alors que les instituts statistiques se réfèrent à un panier de consommation moyen, les consommateurs retiendraient leur propre structure budgétaire), soit de divergences dans l'appréciation de l'évolution des prix des différents produits. Après avoir discuté ces deux approches et souligné leurs insuffisances, l'étude présente une troisième approche fondée sur l'information du consommateur et sa situation d'achat. Le mécanisme essentiel a deux composantes : d'une part, le consommateur observe d'autant mieux les évolutions de prix que les produits correspondants sont achetés plus fréquemment. D'autre part, il est amené à surpondérer les prix en hausse par rapport à ceux qui restent stables ou diminuent, dans la mesure où ce sont les premiers qui peuvent constituer une menace pour l'équilibre de son budget. Ne tenant pas suffisamment compte des prix à la baisse, l'OPI est alors systématiquement au-dessus de l'IPC.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 38
Langue Français

Extrait

CONDITIONS DE VIE - SOCIÉTÉ
L’inflation perçue Jérôme Accardo*, Claire Célérier**, Nicolas Herpin*** et Delphine Irac****
Depuis plusieurs années, les opinions personnelles sur l’inflation (OPI) des consom -mateurs, mesurées par l’enquête de conjoncture auprès des ménages, surestiment en moyenne le niveau de l’inflation tel que l’évalue l’indice des prix à la consommation (IPC). Deux types d’explications sont d’abord envisagés. Une première approche est de nature socio-politique : l’opinion des consommateurs sur le niveau d’inflation ne serait pas la résultante de leurs propres observations des prix des biens et des services, mais une construction collective, suivant le modèle de la rumeur, suscitée par une défiance envers les informations officielles et la nourrissant, et ampli -fiée par le traitement médiatique des évènements économiques. La seconde approche postule, au contraire, que les consommateurs observent bien les évolutions des différents prix et, à l’instar des instituts statistiques, construisent leur appréciation de l’inflation comme la moyenne de ces évolutions. L’écart entre l’OPI et l’IPC proviendrait alors soit de différences dans les pondérations utilisées (alors que les instituts statistiques se réfèrent à un panier de consommation moyen, les consommateurs retiendraient leur propre structure budgétaire), soit de divergences dans l’appréciation de l’évolution des prix des différents produits. Après avoir discuté ces deux approches et souligné leurs insuffisances, l’étude présente une troisième approche fondée sur l’information du consommateur et sa situation d’achat. Le mécanisme essentiel a deux composantes : d’une part, le consommateur observe d’autant mieux les évolutions de prix que les produits correspondants sont achetés plus fréquemment. D’autre part, il est amené à surpondérer les prix en hausse par rapport à ceux qui restent stables ou diminuent, dans la mesure où ce sont les premiers qui peu -vent constituer une menace pour l’équilibre de son budget. Ne tenant pas suffisamment compte des prix à la baisse, l’OPI est alors systématiquement au-dessus de l’IPC.
* Insee ; ** Banque de France ; *** Insee, CNRS ; **** Banque de France.  
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 447, 2011
3
4
 
pertinence de D lepinuidsi cep lduesis epurrisx  aà nlna éceos,n sloa mmation (IPC) est fortement remise en cause dans le public, en France comme dans de nombreux autres pays. Le constat est bien établi : depuis 2004, l’enquête de conjoncture auprès des ménages (enquête Camme de l’Insee, voir encadré 1), recueille chaque mois, auprès d’environ 2 000 ménages interrogés par téléphone, leur estimation de l’in -flation sur les 12 derniers mois. Cette estimation, qu’on désignera dans cette étude comme lopinion personnelle sur linfla-tion  (OPI), apparaît en permanence très nette -ment supérieure à celle mesurée par l’indice des prix à la consommation (graphique I). L’écart est en permanence de l’ordre de six points sur toute la période allant de janvier 2004 à décembre 2010. Des écarts analogues entre ce que perçoit le public et ce que mesure la sta -tistique officielle s’observent dans la plupart des autres pays européens de la zone euro 1 , le passage à l’euro ayant suscité de nombreuses études sur ce sujet. Ainsi, sur une statistique économique de pre -mière importance, la mesure officielle et le sen -timent du public divergent considérablement ; il en résulte une perte de crédibilité de l’IPC, plus ou moins marquée selon les pays, mais en France tout à fait manifeste. Cette perte de cré -dibilité affecte à son tour la façon dont sont per -çues les statistiques de croissance économique ou l’évolution du pouvoir d’achat.
Encadré 1
Les polémiques sur l’indice des prix ont eu au moins le mérite d’inciter les statisticiens et les économistes à pousser plus loin l’examen de leurs hypothèses et de leurs procédés de fabri -cation. L’IPC, qui est déjà une statistique dont les méthodes d’élaboration sont précisément codifiées internationalement et suivies en per -manence par les organismes internationaux (en premier lieu Eurostat et le Fonds monétaire inter -national), fait régulièrement l’objet d’examens approfondis visant à repérer et à évaluer des biais éventuels. Les études conduites en France à la fin des années 1990, à la suite des critiques formulées par le rapport Boskin à l’encontre de l’IPC américain (Boskin, 1996), avaient conclu à un biais très limité, inférieur à 0,3 point par an (Lequiller, 1997) qui, en outre, tendait à surestimer  l’inflation. Les travaux plus récents pour le Conseil d’analyse économique (Moati, Rochefort, 2008), ne remettent pas en cause la qualité de l’IPC en tant que mesure de l’inflation. En d’autres termes, on n’a pas jusqu’à présent mis en évidence de bonnes raisons de douter de la fiabilité de l’IPC. Toute la question est alors de comprendre pourquoi il suscite malgré tout la défiance d’une large fraction du public qui n’y retrouve pas ce qu’elle pense observer. Examinée sur les années 2004 à 2008, la distri -bution annuelle de l’OPI (c’est-à-dire l’histo -gramme, lissé, des valeurs citées chaque année 1. Voir Dieden et al.  (2006) ; ceux-ci remarquent d’ailleurs que ce n’est pas en France que l’cart entre l’opinion moyenne du public et l’IPC est le plus fort.
Lenquête de ConjonCture Auprès des MénAges MensueLLe  (« enquête      ») Tous les mois (à l’eception du mois d’août, jusqu’en Depuis 1996, on demande à l’enquêté son l’opinion 2008), l’Insee réalise une brève enquête télépho -sur l’inflation au cours des 12 derniers mois (des si nique sur la conjoncture économique auprès d’un derniers pour la période 1996-2003). Plus précisé -échantillon d’environ 2 000 ménages répondants. ment, la question posée est : Chaque ménage est interrogé trois mois consé -cutifs (on parle de trois vagues ) avant de sortir de Trouvez-vous que, au cours des douze derniers mois, l’échantillon. La personne interrogée est le titulaire les prix ont : de l’abonnement téléphonique ou son conjoint. Le - fortement augment, questionnaire interroge l’enquêté sur son apprécia -tion de la situation économique générale et de sa - modrment augment, propre situation sur les quelques mois précédents - un peu augment, et sur ses anticipations à court terme. Les résul - tats recueillis sont utilisés pour produire lindicateur -stagn, du moral des ménages. L’enquête fait partie d’une - diminu ? ensemble d’enquêtes analogues réalisées dans tous les pays de l’Union européenne, sous l’égide de la Depuis 2004 le questionnaire demande en outre une Commission européenne. évaluation quantitative de cette inflation passée.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 447, 2011
par les enquêtés), met en évidence plusieurs 10 % et plus, pour 18 % l’inflation est supé -résultats (graphique II) : rieure ou égale à 15 % par an, soit des niveaux qui, comme le remarquent Dieden et al. , (2006), -la distribution est remarquablement stable de sont très peu vraisemblables d’un point de vue 2004 à 2007. En 2008, néanmoins, la proportion économique (du moins pour la France durant la des réponses les plus basses (inflation évaluée période analysée). à moins de 6 points) diminue tandis que celle des réponses élevées (inflation évaluée à 10, 15 À quoi attribuer une telle divergence ? Si l’on ou même 20 points) augmente. Le glissement écarte l’idée d’erreurs substantielles et systé -annuel de l’IPC a culminé dans l’été 2008 à matiques de cet indice (dont on a vu qu’elle est r3é,c6 es%s ieotn s ete sdt e elfaf obnaidsrsée  ecnosruriétlea tsiovues  dlue pfféettr odle lat inrmée par les audits, mentionnés plus haut, e e auxquels la méthodologie et la chaîne de pro -des prix alimentaires. En 2009 et 2010, sa distri -duction de l’IPC ont été soumises ces dernières bEunt idona ruettrreos utveer lmaess,p elcté vdaelsu aatninoéne sd pers éicnéddievnitdeuss.  années), on doit se tourner vers lexamen de ce est qualitativement cohérente, en évolution qui fonde les opinions du public sur l’inflation. , avec la mesure de l’IPC. L’écart entre l’IPC et Une première hypothèse est que, lorsqu’ils éva -l n i i v n e a a u t idoen  lpeirnçuaet ipoanr  lpel uptôutblqiuc ep sourtr el aa indisri escutir  o l n e   luent l’inflation, les individus n’émettent pas une  appréciation factuelle issue d’une observation  des évolutions de prix. précise des prix, mais un jugement global d’ordre -Sur ce niveau, en revanche, l’écart est subs -tsioocni od-ep loliintiqautie osnu sr elreauitr  asiintusia i ti r o ra n t . io L n e n u e r ll a e p, pcreé cqiuae - tantiel. Sur l’ensemble de la période 2004-2008, 61 % des enquêtés 2 estime l’inflation sur les 12 mois précédents à 5 % et plus (on rap -2. Pourcentage calcul sur les enquts fournissant une rponse pelle que l’IPC, sur la même période, l’évalue sur l’OPI, soif 46 % de l’chantillon. 3. Moyenne des glissements sur douze mois de l’IPC Ensemble, à 1,9 % en moyenne) 3 . Pour 32 %, elle est de France mtropolitaine, de janvier 2004  dcembre 2008.
Graphique I Iflio (x  croissc ll  l’IPC)  oy s opiios prsolls  sr l’iflio (OPI)
Lecture : en dcembre 2010, l’IPC valuait l’inflation sur les 12 derniers mois  1,4 %. Elle tait de 6,3 % selon l’estimation moyenne des personnes interroges le mme mois par l’enqute. Champ : mnages ordinaires - France mtropolitaine. Source : Insee, indice des prix, enqutes Camme , 2004-2010.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 447, 2011
5
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents